L'Oiseau Bleu - Actualité manga
Dossier manga - L'Oiseau Bleu

L'acerbe et discret portrait de société


Mais Takashi Murakami ne s'arrête pas au portrait humain, réaliste et porteur d'espoir de ses personnages vivants des drames qui peuvent arriver à n'importe qui  : tout comme dans le Chien gardien d'étoiles, les deux récits de L'Oiseau Bleu lui permettent également de mettre en avant des failles de la société japonaise.

Il y a tout d'abord le manque d'implication et d'aide des soins médicaux et sociaux dans un cas comme le coma végétatif, que l'on perçoit pleinement à travers la façon dont le corps dans le coma de Naoki est promené d'un établissement à l'autre, sans laisser le moindre repos à son épouse qui finit par devoir le rapatrier chez eux... Yuki est quasiment livrée à elle-même, et me^me si elle ne perd pas espoir, le douce critique d'une société qui se déshumanise dans ce genre de cas est évidente.

Même topo pour les gros manques dans les mesures de soutien et d'assistance pour des maladies comme la démence, exposés via le sort de Hideo dans le deuxième récit.

Tout ceci ne fait que rendre plus pénible encore la situation des patients et de leur famille. Comment se relever quand les aides extérieures ne suffisent pas et que la société ne prend pas le temps et les mesures pour ça ? Il manque cruellement quelque chose de plus humain à cette société, ce qui peut également se ressentir à travers les scènes éprouvantes du début du deuxième récit à l'aciérie.





Le style de Murakami, entre dureté, douceur et poésie


On retrouve dans L'Oiseau Bleu toute la force du dessin de Murakami qui faisait des merveilles sur le Chien gardien d'étoiles. Son trait arrondi, très doux et presque paisible, à la manière de celui de Fumiyo Kôno,  contrebalance à merveille mais sans l'atténuer l'aspect réaliste des sujet abordés.

Ce réalisme, on le ressent sans que l'auteur ait besoin de forcer : de simples détails et un rythme appliqué suffisent à nous faire ressentir les choses.
Par exemple, dans le portrait de la difficile reconstruction de Yuki, Murakami fait des merveilles sur le plan narratif et visuel. Sa narration posée et proche de la jeune femme est impeccable et fait passer l'essentiel tout naturellement. Par exemple, le temps qui passe inlassablement se voit uniquement à travers les cheveux de la jeune femme qui repoussent peu à peu. Et dans le deuxième récit, ce temps qui passe se ressent tout simplement à travers la vieillesse de plus en plus marquée de Hideo.

A l'humanité du style de Murakami s'ajoute un aspect parfois très poétique. Notamment, que dire de ces moments venant entrecouper le lourd quotidien de Yuki, où nous sommes invités à suivre Shu et Naoki vagabondant ensemble dans la prairie, pour un résultant apportant plus de douceur et de poésie tout en proposant une belle vision métaphorique de la mort... et du lien unissant ces deux-là à Yuki qu'ils ont laissée seule derrière eux, et qui est ici symbolisée par une belle trouvaille : une nuée de libellules, qui, peut-être, finira par récupérer Naoki ?





Deux noms, deux inspirations symboliques


Pour finir, un mot sur les titres des deux histoires, qui n'ont pas été choisis au hasard et reflètent pleinement la lecture.

Le premier récit, qui fait environ 80 pages, offre son nom au recueil, et puise lui-même ce nom dans l'oeuvre éponyme du belge Maurice Maeterlinck qui a déjà inspiré beaucoup d'oeuvres rien qu'au Japon (un chapitre du manga Demain les oiseaux de Tezuka, RahXephon, un long passage de Moonlight Act, Eureka Seven...).
Dans cette oeuvre, un frère et une soeur, Tyltyl et Mytyl, partent en quête d'un légendaire oiseau bleu afin de guérir une enfant malade. Et les enfants, dans leur quête, croiseront notamment la route de personnes issues de leur passé et de leur avenir : leurs grands-parents décédés, leur petit frère qui n'est pas encore né... La référence au récit de Maeterlinck dans le manga de Murakami n'est évidemment pas anodine et possède une forte symbolique puisqu'il y est, là aussi, question de la mort, du passé et du futur.

Le deuxième récit, "Les feuilles mortes", tire son nom d'un double sens japonais, ce terme pouvant désigner les feuilles malades d'un arbre ou le fait de retrouver quelqu'un que l'on connaît de façon fortuite. Deux définitions collant au personnage central de ce récit, Hideo Higashimoto.
  
  
  


© by MURAKAMI Takashi / Shôgakukan

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