Monthly girls' Nozaki-kun Vol.1 : Critiques

Gekkan shôjo Nozaki-kun

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 28 Novembre 2025

Cette fin de mois de novembre est à marquer d'une pierre blanche puisqu'elle voit enfin arriver en France l'un des mangas comiques les plus populaires de cette dernière quinzaine d'années: "Gekkan Shôjo Nozaki-kun", renommé sous son titre international/anglais "Monthly Girls' Nozaki-kun" pour sa publication française. Cette oeuvre est signée Izumi Tsubaki, une mangaka déjà bien connue en France aux éditions Delcourt pour deux shôjo issus du magazine culte Hana to Yume des éditions Hakusensha: la toute première série de sa carrière Sweet Relax, et surtout la série-fleuve à succès Fight Girl.

Pour Nozaki-kun, Tsubaki ne perd aucunement l'humour de ses autres séries mais change de registre, puisque cette série suit son cours depuis août 2011 sur l'assez inclassable site Gangan Online de Square Enix, en ayant donc côtoyé ou en côtoyant encore des titres comme Barakamon, The Ice Guy & The Cool Girl ou encore Je ne suis pas populaire, et c'est de votre faute !. Bien que généralement catégorisée shônen, la série se veut en réalité parfaitement adaptée à tous les publics, tant son humour joue sur différents registres et son dessin reste à-même de plaire à tout le monde. Riche actuellement de 17 volumes avec, depuis quelques années, un nouveau volume paraissant chaque été, l'oeuvre a vu sa popularité décoller aussi bien au Japon qu'à l'international à partir de l'été 2014 qui a marqué la diffusion de son adaptation animée, une adaptation qui reste souvent considérée comme l'un des meilleurs animes de cette année-là. Depuis, Nozaki-kun a poursuivi sa publication sans faillir, en étant nommé pour certains prix, en ayant connu quelques tomes bonus (anthologie collective, fanbook...), en voyant régulièrement chacun de ses nouveaux tomes se classe en bonne place du top des ventes Oricon au moment de sa sortie...

Bref, vous l'aurez compris: il était plus que temps que cet assez gros morceau parmi les mangas humoristiques soit publié en France, et nous devons cette bonne nouvelle aux éditions Noeve Grafx qui ont su renaître de leurs cendres depuis cet été, et qui proposent ici une qualité éditoriale assez convenable puisque sa seule petite lacune provient de son papier un peu trop transparent. Néanmoins, par rapport à la plupart des sorties de l'éditeur ces derniers mois, on évite l'impression faite en Chine puisque celle-ci a été effectuée chez GZ Digital Media en Tchéquie (ce n'est pas encore l'idéal, mais au moins on évite la délocalisation à des milliers de kilomètres de chez nous). A part ça, la jaquette est très fidèle à l'originale japonais jusque dans la typo du logo-titre, ce dernier bénéficie d'un vernis sélectif, la conservation de la première page en couleurs sur papier glacé est très appréciable, le lettrage d'Emma Poirrier est propre, et la traduction assurée par Morgane Paviot s'avère souvent très efficace pour faire ressortir le caractère des personnages, le dynamisme de leurs interactions et surtout l'humour omniprésent.

Cette longue présentation achevée, intéressons-nous donc à l'histoire, qui est toute simple sur le papier. Quand Chiyo Sakura, jeune fille en fleur de 16 ans, confesse maladroitement son amour à son camarade de classe Umetarô Nozaki, celui-ci ne comprend rien et finit par lui offrir une dédicace et par faire d'elle son assistante pour l'encrage de planches. La raison ? Eh bien, derrière la grande silhouette masculine et très stoïque de ce lycéen se cache un tout jeune auteur de mangas promis au succès... et qui plus est un mangaka spécialisé dans le shôjo ! Comment diable un garçon pareil, qui semble un peu à côté de la plaque en matière d'amour puisqu'il ne capte rien aux sentiments de Chiyo, peut-il signe des prometteuses comédies romantiques à destination des jeunes filles ? En le côtoyant désormais aussi bien à l'école que dans son travail, Chiyo finira peut-être par le comprendre un jour... Mais dans l'immédiat, il lui faut d'abord gérer difficilement ses sentiments, s'habituer à ce job d'assistante auquel elle ne s'attendait pas, veiller à ce que le secret soit bien gardé puisque peu de monde est au courant de l'identité de Nozaki, et parvenir à côtoyer à peu près convenablement une galerie de personnages hauts en couleurs qui s'enrichir toujours plus !

L'oeuvre a beau nous plonger dans le monde du manga, il faut bien se dire que, en tout cas pour l'instant, Izumi Tsubaki ne cherche pas spécialement à nous faire découvrir en profondeur les coulisses de cet univers: ici, tout est avant tout prétexte à l'humour, et de ce côté-là l'autrice s'en sort déjà très, très bien grâce à deux aspects.
Tout d'abord, la mise en place de personnages délicieusement barrés et dont les relations ne manquent jamais de piquant ni d'animation: de la maladroite Chiyo au stoïque Nozaki, en passant par Mikoto Mikoshiba l'ami et assistant de Nozaki à qui il inspire malgré lui l'héroïne de son manga, Yuzuki Seo l'amie de Chiyo qui semble beaucoup moins douce que ce que notre héroïne pense d'elle, Yû Kashima qui a tout du "prince de l'école" malgré son statut de fille, Masayuki Hori le président du club de théâtre qui complexe sur sa petite taille et qui a une relation plutôt bourrine avec Kashima, Ken Miyamae l'éditeur de Nozaki que ce dernier enjolive peut-être un peu (beaucoup) trop, Mitsuya Maeno l'ancien éditeur pas franchement soigneux et bien trop narcissique de Nozaki, et on en passe, Izumi Tsubaki n'a aucun mal à installer un casting qui ne va bien sûr pas se limiter aux quelques traits de caractère évoqués, puisque les différentes interactions et évolution relationnelles entre eux vont révéler toujours plus leur excentricité, leurs aspects décalés... pour un résultat hautement réjouissant.
Ensuite, le fait que l'autrice exploite le monde du manga à des fins comiques: très souvent, Tsubaki semble s'éclater à parodier les coulisses du monde du manga, à détourner un paquet de clichés sur les mangas (et plus spécifique sur les comédies romantiques typées shôjo) en les accentuant ou au contraire en les déconstruisant, pour au final porter un regard aussi tendre qu'acéré et qui démontre toujours une bonne connaissance ainsi qu'une certaine bienveillance pour le genre.

C'est en étant porté par tout ceci, mais aussi par un dessin aussi clair qu'expressif qui entretient une vraie légèreté de ton permanente, que ce premier tome voit Tsubaki enchaîner à chaque page son petit lot de situations ubuesques, de quiproquos débiles et d'autres joyeusetés, en jouant sur beaucoup de types d'humour différents qui vont du comique de situation à l'humour absurde, en passant par l'humour vache (pauvre Kashima qui s'en prend plein la figure, toujours avec le sourire) et bien d'autres choses. Et si la recette se révèle si efficace, c'est sans doute aussi parce que la mangaka sait très bien tirer parti du format si spécifique qu'est le yonkoma (ou 4koma), ces strips en quatre cases se lisant à la verticale et où chacune des quatre cases en question doit tenir un rôle bien précis pour amener le gag et lui permettre de fonctionner. La mangaka se montre particulièrement à l'aise dans cette gestion des cases, exercice qui n'est pas forcément aussi facile qu'on le croit.

A l'arrivée, avec ce premier volume délectable dans son genre, Monthly Girls' Nozaki-kun ne trahit aucunement sa solide réputation qui perdure au Japon depuis désormais plus de 15 ans. Il faut éventuellement se faire au format yonkoma auquel le public français reste peut-être moins habitué, et se laisser happer par le ton du récit une fois passé le tout début qui nous plonge immédiatement dans le vif du sujet, mais une fois tout ça passé on découvre la comédie que l'on espérait: généreuse, légère, pleine d'idées, portée par des personnages déjà savoureux dans leur genre et par une vraie malice de la mangaka quand elle joue sur les clichés. Il n'y a plus qu'à espérer que l'autrice saura toujours conserver ce niveau sur la longueur, mais on a clairement envie de lui faire confiance pour ça !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction