L’homosexualité dans le manga, partie 2 - Actualité manga
Dossier manga - L’homosexualité dans le manga, partie 2

Romances gays et lesbiennes


Lorsque l'on parle d'homosexualité, il est évidemment logique que l'on parle également d'amour. Si des mangas sociétaux comme Our Colorful Days et Éclat(s) d'âme abordent des romances, d'autres s'engouffrent totalement dedans. C'est le cas d'Ebine Yamaji, autrice engagée à qui l'on doit des mangas tels que Free Soul ou encore Indigo Blue. Dans Love my Life, elle mélange à la perfection récit sociétal et romance, ce qui donne lieu à un manga aussi beau que mémorable. En effet, le titre fait réfléchir notamment à travers sa protagoniste qui se questionne sur son homosexualité, en se demandant entre autres si elle est réellement lesbienne ou juste amoureuse d'une personne qui se trouve être une femme. Le manga aborde aussi le sujet du coming out, puisque c'est le point de départ du récit où une jeune femme révèle son homosexualité à son père, qui lui apprend à son tour qu'il est gay. En somme Love my Life est un manga engagé dans son propos, et pas seulement par sa représentation d'un couple lesbien, qui ne perd jamais de vue la délicatesse de sa romance.


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Ce mélange entre romances et thématiques sociétales, on le retrouve dans de nombreuses séries de CLAMP comme Lawful Drug mais aussi des œuvres à destination des plus jeunes telles que Angelic Layer et surtout Card Captor Sakura. Montrer le naturel de sentiments gays et lesbiens dans une série populaire pour la jeunesse n'est clairement pas anodin, et il est clair que CLAMP cherche à éduquer à travers cela. Le naturel avec lequel les autrices abordent l'homosexualité contribue à la normaliser et à la banaliser aux yeux d'une société qui la rejette. Si Tokyo Babylon est un manga militant qui aborde de front de nombreux thèmes sociaux, il n'est jamais fait mention que la relation entre Subaru et Seishirô soit gay. C'est comme ça, et puis c'est tout. Cela aurait été pareil s'il s'agissait d'un couple hétérosexuel. Sauf que si le traitement aurait été identique, ce n'est pas le cas du message puisque représenter un couple gay, surtout aussi naturellement, est un acte militant en soi. Et CLAMP n'a pas besoin de le crier sur tous les toits, on le comprend rapidement, d'autant plus que le manga est hautement sociétal de par les autres thèmes qu'il aborde, comme le féminisme, le racisme, la vieillesse et bien d'autres.


Doit-on forcément exprimer son militantisme lorsque l'on dessine une romance entre personnages du même genre ? La réponse est non, pas forcément. Si certaines relations sont purement fantasmées, d'autres sont plus réalistes, et il est important que divers types de récits mettant en scène des romances homosexuelles cohabitent. Premièrement parce qu'ils touchent des publics possiblement différents, et ensuite car on n'en retire pas les mêmes émotions et réflexions. La diversité est essentielle. À l'instar des romances hétérosexuelles, on a le droit de vouloir lire une romance homosexuelle non pas pour son militantisme mais juste parce qu'il s'agit d'une belle histoire d'amour. Si des catégories éditoriales comme le yuri ou le boy's love sont dédiées aux romances, qu'elles soient mignonnes ou érotiques, homosexuelles, on en trouve également dans le manga grand public.


Ainsi de nombreuses romances lesbiennes sont publiées hors des magazines spécialisées dans le yuri. Parmi les œuvres récentes incontournables racontant des romances entre des femmes, on peut citer Plongée dans la nuit, Goodbye my Rose Garden, Entre soies, Entre nos mains ou encore Si nous étions adultes. Si toutes séries brillent par des éléments graphiques, narratifs ou encore contextuels aussi atypiques que personnels, cette dernière a quelque chose en plus. On la doit en effet à Takako Shimura, figure emblématique de l'homosexualité dans le manga, qui a déjà prouvé son talent en racontant des amours lesbiennes dans Fleurs Bleues ou en mettant en scène une relation gay dans Comme un adieu. Elle a même longuement abordé la transidentité dans Hôrô Musuko, qui est sans nul doute le plus important manga sur le sujet. C'est donc forte de toute cette expérience qu'elle signe Si nous étions adultes, une romance entre deux femmes dont la finesse n'a d'égale que sa maîtrise. Un autre manga qui ébloui par son style est Blue de Kiriko Nananan. Épuré, délicat, envoutant, le coup de crayon ne manque pas charmer, d'autant plus qu'une sensibilité extrême se dévoile sous l'apparente froideur du dessin. L'autrice y dessine l'une des plus belles romances entre adolescentes, captant la mélancolie et les troubles de ce printemps bleu à la perfection. Blue est un chef-d'œuvre du manga, de l'expression des sentiments à la mise en scène, une œuvre dont l'impact dépasse le cadre même de l'homosexualité, qui en est pourtant le cœur.


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Du côté de l'homosexualité masculine, passé les mangas comme Adekan qui se jouent des relations gays pour ajouter une touche d'érotisme dans les relations entre les personnages, on tombe rapidement dans le domaine du boy's love. Néanmoins, le boy's love trouve sa source dans le shôjo manga, et l'une de ses plus fortes inspirations est la série Kaze to Ki no Uta de Keiko Takemiya. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, certaines romances gays parmi les plus cultes ne sont pas des BL. Elles ont en effet été publiées dans des magazines féminins, shôjo ou josei, destinés au grand public. Le Cœur de Thomas de Moto Hagio est évidemment dans ce cas, puisqu'il a été publié dans Sho-comi avant que Keiko Takemiya ne débute sa série Kaze to Ki no Uta. Mais c'est également le cas d'une œuvre plus tardive de Moto Hagio, mais toute aussi importante : Zankoku na Kami ga Shihaisuru. Ce manga, que l'on pourrait résumer grossièrement comme étant une version adulte du Cœur de Thomas, a en effet été publié à partir de 1992 dans le magazine Petit Flower.


D'autres mangas absolument cultes se trouvent dans cette situation. Ainsi Zetsuai 1989 a été publié dans le magazine Margaret, tout comme Bronze d'ailleurs, sa suite toujours dessinée par Minami Ozaki. Un autre magazine de shôjo manga, Hana to Yume, a quant à lui accueilli en ses pages des mangas comme Boy's Next Door et New York New York. Du côté des magazines destinés à un public adulte, Yû Watase, artiste X Gender à l'instar de Yuhki Kamatani ou encore de Q-ta Minami, a publié son manga choc Sakura-Gari dans les pages de Rinka. De même pour Setona Mizushiro dont Le jeu du chat et de la souris, qui est une œuvre qui a grandement marqué le boy's love, a pourtant été publié au sein de magazines josei, principalement dans Judy. Le manga a eu un tel impact, que bien qu'il ne soit techniquement pas un BL, il est arrivé en tête de l'édition de 2010 du magazine Kono BL ga Yabai. Ces faits ne concernant pas seulement les magazines féminins. On peut également noter qu'une revue dédiée au eromanga alternatif comme Manga Erotics F a publié des romances érotiques gays sans qu'elles ne soient pour autant des BL. C'est le cas évidemment de Litchi Hikari Club d'Usamaru Furuya mais aussi des séries d'Asumiko Nakamura. Elle y a publié Copernicus no Kokyû à partir de 2002, J no Subete à partir de 2004 sans que ces récits ne soit techniquement des BL. Elle ne se lance réellement dans le genre qu'en 2006 lorsqu'elle débute Doukyusei dans le magazine Opera. Un comble tant le manga est bien moins érotique que ses œuvres précédemment citées. Mais Asumiko Nakamura se rattrapera rapidement en la matière avec des BL comme Double Mints et surtout Kaori no Keishô, face auquel il est impossible de rester indifférent.


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