Ashita no Joe

Le monde de Joe

    
 
Toute série populaire connait bon nombre d'exploitations, et une œuvre aussi légendaire qu'Ashita no Joe ne fait pas exception à la règle. Aujourd'hui encore, Joe est une icône populaire qui est même utilisé dans la publicité, et de nombreux produits dérivés (figurines, jeux vidéos,...) continuent de sortir au Japon, au point qu'il serait très rébarbatif de tous les présenter. Ainsi, nous nous concentrerons ici sur les adaptations des aventures de Joe sur petit comme sur grand écran, en version animée ou, plus récemment, avec de vrais acteurs...
  

L'anime

  
Devant le succès grandissant du manga, la version animée d'Ashita no Joe fut rapidement mise en chantier. Elle débute avec une première saison, réalisée par le studio Mushi Pro sous la houlette du célèbre Osamu Dezaki. Diffusée d'avril 70 à septembre 71 sur Fuji Tv, cette première série de 79 épisodes couvre l'équivalent des cinq premiers volumes de l'édition française. Dix ans plus tard, elle fut également résumé en un films de 80 minutes, montage de ses meilleures passages, afin de préparer l'arrivée de la seconde saison. Ashita no Joe 2 est ainsi diffusée d'octobre 80 à aout 81, toujours sous la direction de Dezaki, et compte 47 épisodes, soit une condensation de volumes bien plus importante puisqu'elle couvre toute la seconde moitié de la saga. Elle fut également synthétisée en un autre film en juillet 81, proposant ainsi la fin en avant-première dans sa version animée.
  
  
 
Cette seconde saison fut la seule à être importée en France dans les années 1980, par le biais de feue La Cinq, qui en diffusa les 26 premiers épisodes sous le titre de Joe 2. Finalement, cette série parût dans son intégralité en DVD par le biais de l'éditeur IDP Home Video, sous la forme de trois coffrets sortis de 2005 à 2006. Si la version originale est disponible, le doublage français de l'époque a été complété sur les 21 épisodes restants. Cependant, la première partie reste encore indisponible à ce jour...
 
 
  
    
 

Le film live

   
Ashita no Joe vit sa première (et dernière ?) adaptation en film live arriver dans les salles obscures japonaises en février 2011, réalisé  par Fumihiko Sori  sur un scénario d'Eriko Shinozaki. Comme la saison 1 de l'anime, cette version live s'intéresse à la première partie du manga, qui reste sans doute la plus intéressante. Le rôle de Joe est endossé par Tomohisa Yamashita, dit "Yamapi", chanteur et acteur de drama très populaire, mais qui peine à retranscrire le caractère volatile de notre protagoniste, le rendant plus taciturne et poseur; à la manière des héros d'aujourd'hui. Teruyuki Kagawa, Karina Nose et Yusuke Iseya livrent quant à eux une prestation beaucoup plus convaincante dans leurs incarnations respectives de Danpei, Yoko et Rikiishi.
 
Le scénario accuse quelques raccourcis assez grossiers, en réinventant totalement les motivations de certains personnages, comme Yoko. En revanche, la réalisation parvient à rendre les combats assez prenants, faisant oublier un temps les maladresses habituelles de l'acting japonais. Au final, même si la comparaison avec l'original n'est pas à son avantage, ce film fera passer un bon moment et saura même émouvoir les plus sensibles...
  
Mais pour cela, encore faudrait-il qu'il sorte en France, or une certaine malédiction semble plâner sur sa tête ! Tout d'abord, à l'occasion d'une avant-première du film, la Tôho, société distributrice du film, a annoncé sa diffusion dans neuf pays étrangers, dont la France... Mais depuis, plus aucune nouvelle. En novembre 2011,  l'éditeur Wild Side Video déclare avoir obtenu l'acquisition des droits du films pour une sortie en DVD dans le courant de l'année 2012... pour se rétracter quelques heures plus tard ! Bref, la sortie de cette adaptation live en France risque de devenir une belle arlésienne...


  
  
  

Un long héritage...

   
Ashita no Joe a marqué son époque et continue de rayonner aujourd'hui, soit directement, soit au travers de ses fans d'hier et d'aujourd'hui. La génération de mangakas des années 80/90 ont ainsi été nourris aux aventures de Joe, et ont pu rendre hommage au bagarreur à leur manière. Mais qui sont donc les enfants de Joe ? Présentons d'abord ces héritiers les plus flagrants.
 
Quand on pense à Ashita no Joe, un autre monument du manga de boxe nous vient immédiatement à l'esprit : l'infatiguable Ippo et sa centaine de volumes dépassée au Japon. Et à raison, car Georges Morikawa n'a jamais caché avoir eu une enfance bercée par l'œuvre de Takamori et Chiba. Son hommage le plus flagrant est sans doute incarné dans le personnage de Sendô, rival d'Ippo, qui emprunte à Joe sa coiffure, son style de combat et même son caractère sous certains aspects ! Le lecteur averti s'amusera à détecter les clins d'œil plus ou moins explicites au cours de la série, d'un T-shirt arborant le visage de Joe à la ressemblance de certains adversaires (un boxeur étranger draguant dans le public, un "sauvage",...). Pour ceux qui seraient donc en manque après la fin de Joe, vous savez vers quelle série vous tourner, même si Ippo se distingue très largement de son aîné avec ses qualités propres ! (Pour en savoir plus, découvrez notre dossier Ippo !)
     
 

Parmi les auteurs ne cachant pas leur amour pour Joe, Masami Kurumada fait sans doute partie du haut du panier ! L'auteur que l'on connait surtout en France pour Saint Seiya emprunte beaucoup au graphisme de Tetsuya Chiba, et est même allé jusqu'à créer une série-hommage au début de sa carrière : Ring ni Kakero (uniquement disponible en DVD en France), qui nous raconte l'ascension d'un jeune champion, mû par le décès de son père, lui-même boxeur de son vivant. Cette série a posé les bases du reste de sa bibliographie, et l'on retrouvera dans Saint Seiya quelques traits de caractères communs : Seiya brûlant son cosmos fait irrémédiablement penser à Joe utilisant toutes ses forces sur le ring, tandis que Saori Kido est une nouvelle incarnation de Yoko Shiraki dans le rôle de la beauté froide et de la richissime héritière guidant les combattants ! (Là encore, nous vous invitions à découvrir notre dossier Saint Seiya !)
   

    
Enfin, si l'inspiration n'a jamais été clairement explicitée, nous oserons faire un parallèle entre Ashita no Joe et Rainbow, de George Abe et Masasumi Kakizaki. Si les deux histoires s'écoulent à une décennie d'intervalle, on y retrouve les mêmes rebuts d'une société en reconstruction, avec une introduction dans un centre d'éducation spécialisé. Rainbow n'étant pas une série sportive, la boxe est loin d'y être aussi omniprésente, mais elle constitue pourtant l'un des fils rouges de l'aventure, deux détenus suivant une destinée commune vers les rings, dans une notion de passage de relais. Les derniers chapitres de la saga fourmillent d'indices qui rendent l'hypothèse de cet hommage particulièrement crédible... (Et jamais deux sans trois, pour Rainbow, un dossier vous attend aussi !)
   


Le reste de la production manga et de japanimation ne manque pas de rendre souvent hommage à Joe, devenu un archétype du héros fonceur. Son nom sera même réutilisé tel quel dans 20th Century Boys de Naoki Urasawa (un grand fan de la série) pour servir de surnom improvisé à un personnage-clef de la saga. Quelques années plus tôt, l'auteur rendait hommage à Danpei Tange par le biais d'un autre entraîneur brisé par la vie, Thunder Ushiyama (Happy!), mais l'archétype du coach déchu deviendra un stéréotype de la culture manga (avec par exemple Doburoku Sakaki dans EyeShield 21). Le "contre-croisé", ou "cross-counter", technique favorite de Joe, est également à l'honneur dans bien des médias, notamment dans le manga Urusei Yatsura - Lamu (ou Ryunosuke utilse cette technique contre son propre père), dans le jeu vidéo Street Fighter III (une des techniques de Dudley) ou dans la série d'animation Gurren Lagann (lors de la première fusion des deux robots éponymes). Cette dernière série fourmille d'allusions, avec l'escapade porcine du premier épisode, jusqu'à l'ultime posture de l'un des protagonistes. Cette image finale est d'ailleurs devenu l'un des symboles d'Ashita no Joe, et fut maintes fois reprise ou détournée selon les cas. C'est ce qui s'appelle, tout simplement, entrer dans la mémoire collective !
    
     
 
 
    

Dernier coup de gong

 
 
Voilà, c'est fini. Il est temps pour le chroniqueur que je suis de retirer ses gants, enfin, sa plume, pour vous laissez à votre tour découvrir cette fabuleuse aventure, et ce héros au charisme solaire que vous apprendrez à aimer. Mon dernier conseil vous semblera sans doute paradoxal au vu de l'énergie employée à la rédaction de ce dossier, et du temps que vous avez pris pour le lire en entier (si c'est le cas, je vous en remercie), mais... A présent, oubliez tout ce que vous savez sur Joe. Oubliez son histoire, oubliez les anecdotes qui ont fait sa légende, oubliez les prétendus spécialistes qui vous asséneront que vous aurez raté votre vie si vous passez à côté de ce chef-d'œuvre. Allons plus loin, même : oubliez tout ce que vous connaissez sur le manga, sur ces codes, sur son graphisme, sur ses valeurs, et laissez vous porter tel un adolescent rebelle des années 1970, dans cette saga qui vous prendra aux tripes, comme si c'était le premier manga que vous ouvriez de votre vie.
  
Alors oui, bien sur, je ne vous garantis pas que les débuts seront faciles. Votre serviteur lui-même aura eu bien des difficultés à appréhender le mythe, trouvant son héros insupportable au possible. Et pourtant, peu à peu, vous vous y attacherez. Vous ne voudrez pas décrocher de ces imposants ouvrages monolithiques qui marqueront votre collection par leur noirceur. Vous tremblerez pour ces personnages aux destins ne pouvant aller que vers une conclusion tragique, ne vivant que dans le but de s'incendier sur une arène. Et vous comprendrez, enfin, pourquoi Joe est Joe, et pourquoi sa réputation est loin d'être volée. Plus qu'une légende, plus qu'une oeuvre, Ashita no Joe est un cri de rage, un rugissement éclatant à la face du monde, qui résonne encore pour des décennies et des décennies sur l'archipel nippon. Oserez-vous entendre son écho ? C'est tout le mal que je vous souhaite.
      
       
  

Dossier réalisé par Tianjun