L’homosexualité dans le manga, partie 2 - Actualité manga
Dossier manga - L’homosexualité dans le manga, partie 2

Parlons d'homosexualité


Solitude d'un autre genre, dont le mot « lesbienne » a été honteusement enlevé du titre français, a été un énorme choc dans le paysage du manga au Japon mais aussi à travers le monde. Dans ce récit autobiographique, Kabi Nagata se livre sur sa dépression, un sujet difficile atténué par ses dessins mignons teintés de rose. Si l'enrobage semble doux, le propos est quant à lui cru, l'autrice se met à nue, complétement et sans détour. Elle dessine et exprime tout ce qu'elle ressent. Elle aborde divers sujets outre sa dépression. Elle y parle en effet de son orientation sexuelle, de son rapport au genre ou encore de sa virginité. Tout cela a pour point d'orgue son expérience lesbienne avec une prostituée. En extériorisant ce qu'il y avait de plus inavouable en elle, Kabi Nagata a réussi à capter l'attention de nombreuses personnes qui se sont reconnues en son manga. Elle ne décrit rien d'enviable, bien au contraire tant elle semble inapte à la société, mais pourtant la franchise et la profondeur de son manga ont réussi à toucher aussi bien les lecteurs que les auteurs, comme en témoigne la vague d'autobiographies dans la même veine qui a suivi sa publication. En cela, Solitude d'un autre genre est une œuvre moderne très importante dans l'histoire du manga sur l'homosexualité. Mais si Kabi Nagata parle de sa propre expérience à travers un récit autobiographique, d'autres artistes abordent l'homosexualité sous l'angle de la fiction.


C'est le cas de Gengoroh Tagame, grand maître du manga gay, qui a un temps délaissé l'érotisme pour se lancer dans le manga grand public avec Le mari de mon frère puis Our Colorful Days. Dans Le mari de mon frère, un père célibataire et sa fille voient leur quotidien changer par l'arrivée de Mike Flanagan. Cet imposant canadien est en réalité le mari du frère jumeau de Yaichi, décédé récemment. Il est venu au Japon pour découvrir le pays de son amour perdu, et loge ainsi dans cette famille. À travers leur contact avec Mike, Yaichi et sa fille Kana vont découvrir qu'ils ont tout à apprendre sur l'homosexualité, l'un étant pétri de clichés et l'autre découvrant le monde. Bien que Le mari de mon frère parle de thèmes très durs comme l'homophobie ou le deuil, la série de Gengoroh Tagame incite à la tolérance par la découverte et la compréhension des différences d'autrui. L'auteur signe une série bienveillante, parlant d'homosexualité de manière très didactique, convenant ainsi à un public peu instruit sur le sujet.


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L'ouverture d'esprit est au cœur du manga de Gengoroh Tagame donc, mais il s'adresse avant tout à un public non concerné, même si bien évidemment, tout le monde peut le lire. Mais le public gay, et notamment les jeunes hommes, sera peut-être davantage intéressé par son autre série : Our Colorful Days. On y suit un lycéen gay, qui n'a jamais fait son coming-out, et qui ne supporte plus de devoir cacher son homosexualité. Il fait la rencontre d'un homme plus âgé qui assume son homosexualité. Se confier à lui aide le jeune garçon à s'accepter et à affirmer sa sexualité. Gengoroh Tagame souligne ainsi l'importance du lien avec les autres, des rencontres avec d'autres personnes LGBT, afin de s'accepter soi-même.


C'est le cas de Sora dans Our Colorful Days, mais c'est également celui de Tasuku dans Éclat(s) d'âme. Si Gengoroh Tagame est un auteur qui affirme son homosexualité, Yuhki Kamatani est également concerné puisque l'artiste s'affirme X Gender, une identité définissant le genre comme non-binaire. Éclat(s) d'âme est donc un manga écrit par une personne concernée, et si le manga s'adresse à tout le monde, sa principale force est qu'il a la richesse nécessaire afin de s'adresser aux personnes concernées. Tasuku subit un outing. Ses camarades de classe découvre qu'il regarde du porno gay et la nouvelle se répand dans le lycée. Alors qu'il envisage de se suicider en haut d'une falaise, une présence mystique se jette dans le vide à ses côtés et semble se diriger vers une petite maison au pied de la montagne. Tasuku découvre alors une safe place où se réunissent des personnes LGBT. Lui qui se sentait terriblement seul découvre alors des gens qui lui ressemblent, avec qui il peut partager des expériences, apprendre sur lui-même rien qu'en discutant avec eux.


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En somme, Yuhki Kamatani arrive à la même conclusion que Gengoroh Tagame, sur l'importance d'être bien entouré. Mais ce n'est pas évident, c'est plus facile à dire qu'à faire, on ne trouve pas une safe place comme par magie. Alors leurs mangas ont une autre vertu : entourer les lecteurs avec leurs personnages. En découvrant Our Colorful Days ou Éclat(s) d'âme, des lecteurs se sentant seuls pourront trouver du réconfort en découvrant les parcours de personnages qui leur ressemblent. Cela est accentué par la qualité des récits, on pense bien évidemment à la psychologie des personnages mais aussi au dessin, à la narration, à l'ambiance. Plus un manga sera réussi et plus son propos aura des chances de marquer des esprits, et que ce soit Gengoroh Tagame avec sa maîtrise millimétrée ou Yuhki Kamatani et ses scènes poétiques envoutantes, leurs œuvres ne manquent pas de qualités propres au manga pour accompagner durablement les lecteurs dans leurs pensées.


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