Ashita no Joe - Actualité manga
Dossier manga - Ashita no Joe
Lecteurs
19/20

... à l’icône d'une génération...

       
   
Au fil de l'ascension de Joe, la focale de la narration s'éloigne pour nous monter un monde de plus en plus effervescent autour de lui. Quatre décennies plus tard, le récit d'Asao Takamori et Tetsuya Chiba nous apparait comme un témoignage d'un Japon assez peu connu, car peu représenté dans le reste de la littérature japonaise, du moins en manga.
 
Les aventures de Joe débutent ainsi dans le quartier des Doyas, habitations typiques nées durant les années 50, à l'époque où le pays sorti de la Seconde Guerre Mondiale entame une longue phase de reconstruction et de renouveau économique. Les Doyas sont des hôtels de fortune servant à accueillir principalement des travailleurs journaliers. Destinés aux milieux modestes, ils deviennent des centres d'attraction des classes basses et moyennes de la société, et ces doya-gai (quartiers des doyas) se retrouvent dans les plus grandes villes japonaises. Si son nom n'est jamais explicité, le quartier dépeint dans la série correspond sans doute à celui de Sanya, à Tokyo, où l'on retrouve le "Pont des Larmes", emblématique lieu de la série sous lequel Tange bâtit son club de boxe. Ce lieu accueille ainsi les ratés, les parias, ceux à qui rien n'a jamais souri ou pour qui la vie s'est brisée du jour au lendemain. Pourtant, les auteurs parviennent à retranscrire une certaine insouciance, une certaine légèreté dans le regard des habitants du quartier, à commencer par les espiègles enfants des rues qui ne perdent jamais le moral, même sans un sou en poche ou tenaillés par la faim. Menant une vie simple, les habitants des Doyas n'ont que peu de distraction, jusqu'à ce que Joe représente l'espoir inattendu de leur quartier. Il devient ainsi la vedette locale, le centre d'intérêt des discussions, et tout le monde le salue, s'inquiète de sa petite santé lors de ses footings matinaux. D'ailleurs, malgré une progression qui s'accompagnera de quelques récompenses financières, Joe et Danpei n'oublieront jamais le quartier des doyas, ne s'installant jamais ailleurs qu'ici bas. Pourtant, son parcours lui fera découvrir, et le lecteur avec lui, de nouveaux horizons : outre le passage pénitentiaire sur lequel nous sommes déjà revenus, le manga nous dépeint une société japonaise urbanisée, avec quelques building luxueux (l'imposant club Shiraki), des gosses de riches diluant leur jeunesse dans des clubs de danse, s'opposant à des classes moyennes ou pauvres promptes aux mouvement mafieux, sans oublier une escapade hawaïenne emplie de légèreté ! Vivant avec leur époque, les auteurs parsèment également le récit de nombreuses références à des figures réelles de la boxe (Cassius Clay alias Mohammed Ali, pour ne citer que lui), et se risquent même à une ouverture vers l'international, le talent de Joe ne pouvant pas se cantonner aux frontières de l'archipel nippon...
 
  


  
La notoriété grandissante de Joe lui vaut également de devenir l'une des cibles préférées de la presse, qui se régale de ses multiples frasques et autres déclarations tonitruantes. Si elle est représentée par différents visages anonymes, la presse est un des personnages phares d'Ashita no Joe, servant souvent de passerelle entre le jeune prodige et ses futurs adversaires. Asao Takamori fait ici une critique assez légère, mais pas inoffensive pour autant, d'un monde médiatique qui ne va jamais au fond des choses, toujours à l’affût du moindre scoop, du moindre scandale. Et ce, des dizaines d'années avant l'éveil de notre génération "clash and buzz", preuve de l'intemporalité du message de la série ! Mais si les médias sont si avides du moindre dérapage, c'est avant tout pour satisfaire un public tout aussi coupable. Derrière la légèreté et les emportements populaires lors des matchs qui en dynamisent l'ambiance, les auteurs présente le public comme une masse très partiale, lunatique et égocentrique. Dans un premier temps, si Joe s'attire rapidement un certain intérêt du public, ce n'est pas tant pour ses talents de boxeur que pour son caractère explosif et pour ses punchs assassins. Les spectateurs aiment le gout du sang, veulent toujours plus de violence dans leur spectacle, et manifestent souvent leur mécontentement si la prestation des combattants n'est pas à la hauteur de leurs espérances, en jetant coussins ou bouteilles vers le ring. Les cordes symbolisent ainsi un gouffre d'incompréhension entre cette foule d'assoiffés et les adversaires réunis sur le ring, se livrant des duels psychologiques qu'ils sont les seuls à déchiffrer.
  
Les mangakas nous amènent ainsi au plus près des boxeurs, de leurs ressentis, et nous font vivre le noble art de l'intérieur. La préparation des grands rendez-vous, les nouvelles tactiques, les entraînements infernaux, mais aussi les rituels de la pesée, des saluts d'avant-match jusqu'au coup de gong final : rien n'est oublié, pour une immersion profonde et exhaustive. Le récit nous guidera également vers des passages plus méconnus mais néanmoins incontournables, comme l'examen des futurs boxeurs professionnels, et même le monde de la boxe spectacle où des combattants déchus se livrent à des matchs truqués pour gagner quelques sous. La boxe, c'est aussi des entraîneurs et des patrons de clubs véreux, souvent prompts aux arrangements pour gagner de grosses sommes d'argent, ou pour mettre au rebut les originaux. Rien ne nous est épargné, les meilleurs moments comme les pires, et saisir l'univers de la boxe dans son entièreté nous permet de réaliser d'avantage l'importance des nombreux affrontements qui parsèment l'aventure. Ces matchs, dont les plus importants seront souvent décrits dans leur intégralité, n'en sont que plus prenants. Que vous soyez un passionné de sport ou, au contraire, totalement réfractaire au domaine, cette rigueur initiatique saura vous convaincre et vous intéresser à toutes les facettes de ce splendide art du combat noble.
 
Même si elle ne quitte jamais longtemps du regard son protagoniste, Ashita no Joe nous apparaît ainsi comme une œuvre aux portées multiples, nous ouvrant vers des milieux méconnus, nous présentant les faces obscures d'un des sports les plus populaires de la planète et nous faisant relativiser notre propre avidité. Derrière chaque athlète, il y a un destin semé d'embûches et d'histoires personnelles, et le vécu de chacun s'exprime de la plus belle des manières une fois les gants enfilés. De là à dire qu' "Ashita no Joe, c'est la vie", il n'y a qu'un pas que nous vous laisserons le soin de franchir. Les lecteurs japonais des années 1970 n'ont pas hésité, eux, faisant rentrer la série dans leur légende nationale...
 
 

ASHITA NO JOE © Asao Takamori • Tetsuya Chiba / Kodansha Ltd.

Commentaires

DONNER VOTRE AVIS
Gesicht

De Gesicht [845 Pts], le 30 Août 2016 à 02h18

18/20

J'ai lu ce manga le mois dernier. Franchement, j'ai pris une claque (c'est toujours mieux qu'un coup de poing de Joe) monumentale!
ça faisait longtemps que je n'avais pas lu une BD de ce niveau!

On a un sentiment d'immersion dans la face cachée du Japon de l'époque, à travers la vie de Joe, Danpei, les enfants etc... Tout un pan de la société présenté de façon réaliste et touchante.

Le thème de la boxe me parait presque secondaire par moments, le plus captivant pour moi étant la façon dont Joe et Danpei vont évoluer au fil de l'histoire. La conclusion du manga est remarquable, d'autant plus qu'elle devait sans doute inédite et audacieuse pour l'époque.

Bref, une oeuvre essentielle à posséder, à lire et à relire et à preter à vos meilleurs amis :)

Thot

De Thot [893 Pts], le 25 Janvier 2013 à 12h16

Je viens de finir le manga (l'intégrale en moins d'une semaine) et je suis scotché. 

On voit l'influence sur les mangas ultérieurs. On peut aussi faire le rapprochement avec les oeuvres de Hanazawa, Tatsumi, le réalisme social est incroyable de justesse, les combats sont magiques, les relations entre personnages des modèles du genre (le regard de Noriko p60 du tome 13, Danpei, Nishi, Rikiishi, Yoko...).

Les derniers volumes sont littéralement haletants, même si on sait depuis longtemps vers où l'on va, on ne peut s'empêcher de croire à autre chose.

Joe est un "héros" bien à part, clairement au panthéon des figures de la bande dessinée.

Merci pour ce dossier qui m'a prolongé mon bonheur.

tsubasadow

De tsubasadow [4300 Pts], le 17 Septembre 2012 à 19h35

18/20

Eh bien après cette longue lecture tu as réussi à me donner envie de me lancer dans cette histoire. J'ai été stupéfait de voir l'impact que ça a pu avoir chez les japonais c'est fou.

Je connaissais déjà l'oeuvre de nom seulement mais je m'étais jamais laisser tenter :s je vais me racheter de ce pas :)

Tianjun

De Tianjun [5049 Pts], le 13 Septembre 2012 à 12h28

Alehas> Des informations complémentaires jusqu'au bout, alors ! ;-)

Saik> J'en parle dans la troisième partie du dossier ^^""

Saik

De Saik [124 Pts], le 10 Septembre 2012 à 13h59

J'ai lu que cette serie avait eu un tel impact au Japon que certains evenements (no spoil) au cours du manga avaient carrement eu des repercutions au niveau national.

Alehas

De Alehas [93 Pts], le 03 Septembre 2012 à 23h59

20/20

"Si son nom n'est jamais explicité, le quartier dépeint dans la série correspond sans doute à celui de Sanya, à Tokyo, où l'on retrouve le "Pont des Larmes"



En effet dans la série animée, le quartier de "Sanya" est parfaitement mentionné par Joe.

Kamy

De Kamy [1 Pts], le 29 Août 2012 à 18h57

c'est bon pour demain alors !
Encore merci

Tianjun

De Tianjun [5049 Pts], le 27 Août 2012 à 09h05

Merci pour vos commentaires ! ^___^
Content de voir que certains ont apprécié mon intro et ma conclu : si certains visiteurs se contentent de lire ça, j'espère que ça aura été efficace ! ;-) Si j'aurais pu contribuer à faire découvrir la série à quelques-uns, ce sera déjà une belle victoire.
J'ai eu peur au début de la rédaction de ce dossier, mais finalement l'écriture a été plutôt facile. Le plus dur a été de restreindre mon fanboyisme ! 

Alehas

De Alehas [93 Pts], le 26 Août 2012 à 17h43

20/20

Plus ça va, moins je supporte la faible renomée de Ashita No Joe en France. Je pense qu'on ne peut pas se permettre de laisser un monument comme ça s'en sortir avec de si faibles ventes, surtout avec les efforts qui ont été fait pour nous permettre, enfin, de toucher à la serie.

Ce dossier m'aura filer des frissons, tellement l'ambiance du manga a pu être parfaitement retranscrite : une introduction du tonerre, une fin de dossier qui tape là où il faut pour pousser les personnes a franchir le pas.

Merci Tianjun pour ce dossier dejà culte sur ce manga de legende qui aura su me faire trembler comme jamais une œuvre aurait pu le faire.

 

Et merci de m'avoir cité, je suis bien content d'avoir pu participer indirectement à cet excellent dossier : D

 

dkrevenge

De dkrevenge [2696 Pts], le 23 Août 2012 à 10h57

18/20

que dire "Indispensable !!" ne vous arrêtez pas à l'aspect un peu "vieillot", lancez vous et vous le regreterez pas

otaku38

De otaku38 [281 Pts], le 22 Août 2012 à 07h18

20/20

Bravo pour le dossier !! superbe !!

C'est quand même triste que nous avons eu une edition seulement en 2009 !! pour un manga culte qui date de 1968 !

Pour ceux qui hésite encore dites vous bien que j'etais pas tres chaud pour lire 12 T d'un manga de 1968 sur la boxe ! et pourtant maintenant  il reste pour moi le meilleur manga que j'ai lu, un chef d'oeuvre !!

morigena

De morigena [1031 Pts], le 18 Août 2012 à 20h28

18/20

Le dossier me donne vraiment envie d'acheter les mangas :)

monkeyDgero

De monkeyDgero [117 Pts], le 18 Août 2012 à 12h48

20/20

Merci pour ce dossier qui rend justice à ce monument du manga !

Komatsu93

De Komatsu93, le 18 Août 2012 à 09h03

19/20

Super dossier sur une superbe série. 

Ashita no Joe est juste une perle du manga! A lire et relire !

VOTRE AVIS



Si vous voulez créer un compte, c'est ICI et c'est gratuit!

> Conditions d'utilisation