Dossier Bilan Manga-News 2013 - Partie 2 - - Partie 1

Au rayon des Nouveautés

Shonen : le retour en grâce !

Suite à une année 2012 campée sur ses acquis, avec très peu de titres marquants du côté des lectures pour jeunes garçons, 2013 signa l'arrivée de nouveaux blockbusters du genre ! La tête d'affiche de l'année reste bien évidemment L'Attaque des Titans, dont le succès fulgurant au Japon n'était pas passé inaperçu aux yeux des lecteurs français. Lancé en juin chez Pika, la série de Hajime Isayama a également bénéficié de l'essor de sa version animée, disponible en France dès avril via Wakanim. Derrière ce titre issu d'un mangaka encore méconnu, nous retrouvons deux auteurs qui ont déjà fait plus ou moins leurs preuves en France : si elle bénéficie certes d'une version animée, le succès de la saga agricole Silver Spoon, lancée en février, tient surtout à la réputation de son auteure, Hiromu Arakawa, qui se livre ici dans une thématique très personnelle. Kurokawa aura bien perçu l'attachement des français pour la mangaka, en publiant également le récit autobiographique Nobles Paysans à l'automne. A l'inverse, pour Assassination Classroom, l'aura de Yûsei Matsui n'était pas aussi imposante. Mais les éditions Kana ont su jouer sur l'impatience des fans, en teasant l'arrivée de la licence dès avril, soit six mois avant sa parution, via l'invasion de son site internet puis à grand coup d'activités promotionnelles à Japan Expo.

Derrière ce trio magique, d'autres titres importants se bousculent dans cette déferlante 2013, mais se sont révélés légèrement plus discrets : c'est ainsi le cas de Sankarea, Sket Dance, Hell's Kitchen ou Nisekoi. Un cran en-dessous, d'autres titres savaient également provoquer une certaine attente, comme Cage of Eden, Alice in Borderland, Bimbogami ga, Servamp ou Tokyo Ghoul, sans oublier quelques titres « à licence » comme Yuzuko Peppermint chez Booken Manga ou Black Rock Shooter - innocent Soul chez Panini. Et il ne s'agit ici que d'une petite sélection dans l'avalanche de nouveaux shônens sortis dans l'année !

2013 fut également l'année des « suites de », avec une logique saisonnière de plus en plus répandue, à l'instart de Bloody Monday, X-Blade Cross, The Breaker New Waves ou encore Kenichi, même s'il s'agit pour ce dernier d'une découpe réalisée par Kurokawa (à l'instar des saisons d'Ippo). N'oublions pas non plus la saison 2 d'Angel Heart, dans cette année qui fut très fournie pour les fans de Tsukasa Hojo avec la série dérivée Cat's Ai et la réédition de ses « Trésors » chez Ki-oon. La logique du suivi des licences continue avec Saint Seiya, the lost canvas – chronicles, Monster Hunter Flash, voire l'inattendu Astroboy - La légende du chevalier Azur. De même, les mangakas déjà réputés ont vu leur bibliographie française s'étoffer : Tite Kubo avec Zombie Powder, Sakae Esuno avec Big Order, ou encore les auteurs d'Higschool of the Dead avec Triage X. Mais au final, l'un des plus grands évènements de l'année dans ce domaine fut la mise en application de la « Jojo Experience », dont nous faisions l'écho dans notre bilan 2012, avec l'arrivée d'une nouvelle saison, Steel Ball Run, et la réédition de Stardust Crusaders, premier pas de la récupération des premières aventures bizarres de Jojo, jusqu'alors éditées par J'ai Lu. Une initiative qui a offert des résultats plutôt satisfaisants malgré le risque encouru par Tonkam, devant cette œuvre colossale injustement boudée en France.

Jeunesse : on ne les voit pas grandir...

Après avoir enflé durant les dernières années, le secteur jeunesse est devenu à présent une partie incontournable du marché du manga, la plupart des titres préparant nos chères têtes blondes à leurs futures lectures adolescentes. Ainsi, parmi les meilleurs tirages de l'année écoulée, on retrouvera surtout, dans ce rayon, des titres dits « à licence », immédiatement identifiables par les enfants ou par leurs parents. On classera ici les adaptations manga de type cross-media comme Beyblade Shogun Steel, Pokémon Zoroark, LBX ou encore Yu-gi-oh! Zexal. De son côté, l'éditeur Pika poursuit son partenariat avec Disney pour nous proposer de nouvelles versions papier de certains longs-métrages récents : Alice au pays des merveilles (version Burton), Raiponce ainsi que La princesse et la grenouille.

La fin de l'année 2013 fut également marquée par la déferlante Chi, une vie de chat : la sortie du dixième tome fut accompagnée par celle d'un livre pour les plus petits, Chi, c'est mon prénom, ainsi que plusieurs goodies (journal intime, boite de cartes postales, carnets,...) proposés par Glénat à l'approche des fêtes de fin d'année. Notons par ailleurs que l'éditeur Komikku a également surfé sur la vague féline avec Yanaka – Histoires de chats en octobre. Après Roji! en 2012, la maison d'édition Ki-oon a proposé une belle surprise pour les plus jeunes comme pour leurs aînées avec Lucika Lucika, une série dans la lignée d'un Yotsuba mais qui a la particularité d'être dessiné par le célèbre chara-designer Yoshitoshi ABe !

Spécialisé dans le secteur jeunesse, nobi! nobi! a connu une année 2013 très prolifique : outre plusieurs titres destinés aux tous-petits (La maison-ballon de la famille Hippo, Tamago...transformation !) comme aux moins petits (Yosei - Le cadeau des fées, Kotori – le chant du moineau,...), la maison d'édition a proposé deux ouvrages évènementiels, tout d'abord en nous présentant Bonolon, un personnage jovial inventé par Tetsuo Hara, le père d'Hokuto no Ken ! Puis, nous pûmes découvrir le premier manga de l'éditeur, Pan'Pan Panda, à partir de novembre 2013.

Seinen : l'heure des confirmations

Si le manga en général accuse un certain recul, le secteur du seinen est encore celui qui s'en tire avec le plus d'honneurs, affichant une satisfaisante progression. Il reste en effet un secteur d'ouverture à l'attention des lecteurs de bande-dessinée, comme l'a montré le succès de Thermae Romae en 2012. D'ailleurs, les éditions Casterman sont loin d'en avoir fini avec Lucius Modestus, puisque la série repartit de plus belle en 2013 avec une réédition deluxe, sans oublier l'incursion dans les autres œuvres de Mari Yamazaki avec Pil et Giacomo Foscari. Plus généralement, le secteur documentaire/historique a continué de s'étoffer avec Cesare, mis en évidence au Salon du livre par l'éditeur Ki-oon avec la présence de ses auteurs, Le Vicomte de Valmont chez Soleil ou encore Zéro pour l'éternité chez Delcourt, s'intéressant au sujet sensible des kamikazes de la seconde guerre mondiale. Non loin de là, citons également Vertical, sans oublier l'incontournable Jiro Taniguchi avec Les enquêtes du limier et Trouble is my Business. Et nous terminerons par la cuvée Urasawa de l'année : Master Keaton, qui arriva sur le sol français directement en version deluxe.

Parler d'Urasawa nous amène logiquement au registre des thrillers, qui furent représentés avec des polars au long cours comme Montage ou Tokyo Yamimushi, des récits médicaux nerveux avec La main droite de Lucifer et Dr Dmat. Le secteur du young seinen, installé depuis quelques années, est devenu la spécialité de certains éditeurs, comme Tonkam (Brynhildr in the darkness, HE the Hunt for Energy, Soul Reviver) ou Doki-Doki (Gewalt, Sai Taker). Dans la lignée de I am a Hero, la mode des zombies a également perduré par le biais de Manga of the dead ou Tokyo Summer of the dead. Mais dans le secteur, c'est encore Ki-oon qui aura frappé le plus fort grâce au retour de Masasumi Kakizaki avec Green Blood, et grâce au titre le plus en vue de l'année, King's Game, Surfant sur la vague initiée par Doubt et Judge. Lancé en février 2013, ce titre de Nobuaki Kanazawa et Hitori Renda a été mis en avant tout au long de l'année, notamment grâce à un concours qui aura duré plus de deux mois.

On remarquera également un certain renouveau de la SF et du space opera avec l'arrivée de la version manga de Ghost in the Shell - Stand alone complex, du retour de Tsutomu Nihei avec Knight of Sidonia, ou encore l'arrivée du déroutant Terra Formars. Mais on ne peut évoquer l'espace sans parler d'une autre licence japonaise très prestigieuse, arrivée en France à l'automne, à savoir Space Brothers de Chuya Koyama. Hélas, contrairement à l'Attaque des Titans, le bouche à oreille semble ne pas avoir été aussi bénéfique pour cette odyssée vers les étoiles, qui peine encore à décoller...

Le seinen, c'est aussi une multitude de one-shot ou récits courts à la portée plus intimiste, avec des auteurs que nous aimons retrouver de manière récurrente. C'est ainsi le cas de Junji Itô (Le tunnel, Le mort amoureux), de Fumiyo Kôno (Dans un recoin de ce monde), mais aussi de Tetsuya Toyoda signant son retour avec Goggles, et des recueils du regretté Satoshi Kon, Opus et Seraphim. A côté de ces quelques pointures, de nouveaux venus ont joué la carte du guide biographique ou pratique (Deux mangakas à Angoulême, Assistante mangaka, Mes petits plats faciles by Hana), ou de récits d'auteurs indépendants, comme Poissons en eaux troubles, DDT , La Demeure de la chair ou Heartful Company, entre autres.

Vintage et Patrimoine : reculer pour mieux sauter ?

Tandis que les éditeurs « historiques » de mangas vintages semblent avoir amorcé un net recul sur le secteur, et que les dernières rééditions de titres nostalgiques touchent à leur but, un nouveau souffle est apparu grâce à deux nouveaux acteurs du marché. D'un côté, l'éditeur Black Box, qui s'est lancé dans le manga en 2013 en montrant quelques licences connues, comme Abenobashi et prochainement Flash! Kimengumi. Black Box a également lancé son label avec une auteur encore méconnue en France, mais résolument ancrée dans cet élan nostalgique : Masako Yoshi (Comment ne pas t'aimer, Du haut de mon monde, Manabu).

L'autre nouveau venu, Isan Manga, a décidé de se spécialiser dans le « beau livre » et dans l'aspect patrimonial. Nous y avons ainsi découvert au cours de l'année 2013 trois titres de Yumiko Igarashi, avec deux adaptations d'oeuvres classiques (Roméo et Juliette, Madame Bovary) et L'épée de Paros, sur un scénario de la romancière Kaoru Kurimoto (rajutons également l'arrivée de Joséphine Impératrice chez Pika). L'éditeur nous a également proposé de découvrir la saga Kamen Rider de Shôtaro Ishinomori, l'une des pierres d'achoppement du genre du tokusatsu. Du côté des grands éditeurs, l'aspect patrimonial s'est fait rare et précieux, marqué par l'Anthologie Moto Hagio proposée par Glénat à la fin de l'année, rendant justice à l'une des plus grandes auteures de sa génération. De son côté, Kana a flirté sur la sortie cinéma d'Albator pour nous proposer une réédition du manga original en une imposante intégrale.

Shojo et josei : des initiatives, mais...

De leur côté, les lectures pour filles, bien discrètes dans les classements des ventes, continuent de se succéder malgré tout, au risque que l'on ne puisse trier le bon grain de l'ivraie dans cette avalanche de romances lycéennes stéréotypées. Pourtant, il serait de mauvaise foi de dire que rien n'a été tenté en 2013, bien au contraire !

En effet, le paysage éditorial français nous a gratifié de plusieurs joseis très réputées, malgré des thématiques et un rythme qui est encore loin de séduire le lectorat moyen. On pense ainsi à Chihayafuru, succès critique et populaire au Japon, qui s'intéresse au karuta, un jeu de carte encore méconnu en occident. Malgré l'initiative didactique de Pika, offrant quelques cartes à chaque volume paru, la série est loin d'avoir attiré toute l'attention qui lui était due. Il en est de même pour Kamakura Diary, un titre axé « tranche de vie » qui signe le retour en France d'Akimi Yoshida (Banana Fish), nom qui, hélas, ne parlera pas beaucoup aux gens de la jeune génération. De son côté, malgré l'exposition de son adaptation animée en 2012, portée par un staff prestigieux, le manga Kids on the slope est également passé relativement inaperçu. Enfin, dans le même registre, citons également Les Fleurs du Passé, chez la jeune maison d'édition Komikku, mais qui restera avant un tout un succès d'estime en France, hélas... Bref, bien des tentatives pour autant d'échecs, prouvant que les lectures féminines plus matures ont encore beaucoup de chemin à faire en France.

Du côté du shôjo en lui-même, quelques titres ont tiré leur épingle du jeu, comme No Longer Heroine ou Parapal chez Delcourt, Ane no Kekkon chez Panini ou encore Chibi Devi! chez Soleil. Cet éditeur a d'ailleurs continué à agrandir sa collection Gothic, notamment avec Scarlet Fan ou Aphrodisiac, tandis que l'on aura également pu suivre les nouvelles aventures d'Alice au royaume de Trèfle chez Ki-oon. Tout comme dans les autres secteur, le suivi des auteurs a été important, avec Aozora Yell de Kazune Kawahara, La Fleur Millénaire de Kaneyoshi Izumi, Blue Spring Ride de Io Sakisaka, sans oublier An Nakahara chez Glénat pour les plus jeunes, avec Kilari Star et Nijika.

Yaoi : la nouvelle déferlante

Le secteur de l'homoromance masculine reste de son côté bien fixé dans le paysage francophone, avec en tête l'éditeur Taifu qui a, en quelques années, fait connaître bien des mangakas spécialistes du domaine. Cette année, les yaoïstes purent ainsi découvrir les travaux de Miyuki Abe avec Super Lovers, mais aussi retrouver Yonezô Nekota avec Electric Delusion, Kô Yoneda avec Twittering birds never fly et Rihito Takarai avec Fleur et sens, parmi les plus grand succès de l'éditeur cette année. De son côté, le label Asuka de Kazé Manga a quant à lui baissé drastiquement son nombre de sorties pour l'année, et ne compte que trois nouveautés (Sweet Desire, In his eyes et Dramatic Maestro), auxquelles il faut rajouter la réédition de Yellow. De son côté, Tonkam est revenu vers Kazuma Kodaka avec deux nouveaux titres, Bad Teacher et Border.

Mais la tranquillité du secteur a été bousculée par l'arrivée d'un nouveau concurrent : la maison IDP qui s'est lancé à corps perdu dans le boy's love, avec une offre singulière. A l'instar de ce qui est proposé du côté du DVD avec la collection Gold, le groupe IDP propose ses sorties sous forme de packs de 5 mangas, à sortie mensuelle, et à un tarif unitaire de 4,99 €, bien loin du reste des prix du marché. L'offre paraît alléchante, d'autant qu'elle se voit agrémentée de nombreux bonus (romans illustrés, mugs,...), mais provoque une nouvelle avalanche de titres dans un marché déjà très vivace, avec 74 volumes sortis dans l'année !

L'éditeur privilégie ainsi la quantité à la qualité, et donne l'impression d'une grande loterie au niveau du choix des titres. Les packs en eux-même ne suivent aucune ligne directrice, avec parfois quelques auteurs récurrents mais sans grande logique pour autant. Bref, cette offre se veut avant tout à destination des acheteuses les plus compulsives, au risque de lire de tout et du n'importe quoi. Et si la qualité reste très satisfaisante par rapport au prix proposé, il sera intéressant de voir si cette collection sera parvenue à ses fins, ou si elle aura amené à la saturation d'un genre déjà très redondant...

En revanche, le secteur du yuri s'est fait autrement plus discret en 2013, malgré les légers espoirs de l'année précédente. Seuls deux titres auront pointé le bout de leur nez chez Taïfu Comics, à savoir Candy et Ebisu and Hotei.

Ecchi/Hentai : Plus de limites !

Si l'éditeur Taïfu s'est fait quelque peut voler la vedette sur le créneau du yaoi en 2013, il trouva cependant une réplique dans un tout autre secteur : celui des publications érotiques... ou plutôt, totalement pornographiques ! En effet, jusqu'alors, le marché du ecchi-hentai restait encore relativement sobre, mais l'éditeur a décidé de passer à la vitesse supérieure avec une nouvelle collection lancée en mars 2013 : 100% Hentai – Sans interdits. Comme ce nom le laisse entendre, il s'agit ici de nouveaux titres beaucoup plus hards, garantis sans censure, et publiés en grand format. Quatorze titres sont ainsi sortis en l'espace d'un an, aux couvertures plus explicites les unes que les autres, et ont connu un succès particulièrement fulgurant, aux dires de la maison d'édition elle-même. En particulier, les œuvres de Yamatogawa (How good was I?, Witchcraft, Power Play) se hissent en tête de ce cortège de luxure.

Derrière ce lancement fulgurant, on en oublierait presque les autres sorties du domaine. Soleil a conservé le rythme de croisière du label Eros avec une poignée de nouveaux titres : L'Allumeuse, Ma nouvelle femme et Love on the Job. Citons également deux ovnis parus dans le courant de l'année : Pour une nuit, titre érotique chinois publié chez Page 69 en juin, et Une infirmière dévouée, premier (et dernier?) titre de l'éditeur Ecchi Manga, sorti uniquement en kiosque en mai dernier... A croire que tout le monde a décidé de s'essayer au secteur, des petits labels aux grandes maisons d'éditions, comme le fera Glénat en 2014 avec une nouvelle collection sobrement nommée Erotic. Le manga coquin n'a pas fini de faire parler de lui !