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Manga Découvrez notre nouvelle interview de Kamome Shirahama, l'autrice de L'Atelier des Sorciers !

Samedi, 16 Août 2025 à 12h00 - Source :Rubrique interviews

Forte d'un immense succès aux éditions Pika, L'Atelier des Sorciers est une série qui n'est plus à présenter, et qui devrait encore voire sa notoriété s'affirmer avec l'arrivée prochaine de sa très attendue adaptation animée. Ainsi, il n'y avait rien d'étonnant, sept ans après sa première venue en France dans le cadre de Livre Paris pour le lancement de l'oeuvre, à voir l'autrice Kamome Shirahama mise à l'honneur et invitée au dernier FIBD d'Angoulême en date !

C'est à cette occasion que, après notre première interview de la mangaka faite en 2018 et que vous pouvez toujours retrouver à cette adresse, nous l'avons retrouvée avec joie dans le cadre d'une table ronde en compagnie de nos confrères d'Animeland, Comixtrip, Japan Live, Journal du Japon et Manga-Sanctuary.

A l'occasion de la parution du tome 14 de la série dans quelques jours, on vous propose aujourd'hui de découvrir le contenu de cette rencontre riche, au fil de laquelle la talentueuse artiste évoqua nombre de choses sur ses personnages, ses thématiques ou encore ses influences.

Bonne lecture !





Vous avez débuté votre carrière d'abord dans l'illustration. Qu'est-ce qui vous a ensuite donné envie d'écrire des histories, et qu'est-ce qui a été compliqué dans l'exercice d'écriture au départ ?


Kamome Shirahama : En fait, au début de ma carrière d'illustratrice, je réalisais déjà des mangas en l’autoédition.



Y a-t-il eu un auteur ou une œuvre en particulier qui vous a donné envie de vous lancer dans cette voie ?


Il n’y a pas eu de moment particulier où je me suis dit que je voulais devenir illustratrice et mangaka. Au Japon, on grandit dans une culture très imprégnée de mangas et d’animation, et dessiner est alors quelque chose de très naturel, qu'on pratique quasiment quotidiennement. Plus tard j’ai étudié la peinture à l’huile et les techniques classiques, mais le dessin a toujours fait partie de moi.



Votre découpage puise beaucoup dans les livres d'Art, la bande dessinée occidentale, voire même des jeux de société comme le sugoroku. Qu'appréciez-vous le plus dans chacun de ces supports créatifs ? Et comment cela influence votre travail ?


Quand j'étais petite j'aimais beaucoup les game books (du style des livres dont vous êtes le héros, ndlr) et les jeux de société, et je me suis dit que ce serait bien d'avoir aussi ça dans les mangas. J'adore introduire dans mes mangas tout ce qui m'excite, y compris les artbooks et comics comme vous le disiez.



De façon plus précise, quels artistes ont pu avoir une influence sur votre façon de dessiner ? Et vos parents étant eux-mêmes artistes, vous êtes-vous imprégnée de leur approche du dessin ?


C'est vrai que si j'ai pu autant m'imprégner du dessin et de l'Art dès mon plus jeune âge, c'est sûrement en bonne partie grâce à cet environnement familial. Cependant, ça ne m'a pas influencée directement, car j'ai aussi grandi avec les mangas et animes que je pouvais lire et voir à l'extérieur, je me suis mise à dessiner tout naturellement dans mon enfance des choses qui me plaisaient... Et il y a aussi les livres d'illustrations pour enfants qui, quand j'étais petite, sont sûrement ce qui m'a le plus influencée. D'ailleurs, je n’ai pas de souvenirs précis de mes parents en train de dessiner, en revanche ils me donnaient beaucoup de papier, de livres, ce qui m’a permis de dessiner librement très tôt. D'après eux en maternelle, je remplissais immédiatement les cahiers de dessins donnés à l'école, et c'est ce qui les poussait à ensuite me donner eux aussi du papier !



Vous avez dit à plusieurs reprises en interview que ce que vous aimez par dessus tout, c'est le design, que ce soit de personnages, de créatures, de vêtements, d'architectures, d'environnements... Qu’est-ce qui vous attire tant dans cet espace de création ?


Au départ, je me suis tournée vers le design parce que je pensais y trouver plus facilement du travail. Mais à force de l’étudier, j’ai vraiment fini par en aimer la philosophie. Le design pousse à réfléchir sur l’usage et la fonction des objets, et c'est ça qui m'a beaucoup plu. Il y a une phrase de mon professeur d'éco-design qui est toujours en moi: le design peut à la fois sauver et détruire le monde. Par exemple, une bouteille de plastique rend notre vie plus pratique, mais peut aussi polluer notre planète, alors il faut chercher encore à inventer d'autres choses. C'est une idée qui m’inspire toujours aujourd’hui, même dans la création de L’Atelier des Sorciers.




Les dessins des sortilèges dans L'Atelier des Sorciers sont très graphiques, presque symboliques. Quelles sont vos influences pour les concevoir ?

Il y a une part de hasard et de coïncidences, car ce que je dessine peut parfois ressembler à des choses qui ont existé il y a longtemps, comme des runes. En réalité, ce qui m'inspire peut-être le plus, ce sont les signes mathématiques. Ce sont des signes simples, qui donnent une idée et transmettent un sens immédiat que même les enfants peuvent vite comprendre. Je voulais des symboles simples, faciles à imiter… Finalement ils sont plus complexes, mais je m'amuse bien en les concevant.


Vous avez beaucoup voyagé. Quels lieux vous ont marquée et ont pu nourrir votre inspiration ?

Il y en a beaucoup, mais je peux donner un exemple français. Par exemple, lors de la sortie du premier tome en France Pika Edition m'avait déjà invitée, et j’ai visité le Mont-Saint-Michel. Le paysage que j'ai vu là-bas profondément marquée et m'a aidée à concevoir le design de l’académie dans L’Atelier des Sorciers. De manière générale, ce que je vois dans le monde peut effectivement m'inspirer régulièrement. Mais la toute première ville étrangère que j’ai visitée est Paris, donc la France occupe une place particulière pour moi.


Chaque artiste a un aspect du dessin qu'il redoute, avec lequel il a des difficultés. Dans votre cas, qu'est-ce que ce serait, et comment trouvez-vous le moyen de le surmonter ?

En réalité je ne suis jamais sûre de moi quand je dessine. Et quand vous voyez un dessin de moi avec beaucoup de traits détaillés, c'est que je ne suis pas en confiance (rires). Néanmoins, je pense que les lecteurs y voient mon implication pour bien dessiner, alors je me dis que c'est une récompense. Je rêverais de faire des dessins avec des traits extrêmement simples, mais je ne peux être que moi.


On dit souvent que la fantasy peut à la fois être un formidable terreau créatif mais aussi une métaphore des problèmes de notre société. Vous, comment utilisez-vous le fantastique pour explorer ces aspects ?

C'est tout à fait vrai pour l'aspect métaphorique. Si je racontais la dure réalité de la société de manière réaliste, je me dis que ça serait barbant voire répulsif pour les lecteurs. Mais si on transpose ces problèmes sociaux dans un autre univers, finalement on accepte ça plus facilement car on a plus de recul. Je trouve que la fantasy est très efficace pour se confronter à nos problèmes, car ce sont des univers imaginaires que le monde entier peut s'approprier.




Votre art est très reconnaissable, notamment avec les drapés, les hachures, les décors minutieux. Comment travaillez-vous ces aspects, et sont-ils inspirés par un artiste en particulier ?

Je suis profondément marquée par les arts occidentaux assez anciens, par exemple ceux de Léonard de Vinci, de Michel-Ange et de la Renaissance. C'est en puisant dans cet art traditionnel que j'ai forgé mon style de dessin.


Vous aimez l’idée de croiser art et industrie. Qu'est-ce qui vous plaît dans ce mélange ?

Derrière chaque produit de l'industrie il y a un vrai but, une utilité. Quand je vois ça, je sens l'envie des gens de rendre le monde meilleur, qu'il y a des rêves et intentions humaines. C'est ça qui m'intéresse. Cependant, quand on recherche avant tout l'utilité, on tend parfois à moins réfléchir à l'esthétique, alors je trouve passionnant de combiner les deux, d’essayer de rendre des objets à la base juste utiles beaux malgré tout.


Dans votre manga, la magie est présentée comme un outil dont la finalité va varier selon son utilisateur. Peut-on y voir une analogie avec nos technologies modernes ?

C'est exactement ça. J'essaie d'en parler en transposant ces questions dans un autre monde fantastique.


La cuisine fait pleinement partie de votre manga. Pourquoi ce choix ? Et quelle a été votre meilleure découverte culinaire française ?

Tout ce que je mange en France est vraiment très bon ! Et vous aurez surtout déjà compris que je suis à la fois une grande gourmet et une grande gourmande (rires). Je ne le fais pas exprès mais c'est plus fort que moi, j'ai besoin de dessiner de la cuisine dans ma série. Mais en même temps, les sorciers trichent un peu avec la magie pour faire sécher ou affiner les aliments, entre autres. 




Votre expérience de cover artist pour des comics a-t-elle influencé votre façon d’aborder le manga ?

Dans les comics, on considère chaque illustration comme une œuvre d’art unique. On vend les originaux, on les expose... et c'est cette différence de perception par rapport au japon qui a marqué mon approche du manga. Au Japon, les illustrations et dessins sont plus vus comme un objet de divertissement que comme une œuvre d'art, hormis pour des artistes très connus. 


Sans mettre cela au centre du récit, L'Atelier des Sorciers reflète la nécessité de représenter les minorités, que ce soit sociales, de genre ou sexuelles. En quoi cette démarche vous semble-t-elle importante ?

Pour moi, c'est quelque chose de très important, et j'estime qu'il est totalement normal d'en parler, mais malheureusement je trouve que ce n'est toujours pas assez abordé. De manière plus générale, concernant la représentation sociale dans les mangas au Japon, il y a évidemment des mangas qui parlent de sujets de société comme le harcèlement scolaire ou la timidité. Mais peut-être que grâce aux progrès d'internet, le monde a un pue changé et il y a de plus en plus d'oeuvres quia bordent ces sujets.


Dans vos influences venues du comics vous citez Greg Capullo. Qu'est-ce qui vous a marquée dans son travail ?

J’admire ses composition très stylisées, ses jeux d’encrage, ses aplats de noir, et son équilibre entre le blanc et le noir. C'est un artiste qui a beaucoup de talents que je n'ai pas, si bien qu'à une époque j'ai beaucoup cherché à recopier ses œuvres.


Il y a une belle dynamique entre Coco, Agathe, Tetia et Trice, les quatre jeunes apprenties sorcières de l'atelier de Kieffrey, qui ont chacune une personnalité et une allure bien différentes. Comment avez-vous déterminé les traits de caractère et le design de chacune d'entre elles ?

En fait, ces quatre jeunes filles représentent chacune une facette de ma propre personnalité. Elles ont des émotions que j'ai moi-même, et je peux m'identifier dans chacune d'elle. On peut dire que j'exprime mes propres émotions à travers chacune d'elles.




Coco est une jeune fille plutôt curieuse, une curiosité qui peut être tantôt dangereuse tantôt bienfaitrice. La voyez-vous comme une héroïne qui va défier les interdits, ou plutôt comme une victime des règles établies ?

En fait, Coco est arrivée tardivement dans ce monde de sorciers dont elle ne connaissait rien auparavant, alors que les autres apprenties y sont depuis leur naissance et le connaissent par cœur. Je dirais donc plutôt que Coco est une étrangère dans ce monde. J'ai presque donné le rôle à Coco, en tant qu'étrangère, de se questionner sur le monde, sur ses règles auxquelles elle n'obéit pas aveuglément, et c'est un moyen pour moi de pousser à nous interroger sur notre perception des règles de notre propre réalité. Mais je dois dire aussi que je suis souvent désolée pour elle, car elle ne cesse d'être choquée par ce qu'elle vit, par ses découvertes de ce monde.


La couleur est également très importante dans votre travail. Comment l'appréhendez-vous ?

En réalité, je ne me suis jamais posé de questions sur la couleur, car quand je l'utilise c'est tellement spontanée, tellement naturel que je n'ai pas besoin de réfléchir. Peut-être que quand je dessine en noir et blanc, j'ai déjà des idées de couleurs à y mettre inconsciemment.


Comment vous est venue l'idée de lier la magie au dessin dans L’Atelier des Sorciers ?

J’ai étudié le dessin, c'est à la fois ma passion et mon travail, donc je sais quel propos il faut pour encourager un dessinateur. Je voulais donc lier magie et dessin pour porter de l'avant les dessinateurs et plus généralement les artistes, les créateurs.


La série vous permet-elle de dresser un parallèle entre la magie et les inégalités qui frappent à la fois les personnages de l'oeuvre et notre propre société ?

Oui, je voulais parler de ces inégalités et injustices. Mais en même temps, je pense que dans un monde développé il est indispensable d'avoir de l'ordre. Toute la question est de parvenir à établir des règles convenant à tout le monde. C'est très difficile, mais c'est nécessaire à faire, et c'est cela que je voulais montrer. Par exemple, ce serait évidemment bien que tout le monde puisse voyager en toute liberté, mais on ne peut pas donner de permis de conduire à des personnes inaptes, et il faut alors chercher d'autres solutions et trouver un équilibre. De même, le code routier comporte beaucoup de contraintes et de règles, mais c'est quelque chose d'indispensable pour vivre collectivement.


TONGARI BOSHI NO ATELIER © Kamome Shirahama / Kodansha Ltd.



Quelle relation entretenez-vous avec votre responsable éditorial ? Et avez-vous des amis parmi vos collègues artistes du Monthly Morning Two, le magazine dans lequel vous êtes publiée ?

Ma tanto ne s’occupe pas de la création, mais plutôt de la gestion du planning et des projets de produits dérivés et de crossmédias. Et parmi mes collègues, je suis aussi amie avec plusieurs artistes du magazine, comme Hebi-zou (Heaven’s Design Team) et Yuna Hirasawa (Luca, Vétérinaire Draconique). D'ailleurs, j’ai pris des photos d’Angoulême pour Yuna car sa série était en compétition au festival cette année, et elle était ravie de les recevoir !


Dans votre série, les sorciers n'ont pas forcément un don à la naissance, à l'image de Coco qui initialement est une simple enfant humaine sans quoi que ce soit de particulier. Ce sont avant tout des créateurs, voire des artistes dans leur domaine. En quoi cet aspect-là vous tenait à coeur ?

A travers ces personnages je raconte aussi mes propres expériences, donc c'est sûrement pour ça que le côté créateur/artiste ressort tant. Mais pour moi, tout le monde peut être artiste sans être créateur. Par exemple, les gens qui cuisinent, ceux qui fabriquent des costumes sans forcément les avoir imaginés... Pour moi, ce sont déjà des artistes.


Peut-on, un jour, espérer en apprendre plus un jour sur les origines des sorciers et de la magie dans votre univers ?

Si un jour je révèle tout cela, ce sera sûrement au moment où l’histoire approchera de sa fin. Donc pour l'instant je n'en dirai pas plus !


Vous avez souligné à plusieurs reprises l'essentialité de soutenir la jeunesse et l'importance de sa représentation dans L'Atelier des Sorciers. Justement, la série donne l'impression que pour vous la fantasy permet de représenter le courage des personnes curieuses et des enfants, et c'est quelque chose qu'on retrouve aussi chez Dana Terrace et Moto Hagio que vous avez déjà citées parmi vos inspirations. Comme ces deux autrices d'univers et de générations différents ont marqué votre travail ?

Ce sont deux artistes pour lesquelles j'ai un immense respect, je les aime énormément. Mais en même temps, j'ose espérer que tous les auteurs veulent transmettre un message encourageant à leur public.


Propos recueillis par Koiwai pour Manga-news. Un grand merci aux autres médias présents, aux éditions Pika et au FIBD pour l'organisation de la rencontre, et à Kamome Shirahama ainsi qu'à son interprète !

commentaires

cm17

De cm17, le 16 Août 2025 à 18h23

Mille merci Koiwai , pour cette interview de Kamome Shirahama, merveilleuse artiste que j'admire pour son art ( haaa ! Son artbook " l'art des sorciers " ...😍 ) et la passion qu'elle y met...y compris culinaire ! 👍

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