Les mouvances de 2014
Fins de séries
Avant d'étudier les courants de l'année passée, il est temps d'offrir un hommage à toutes les licences qui se sont achevées sur le territoire francophone en 2014. Malgré des licences de plus en plus courtes, et en conséquence plus rapidement oubliables dans nos librairies, plusieurs séries historiques ont tiré leur révérence. A commencer par Neon Genesis Evangelion, dont l'ultime volume a connu une sortie mondiale en novembre 2014... après 19 ans de publication au Japon et 16 en France ! Autre licence emblématique du catalogue Glénat, Gunnm Last Order s'est fini en juillet, même s'il ne s'agit que d'une étape dans les aventures de la sulfureuse Gally. N'oublions pas l'Habitant de l'Infini, qui a rengainé son sabre en mars après 30 volumes de bons et loyaux services ; et King's Game, un titre beaucoup plus court, mais au succès fulgurant.
Parmi les autres fins notables dans le registre du seinen, nous évoquerons également, sans ordre précis : Ascension , Zéro pour l'éternité, March Story, La main droite de Lucifer, Green Blood, Giga Tokyo Toybox ou encore Vassalord,
Le shônen a également compté quelques adieux notables, tels Inu Yasha et ses 56 tomes pour douze ans d'édition, ainsi que Saint Seiya G, qui devrait cependant faire son retour en 2015 dans une édition double. Deux blockbusters ont également terminé leurs courses au succès : Bakuman chez Kana et Soul Eater chez Kurokawa. Dans le même registre du shônen-fleuve, citons aussi Reborn ou les mal-aimés Alive Last Evolution et Kekkaishi, arrivés à leur terme malgré un rythme de publication parfois malmené.
Dans le même secteur, une pensée plus rapide pour : Defense Devil, Arago, Malicious Code, Psyren, Luck Stealer, Undertaker Riddle, The Civilization Blaster, Hades, Deadman Wonderland, Ratman, Shinjuku Fever, Jeux d'Enfants, Buster Keel, Pokemon Noir & Blanc, Drôles de Racailles et Rosario + Vampire Saison II, parmi beaucoup, vraiment beaucoup d'autres titres...
Comme nous le disions dans la première section de ce dossier, le secteur des lectures pour filles a quant à lui été marqué par la conclusion des ses trois licences les plus porteuses : Vampire Knight chez Panini, Switch Girl chez Delcourt et l'ovni Amour Sucré chez Akileos. En marge de ces hits, on saluera quelques titres au plus ou moins long cours comme L'Académie Alice, Fushigi Yugi Gembu, Kilari Star, Maid Sama, Dengeki Daisy ou encore Mademoiselle se marie. D'autres licences seront passées rapidement sur le sol français, mais en ayant tout de même été remarquées par la critique : c'est le cas notamment des Fleurs du Passé, de Piece, des Secrets de Léa, de Joséphine Impératrice qui signait le retour de Yumiko Igarashi, ou de Kids on the slope qui se joignait à son adaptation animée.
Beaucoup de nouveautés, mais peu de titres marquants néanmoins, mais pour compléter le tableau, nous évoquerons également : Enfer Bleu, Seiyuka, Kamichama Karin, Akuma to Love Song, Cosplay Animal, Monochrome Animals, Alice au Royaume de Trèfle, 2nd love, Crash!!, Nijika, Prunus Girl, Dolls ou Kokoro Button.
Enfin, citons quelques titres d'auteurs un peu à part dans le paysage manga. Si l'on trouve dans ce registre beaucoup de one-shots, quelques titres ont pris le temps de s'exprimer sur la durée, comme Les Enfants de la mer de Daisuke Igarashi, L'autobiographique Vie de Mizuki, Wet Moon d'Atsushi Kaneko, Trouble is my business de Jirô Taniguchi, ou l'inclassable Bonne Nuit Punpun d'Inio Asano.
Départs et retours
Au niveau des fins de commercialisation, nous n'avons eu heureusement aucun arrêt brutal comme nous avions pu en subir quelquefois lors des années précédentes. Il y a bien eu quelques fins d'édition d'anciennes licences, mais pour la plupart d'entre elles, les annonces se sont faites sans douleur, les titres en question ayant déjà trouvé leur public depuis longtemps. On en comptera notamment un certain nombre chez Pika, avec une première salve en mars (Saru Lock, Negima!? Neo, Clamp School Detectives,...) et une seconde étalée sur l'automne (Grimms, Angelic Layer, Sugar Family,...), entrecoupées de quelques arrêts plus anecdotiques.
Après avoir fait un grand ménage en 2013, Tonkam a passé un nouveau coup de balai, moins prononcé, en septembre 2014, concernant Code Geass – Nightmare of Nunally, X 1999 Double (en hiatus au Japon depuis de nombreuses années) ou Evangelion – Plan de complémentarité Shinji Ikari, entre autres. Quelques mois plus tôt, en mai, Panini faisait lui aussi un peu de tri sur plusieurs licences, en stoppant, entre autres, Ai Suru Hito, Brave 10, Daydream ou Tokyo Magnitude 8. Dans un premier temps, la fournée intégrait aussi All Rounder Meguru, titre en pause depuis 2011, mais l'éditeur s'est rapidement ravisé en communiquant un erratum quelques heures plus tard. Pourtant, depuis, la situation du titre ne s'est toujours pas débloquée...
Parmi les autres arrêts marquants, évoquons aussi ceux de Private Prince chez Kazé Manga, de Togari chez Delcourt (alors que sa suite arrive chez Black Box), du manga patrimonial Kamui Den chez Kana, ou encore l'annonce en toute fin d'année concernant le Cheminot, une nouvelle fois chez Panini.
Concernant les rythmes de publication, les lecteurs semblent s'être habitués à accueillir de plus en plus de titres à une fréquence trimestrielle, comme cela est généralement le cas au Japon. Certains shônens-fleuves se maintiennent encore en bimestriel, mais finissent implacablement par ralentir, soit du fait qu'ils rattrapent la parution japonaise, soit en cas de faible succès. Cependant, là encore, les mauvaises surprises des années précédentes ne se sont pas reproduites : la plupart des titres en difficulté ont réussi à se maintenir à un rythme décent. Ainsi, Pika a confirmé sa promesse en rehaussant le rythme de ses cas difficiles, permettant ainsi d'évacuer certaines licences dans l'année (Kekkaishi, Alive Last Evolution) et d'en remettre d'autres en avant (Nodame Cantabile, Haruhi Suzumiya). 2014 a même été propice à des come-back inespérés, comme Gundam, l'école du ciel (après six ans d'absence !) chez le même Pika, Library Wars chez Glénat, Zipang chez Kana ou bien Jin chez Tonkam. Et nous retiendrons également la réimpression de Dorohedoro, réclamée depuis longtemps par une partie du public souhaitant découvrir cette œuvre. Les sept premiers volumes furent réimprimés à l'été par Soleil, dans un nouveau tirage relativement limité et moins luxueux que l'original, pour satisfaire ce lectorat potentiel.
La tendance s'est même complètement inversée pour certains titres, édités à un rythme... mensuel ! Dans un marché où il est difficile de se faire une place, il semble plus aisé pour certains titres « de niche » de faire un passage éclair en librairie, plutôt que d'y moisir sur plusieurs années. Pour ces titres, le public intéressé répondra de toute façon présent dès le départ, et tant pis si l'on perd quelques hésitants au passage. Suivant l'exemple de Kurokawa avec Ippo (qui vu s'achever sa saison 3 et débuter sa saison 4 en 2014), quelques éditeurs ont pris ce parti, et ce dès le lancement de leurs nouveaux titres : c'est notamment le cas de Tonkam avec la réédition des premières saisons de Jojo's Bizarre Adventure, ou de Kazé Manga avec la comédie scolaire Gokusen, publié au rythme d'une année scolaire. De son côté, Ki-oon, qui misait pourtant gros sur Dragon Quest – Emblem of Roto, a lui aussi décidé d'accélérer son rythme en mensuel début 2015.
L'autre solution possible consiste en une accélération qui ne se ressent non pas sur le rythme de publication, mais sur les coûts de fabrication : condenser la série en volumes doubles ou triples en cours de publication. Nous avions déjà assisté à ce phénomène il y a quelque temps chez Panini, pour achever prestement certaines licences pesantes, mais rarement lorsque les titres très éloignés de leur terme, voire inachevés. L'éditeur Booken s'est ainsi résolu à cette solution pour Ares, à partir de son septième volume, paru en juin. A l'automne, Glénat annonça la même issue pour le shônen sportif Dream Team, avec un premier tome double sorti en février 2015.
Rééditions
En vogue depuis la fin des années 2000, les rééditions ont connu une forte décrue en 2013, mais sont revenues à un nombre beaucoup plus correct cette année. On compte ainsi 171 volumes dans la catégorie en 2014, contre 130 en 2013 et 158 en 2012. Pourtant, cette tendance ne s'est pas beaucoup ressentie en librairie.
L'apparition du format kanzenban il y a quelques années nous a poussés à une mauvaise habitude : croire que réédition est synonyme d'amélioration du format. En réalité, c'est bien plus large que ça. Mais puisque nous en parlons, l'effet de mode des formats deluxe peine à se renouveler. Tandis que certains titres ont continué à leur rythme (Dragon Ball, Saint Seiya), d'autres se sont achevés dans le courant de l'année 2014, comme Gokinjo chez Delcourt, Thermae Romae chez Casterman, ou encore la reprise d'Emma au format Latitudes de Ki-oon. Mais dans le même temps, aucun nouveau format luxueux n'a été lancé. En effet, ce marché n'a pas montré des résultats très flamboyants, à quelques exceptions près, et au prix de conception de ces éditions, il est difficile pour un éditeur de supporter un tel risque. Bien sûr, l'échec peut ensuite influer drastiquement sur le rythme de publication... les lecteurs d'Hikaru no go en savent quelque chose !
En réalité, la plupart de ces rééditions concernent des formats standards, et des réacquisitions de licences libérées par les précédents éditeurs. On citera par exemple les Trésors de Tsukasa Hôjô chez Ki-oon, complétés cette année par Le cadeau de l'ange et Rash!!, mais aussi les premières saisons de Jojo (Phantom Blood, Stardust Crusaders) ou Kimagure Orange Road, passées de J'ai Lu à Tonkam, sans oublier la réédition de Sailor Moon chez Pika, achevée début 2014.
Dans d'autres cas, les éditeurs remettent au goût du jour leur fonds de catalogue dans de nouveaux habillages. C'est le notamment le cas d'Angel Sanctuary chez Tonkam ou de Love Hina chez Pika, mais aussi du one-shot Hokusai chez Kana, qui en est déjà à sa troisième version.
L'autre option souvent constatée, c'est le regroupement en volumes recompilés en double, triple ou intégrale, même si le secteur s'est fait relativement discret cette année. On pensera surtout à la réédition de 20th Century Boys, qui n'a de « deluxe » que le nom, ou encore du retour de Pokémon, la grande aventure, compilant la première saga en trois épais volumes. Citons également une nouvelle réédition de Thermae Romae au format double, destinée au catalogue de France Loisirs.
Finalement, après avoir été habitué à des formats plus qualitatifs, la tendance pourrait s'inverser à l'avenir, avec l'apparition d'éditions « simplifiées ». C'est notamment le cas dans le secteur jeunesse, avec la réédition de Kamisama dans un format classique chez Ki-oon, pour s'intégrer aux côtés de Roji!, ou de deux licences stars chez Glénat : Kilari en album illustré et Chi au format poche. Toutefois, cette tendance n'est pas une fatalité, car la même Chi reviendra au format BD en 2015.
Créations francophones
En cours de développement au fil des ans, le secteur du global manga a connu quelques rebondissements intéressants en 2014. Le projet le plus exposé fut sans doute le Tremplin Manga lancé par les éditions Ki-oon pour leur dix ans. Pour rappel, ce grand concours de création, lancé en 2014, propose au vainqueur de devenir mangaka, avec à la clef un contrat et une dotation de 5 000€. Chaque participant devait réaliser un chapitre de 20 pages sur le thème de la vengeance, et dix titres ont été présélectionnés pour ensuite être départagés par un vote public. Il en résulte un trio de cinq finalistes, et le vainqueur sera élu par un jury composé de trois mangakas renommés, publiés chez l'éditeur : Kaoru Mori, Etorôji Shiono et Tetsuya Tsutsui. Ce projet fut accueilli très positivement et connut un beau succès, certains auteurs déjà réputés dans la sphère du global manga ou du fanzinat s'étant lancés dans le concours. Il aura cependant généré une petite polémique concernant la présentation des 10 candidatures, étalées sur plusieurs semaines, qui aurait pu favoriser les premières histoires présentées. Mais au final, cela ne s'est pas répercuté sur les résultats finaux. Le concours devrait révéler son grand gagnant dans le courant de l'année 2015.
En avril, quelques mois après le lancement du tremplin Ki-oon, les éditions Kana ont également fait du pied aux auteurs en herbe. Cette fois, pas de concours en vue, mais un simple appel au recrutement. Deux semaines plus tard (coïncidence?), le même éditeur annonçait l'arrivée de la série Save me Pythie, signée par l'artiste montpelliéraine Elsa Brants. Ce même mois, le jeune éditeur Akata publiait le premier volume des Torches d'Arkylon, signé Michael Almodovar. Chez Delcourt, nous avons pu découvrir deux séries dans ce secteur : Urban Rivals, adaptation du jeu en ligne éponyme par le Studio Makma, et Loa, un récit illustré par Guillaume Stey.
2014, c'était aussi l'anniversaire des dix ans de Maliki, marquée par la sortie du second coffret intégrale chez Ankama. Son auteur, Souillon, a également présenté un one-shot se voulant la préquelle de sa série phare : Hello Fucktopia, paru en fin d'année. Et le phénomène Maliki continuera en 2015 avec l'arrivée d'une adaptation des aventures de la demoiselle en romans.
La création française ne s'arrête cependant pas aux grands éditeurs. On comptera ainsi de nombreux projets issus du monde du fanzinat ou de petits labels, avec par exemple Lapin au Japon chez Elytis. Citons aussi le projet de l'ouvrage Histoire du manga moderne, porté par un projet de crowdfunding qui est allé à son terme. A l'avenir, le financement participatif pourrait devenir une source importante de nouveaux projets. Cependant, on assiste surtout à l'émergence d'oeuvres conçues d'abord pour le marché du numérique, comme Gratte-Ciel ou tous les titres du label Oktoprod (Blood Brothers, Dragon's Host, Clockwork Tomboy,...)
Le marché du numérique
L'offre de lecture sur ordinateur, tablette ou smartphone, bref, en numérique, connaît un développement très impressionnant sur le sol français : alors que le marché du livre papier en général accuse un léger recul (-1,3%), les ventes d'e-books ont augmenté de 45% en 2014, et 8,3 millions de livres ont été achetés au format numérique (source : Gfk). Du côté de la BD et plus particulièrement du manga, nous avons assisté à l'implantation de nouveaux acteurs sur les dernières années, tels Izneo ou Comixology. En 2014, ce fut au tour de l'application Sequencity, spécialisée dans la bande dessinée, de s'ouvrir au manga.
Du côté des éditeurs, Kazé Manga mise beaucoup sur le numérique : après avoir intégré en février un catalogue consacré à Osamu Tezuka (avec Le Roi Léo, Black Jack,...), l'éditeur a étendu son offre à de nouvelles plateformes, notamment les appareils Android, les tablettes Kobo, mais aussi sur les consoles 3DS de Nintendo.
D'autres éditeurs ont continué à faire grandir leur catalogue digital : Pika sur Izneo avec Get Backers, Monster Hunter Flash ou Seven Deadly Sins; Glénat, qui s'est installé sur Comixology avec ses plus grands hits (One Piece, Dragon Ball, Bleach,...) ; Ankama, installé sur Izneo avec une centaine de titres (dont Maliki, Dofus, Radiant,...) ; ou encore Kana, ayant lui aussi opté pour Izneo, mais aussi Kindle (Amazon) avec de nouvelles licences issues du catalogue Kôdansha (Bakuon Rettô, Mushishi, Gamaran,...). Début 2014, Panini a lui aussi tenté l'aventure avec une première salve de titres sur Comixology, dont Hiyokoi, Shooting Star Lens et Man-ken.
Alors que le simulcast a réussi à bien s'implanter sur le marché de l'animation (à suivre dans la dernière partie de ce dossier), nous sommes en revanche toujours en attente d'une offre équivalente pour le manga, offre que l'on nomme simultrad. Lors du bilan de 2013, nous parlions d'une première offre intéressante sur Crunchyroll via un partenariat avec Kôdansha, qui ne concernait malheureusement pas le territoire français.
En 2014, nous avons cependant vu une tentative assez intéressante, puisqu'une application iOS proposait de suivre les derniers chapitres de Naruto, en quasi simultané avec la publication japonaise, chaque chapitre étant vendu 0,89€. Cette application éphémère, développée conjointement par Kana et Izneo, pourrait bien être un premier pas vers un nouveau modèle de consommation de manga en France, là où les nombreuses tentatives de prépublication papier se sont avérées infructueuses...
© Manga-News 2014
De nolhane [7015 Pts], le 17 Mars 2015 à 20h31
Merci pour ce dossier. Il est très interessant et permet de prendre un peu de recul sur le marché du manga en 2014.
De Minkunette [6811 Pts], le 09 Mars 2015 à 14h39
Merci pour le dossier.
De BBS [651 Pts], le 08 Mars 2015 à 01h39
Rien sur Panini, normal, bcp de monde mécontent sur leur façon de faire
De cicipouce [3180 Pts], le 07 Mars 2015 à 03h56
Eh bien, c'était riche en informations et franchement passionant !!
Découvrir tout celà met beaucoup de choses en perspective.
Je m'étonne par contre de ne pas avoir vu une seule ligne sur Terra Formars (même si je n''aime pas du tout)??? Qui fonctionne pourtant très bien !!! Une petite MAJ peut être.