Louve Vol.1 : Critiques

Hitsujikai no Kyoudai

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 08 Août 2025

Après le sympathique recueil Contes fabuleux de la nuit en juin 2024, la collection Le Renard Doré des éditions Rues de Sèvres propose, depuis le mois de mars dernier, de découvrir en librairies le premier volume d'une autre oeuvre de Miyako Miiya: Louve. De son nom original "Hitsujikai no Kyoudai" (un titre que l'on pourrait traduire littéralement par "Les Frères bergers" ), cette oeuvre en deux tomes a vu le jour au Japon en 2023-2024 sur le site PIE Comic Art de l'éditeur Pie International, et est la toute première série de la carrière de cette autrice qui, auparavant, n'avait conçu que des histoires courtes.

Cette oeuvre nous plonge dans une royaume fictif, et plus précisément dans un coin de nature sauvage: le mont Gémissant, un endroit difficile d'accès et éloigné de toute grande ville, si bien que les gens qui s'y aventurent sont très rares. C'est pourtant là que vivent deux jeunes bergers: Ur et sa petite soeur Juf qui, ensemble, vivent une existence modeste entre leur quotidien avec leurs moutons, les passages au village le plus près pour acheter de la nourriture ou à la capitale pour vendre leur laine, et les rencontres pouvant être faites de temps à autre dans la montagne. Les choses pourraient s'arrêter là, mais il s'avère que Juf a une particularité: maudite, elle a l'apparence d'une louve, avec un pelage noir, une carrure imposante et de oreilles pointues... au risque de susciter des rumeurs et réactions très diverses selon les personnes qui la croisent.

Comme elle le montrait déjà dans Contes fabuleux de la nuit, Miyako Miiya est clairement adepte de contes, une formule qu'elle reprend à nouveau soigneusement ici avec son cadre de nature perdue, sa malédiction reprenant la figure du loup si emblématique des contes, et son rendu visuel assez rond ainsi que ses décors plutôt riches et artisanaux qui semblent eux aussi s'inspirer de ce registre. De même, bien que l'oeuvre ait pour personnages centraux Ur et Juf, la mangaka la découpe dans un format qui reste proche de l'histoire courte et donc du conte, en se focalisant à chaque chapitre sur un nouveau personnage voué à croisé la route des deux bergers: une archéologue qui a soif de découvertes, la brave petite chienne de berger de la maison qui se fait vieille, un chasseur très intrusif, un boulanger sans doute pas aussi sévère que ce que son physique peu avantageux laisse penser, un jeune gardien de chèvres voyant en Ur un rival, une fillette étrangère perdue dans la forêt, une jeune duchesse malade, un agneau téméraire, un guérisseur douteux qui vit d'arnaques... et c'est précisément à travers la formule de ces chapitres que l'oeuvre séduit peut-être le plus.

Bien sûr, de base, le procédé permet d'observer toutes sortes de réactions face à la découverte, par les personnages, de l'allure de louve de Juf: il pourra y avoir tour à tour de la curiosité, de la peur, de la fascination, de l'acceptation sans préjugés, ou même un paquet de rumeurs parfois injustes... le fait étant que la soeur d'Ur ne laisse jamais indifférent. A travers les gens les côtoyant, on trouve à la fois un moyen d'en apprendre petit à petit sur les deux personnages centraux (le fait qu'ils s'entendent à merveille, le côté forcément très protecteur d'Ur envers sa soeur, la grande gentille et timidité que montre Fur en contrastant avec son physique...), mais aussi de sonder vite et assez bien les différents personnages de chaque récit, personnages ayant bien souvent des choses à révéler sur eux-mêmes et ayant de quoi évoluer au contact d'Ur et de Fur. Que finira par montrer le chasseur derrière son côté prédateur ? Pourquoi le boulanger apparaît-il si sévère aux yeux des autres, et l'est-il vraiment ? Et qu'ont bien pu vivre le gardien de chèvres et le guérisseur pour être comme ils sont ? A chaque fois, le message est aussi simple qu'essentiel: savoir regarder au-delà des apparences et accepter la différence. Mais en sachant aussi évoquer avec douceur d'autres sujets comme le déracinement (via Paula et son père), la vieillesse et les souvenirs (coucou Tétée) ou encore la fin de vie (à travers Céline), Miyako Miiya sait aussi aller un peu plus loin, en jouant même sur des ambiances assez différentes selon les chapitres.

Il résulte de tout ceci une lecture assurément appréciable, regorgeant de sujet, intelligemment racontée, pouvant plaire autant aux petits qu'aux grands avec son ambiance de contes... On en découvrira alors le deuxième et déjà dernier tome avec plaisir !

Enfin, côté édition française, la copie proposée est très bonne, avec une jaquette épaisse, légèrement granuleuse et que Rue de Sèvres et Cerise Heurteur ont tâché de garder très fidèle à l'originale japonaise, un papier assez épais, souple et suffisamment opaque, une bonne qualité d'impression, une excellente traduction de Cyril Coppini, et un lettrage soigné.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs