Hoshin - Actualité manga
Dossier manga - Hoshin
Lecteurs
20/20

La croisée des chemins

      

Une fable burlesque

  
Hoshin se distingue également par son humour décapant, jouant sur le décalage avec la prestance et le sérieux des actes historiques. Ainsi, après seulement quelques pages d'exposition, le premier chapitre commence déjà par nous présenter de manière comique le caractère fainéant de Taigong-Wang, subissant les remontrances du Vénérable Yuanshi. Héros bourré de défauts, Taigong est souvent à l'origine des meilleurs gags de la série. La plupart de ses plans débutent par une action en apparence inutile et ridicule : se saouler à coup de pêches magiques, faire des prédictions avec des sardines, foncer dans le tas pour se faire capturer aussi sec... Sibuxiang, son compagnon de toujours, joue le rôle du clown blanc en se lamentant des pitreries de son maître, s'il n'en est pas une victime fortuite. Notre personnage fait si souvent l'andouille que l'auteur lui a offert un visage caricatural spécifique, résumant sa tête à un rond d'où dépassent deux pointes (figurant celles de son turban). Et cet alter ego est susceptible d'apparaître dans toutes les situations, parfois à l'excès. Les autres personnages ne sont pas en reste, en tombant volontairement dans leurs stéréotypes : Yang-Jian joue au prétentieux imbuvable, Nazha à l'androïde fumant par les oreilles, et ainsi de suite. Du côté des méchants, l'extravagante Daji et le narcissique Gongming assurent eux aussi le spectacle. D'autres personnages joueront le contre-emploi, comme l'espionne Chan-Yu, tout sauf discrète, et les trois sœurs Yunxiao, trois prétendues beautés qui offriront d'hilarants moments de grâce !
    
L'humour passe aussi par le caractère anachronique de la série. Même si cela sera moins propice aux francs éclats de rire, on sourira lorsque des personnages de l'ère antique utilisent des objets qui n'ont rien à voir avec leur époque. C'est également l'occasion de disséminer de nombreuses références cachées dans le dessin : en ouvrant bien l’œil, on pourra ainsi distinguer des marques de vêtement sur les tenues des personnages, comme Calvin Klein, Fila ou Adidas. Amateur de jeux vidéo, Ryu Fujisaki détourne également les codes des RPG en comptant l'énergie des personnages en HP, ou ceux des jeux de baston avec la présence de barres de vie séparées par la mention VS et de manipulations manettes pour des coups spéciaux. Les mangas et animés ne sont pas en reste : une référence à Evangelion se glisse dès le premier chapitre, et l'on retrouvera des allusions plus ou moins évidentes à Saint Seiya, Dragon Ball ou Galaxy Express 999. 
   
Cependant, l'auteur préférera ironiser sur son manga, en brisant régulièrement le quatrième mur. Là encore, le ton est donné dès le premier chapitre :
_ Taigong-Wang : « Mais maître, pourquoi vous ne vous chargez par vous-même de Daji ? »
_ Yuanshi : « Je pourrais, mais le manga s'arrêtera tout de suite... »
Les apartés au lecteur sont nombreux, la position de Taigong en tant que héros de la série souvent discutée. Parfois ce sera la forme même de la narration qui sera bouleversée par un découpage de cases volontairement inhabituel ou par une déformation des visages des personnages à la mode shojo fleuri ou gekiga. Mais dans cette catégorie, la palme revient une fois encore à Zhao Gongming, le véritable héros de la série, qui ira jusqu'à.... oh, et puis non, découvrez-le par vous-même ! 
    
    

Un conte énigmatique

   
Comme évoqué précédemment, l'un des points forts de Hoshin est sa régularité scénaristique et narrative, Ryu Fujisaki ayant déjà préparé tout le déroulement de la série en amont. Il peut ainsi se permettre de mener en bateau sans se risquer de se prendre lui-même les pieds dans le tapis. Au fil des volumes, il distille différents indices sur l'intrigue générale et sur les différents personnages pour nous prendre ensuite à contre-pied. Ainsi, les objectifs du plan Hoshin, véritable moteur de la série, seront remis en cause plus d'une fois : si la mission initiale de Taigong est de capturer l'âme de Daji et de ses sujets, notre disciple comprendra vite que la liste est un prétexte à un projet de plus grande ampleur visant à installer une nouvelle dynastie. Et ce n'est qu'un début !
     
La série est ainsi portée par une forme de mysticisme, entretenue par ses nombreux secrets ainsi que par la présence de plusieurs personnages omniscients, détenant chacun une part de la vérité. Daji et Wang Tianjun ne se battront jamais frontalement, préférant tirer les ficelles en retrait avec une idée inattendue en tête. Les trois grands maîtres fondateurs des domaines célestes en savent beaucoup plus qu'ils ne le laissent croire. Et Shen Gongbao, par son esprit d'observation, semble avoir déjoué les plus profonds mystères de ce monde. Pendant ce temps, Taigong et ses camarades seront ballottés dans tous les sens au gré d'une capricieuse destinée. Mais de nombreux flashbacks salvateurs viendront apporter plusieurs éclaircissements, en étoffant au passage toute la chronologie de l'univers réinventé par l'auteur.
    
En effet, Ryu Fujisaki parvient à s'extirper des notions religieuses du roman d'origine pour nous offrir sa propre mythologie. Les immortels et autres mondes célestes ont une raison d'être, tout comme le plan qui se joue actuellement devant les yeux de nos héros. L'aspect science-fiction, couplé à quelques éléments purement fantastiques, enrichit un monde palpable, concret, ordonné, où chacun a un rôle à jouer.
   
     

© by FUJISAKI Ryû / Shûeisha - Artbook Putitakityu - 1990-2006
   
   

Un drame humaniste

      
Si Hoshin peut parfois surprendre par l'abondance de personnages, la structure générale du récit nous permet de saisir aisément leurs motivations respectives. De plus, la plupart d'entre eux n'auront qu'un rôle limité à une ou deux batailles. L'auteur préfère en effet se concentrer sur une quinzaine de protagonistes récurrents, qui auront un rôle prédominant tout au long de l'aventure, et même après leur mort pour certains. Bon nombre d'entre eux ne se cantonneront pas à un aspect monodimensionnel, malgré leur aspect stéréotypé. Chacun d'entre eux à un rêve, un but qu'il tentera d'assouvir au milieu de cette grande histoire. Ils seront souvent hantés par leur passé, de manière plus ou moins explicite, mais aussi par les affinités qu'ils auront pu entretenir au cours du récit, et qui leur seront tantôt salvatrices, tantôt fatales.  
   
Puisque nous l'évoquons, soyez-en avertis : dans cette grande guerre, les sacrifices seront inévitables. Et contrairement à certains de ses congénères, Ryu Fujisaki est un auteur qui ose faire mourir ses personnages, même parmi les principaux. Pour vous en donner une idée, sept des treize protagonistes présentés dans ce dossier périront au fil de l'aventure ! Sur ce point, le roman original est encore plus radical, et le manga ne pouvait pas se passer de certains décès décisifs dans le lancement de l'intrigue (l'épouse et la sœur du maréchal Huang, le fils du duc Ji-Chang,...). Cependant, la mort a un sens très particulier dans la série, puisque l'on verra chaque âme vaincue s'envoler vers la tour de Hoshin, dans un symbolique rayon lumineux. Elle constitue ainsi un événement récurrent et attendu, une marque de fabrique de la saga, entretenue par le mystère de l'utilité de cette fameuse tour. Sans oublier le salut qui sera offert à ces héros défunts, l'investiture divine, tant espérée, en écho avec celle de l’œuvre initiale. 
      
Derrière l'apport des thématiques SF et fantasy, derrière la modernisation du caractère des personnages, derrière le décalage burlesque et derrière les nombreux secrets qu'elle renferme, Hoshin, l'Investiture des Dieux repose sur une seule grande question : Sommes-nous les maîtres de notre destinée ? Le roman antique partait déjà de cette problématique, la déchéance du roi Zhou étant due au courroux d'une divinité. Ryu Fujisaki entretient cette thèse et ordonne la fantasy initiale en mettant en avant le clivage entre humains et immortels. La puissance supérieure de ces derniers leur donne-t-il le droit de tenir les ficelles ? Les mauvaises actions de Daji sont-elles uniquement vouées à l'amusement ? Sous prétexte de protéger la dynastie Yin, l'ingérence de Wen Zong est-elle légitime ? Taigong-Wang, qui reste au fond de lui profondément humain, lutte contre cette idée reçue, laissant les immortels s'affronter entre eux sans impliquer les hommes. Ainsi, la série joue sur deux trames en parallèle : le conflit historique tel qu'il est décrit dans le roman, et une opposition franche entre convictions célestes. Et c'est ainsi que nous assisterons à la fin des temps mythologiques, pour laisser les Hommes prendre leur destin en main. 
   
    

HOSHIN ENGI © 1996 by Ryu Fujisaki, Tsutomu Ano / SHUEISHA Inc.

Commentaires

DONNER VOTRE AVIS
Bertrand 76

De Bertrand 76, le 01 Juillet 2020 à 00h07

L'anime de 1999 est pour moi un chef d'œuvre qui reprend tout ce qu'il y a de bon dans le manga tout en laissant de côté une brutalité excessive et une absence de justice. 

Chiria

De Chiria, le 18 Août 2014 à 16h33

20/20

Très très bon manga avec des personnages attachants et charismatiques...

Tianjun

De Tianjun [5044 Pts], le 12 Août 2014 à 13h12

Merci pour vos commentaires ! ça fait plaisir de ne pas être le seul à se remémorer de tous ces moments mythiques ! ^^

Peg

De Peg, le 07 Août 2014 à 14h45

20/20

Quel plaisir de voir que d'autre fan existent de ce mange qui a mon gout n'a pas eu le succès mérité alors que l'intrigue et les personnes étaient vraiment, avec plusieurs groupe ayant chacun leur objectif et raisons d'agir, du très bon :)

Voir Wen Zhong qui prend le controle des 

dix célestes, voir enfin Gongbao montrer de quoi est capable son Baobei quand il éclait facilement l'entrée du dernier domain céleste, et plein d'autre moment du genre, une série que j'aime relire régulièrement :)

onishiro

De onishiro [377 Pts], le 03 Août 2014 à 20h16

Bravo pour ce dossier, je me suis reconnu dans la présentation ayant découvert cette série un peu par hasard a l'époqueb aussi.

J'ai adoré avec, sous les dessins typé shonen, des thématiques beaucoup plus sombre en ce sens dès la fin du tome 1 reste un des trucs le plus marquant que j'ai pu voir dans un shonen ! 

 

Vraiment un très bon manga malheuresement un peu tomber dans l'oubli avec la masse.

 

Par contre l'anime est as éviter en mon sens

Tianjun

De Tianjun [5044 Pts], le 02 Août 2014 à 19h34

Rêvons, rêvons. Et merci pour ton commentaire, disciple :)

Raimaru

De Raimaru [1216 Pts], le 02 Août 2014 à 19h25

Excellent dossier d'un passioné pour une série qui m'a également beaucoup marqué !

Ce que je retiendrais de Hôshin, c'est que c'est une série de fantasy et qui met beaucoup l'accent sur le charisme de ses personnages. Taigong Wang, Zhao Gongming, Shen Gongbao, Wang Tianjun, je me souviens encore les premières fois où je les ai lus, j'avais beaucoup apprécié leur caractère qui se distingue pas mal des autres productions de l'époque. Zhao Gongming quoi, jusqu'à la dernière seconde, il aura été toujours plus loin de le n'importe quoi. Et le dessin m'a toujours plu.

Je m'amuse aussi à noter que 10 ans avant Urasawa et son spin-off de 20th Century Boys, Fujisaki se moquait des tendances du marché du manga et sa propension à donner naissance à des comédies romantiques aseptisées dans un chapitre hilarant de l'arc Chute de Zhao Gongming. Et en toute honnêté, j'ai trouvé Fujisaki plus drôle et plus pertinent (et pourtant, Urasawa est de très loin mon auteur de manga préféré). Si c'est pas un gage de qualité !

Bref, la réédition en deluxe fait partie de mes grandes envies de sortie manga. Mes tomes vieillissent et tu m'as rappelé les horribles onomatopées francisées qui envahissent les cases jusqu'au tome 12. Dans la lignée d'un Dragon Ball deluxe, ça serait le pied. On peut rêver...

VOTRE AVIS



Si vous voulez créer un compte, c'est ICI et c'est gratuit!

> Conditions d'utilisation