Dossier manga - Girlfriend
Lecteurs
15.50/20

Une représentation singulière de la femme


La principale justification qui différencie Girlfriend d’un manga érotique ou suggestif, c’est la vision de la femme que le titre adopte. Pour un public masculin, on aura l’habitude de voir des créations nipponnes représentant la femme comme un personnage soumis, obéissant. Même dans la séduction, celle-ci aura une part passive en se soumettant aux fantasmes de son partenaire. Et lorsqu’elle se montre dominante dans l’attitude précédant la relation intime, ce n’est que pour mieux changer de caractère face à l’homme, qui reprend une certaine forme de « pouvoir » dans les rapports plus rapprochés. Ici, dans le manga de Masaya Hokazono, la femme ne modifie pas cette image, du moins pas à chaque fois. Si certaines filles sont coquines et se montrent finalement soumises aux désirs de leurs partenaires, ce n’est du qu’à leur caractère et à une volonté du scénariste. La plupart du temps, ce sont les hommes qui sont dépendants des choix et des volontés de leurs compagnes. Ce qui permet d’allécher un public féminin, qui pourra s’identifier avec d’avantage de proximité à des femmes nuancées, réelles et aussi fortes dans leurs relations que certains hommes peuvent l’être. On oublie alors les seuls lecteurs masculins qui apprécieront des situations sexuelles ou suggestives, pour se faire plaisir et apprécier les courbes de ces dames. Le choix du public est donc primordial, mais surtout indéfectible de la structure narrative du manga, des personnalités des personnages et du schéma amoureux qui est mis en place.

Ne pas rentrer dans le stéréotype pourrait faire tomber dans les préjugés inverses, mais au final rien de tout cela n’est vraiment dérangeant à la lecture. L’image de la femme libérée et parfois entreprenante, voire nymphomane, n’est pas aussi dégradante que certains voudront bien le croire. Essentiellement car il n’y a rien de choquant dans ces histoires, érotiques mais pas crues. Et, si l’on ne peut admettre que tout le monde puisse lire ce titre, la pudeur qui demeure dans la narration et la mise en scène de ces sexualités qui s’éveillent ne peut que favoriser la lecture, qui se simplifie, se détache de toute signification sexuelle, alors que c’est avant tout le thème du manga … Le fait de laisser dans la plupart des cas des jeunes femmes mener le jeu, poser des limites et agir comme elles l’entendent en dépit des volontés égoïstes de leurs partenaires, permet d’approcher l’amour adolescent différemment. De même, le mystère et les secrets de certaines d’entre elles ajoutent une notion supplémentaire à la représentation de cette femme, bien souvent en dépit des protagonistes masculins. Ceux-ci sont rapidement oubliés, souvent semblables que ce soit dans le scénario ou les dessins de Court Betten, ce qui renforce l’idée qu’ils ne décident de rien, qu’ils ne peuvent situer leurs envies, leurs désirs ou attentes. Ils ont rarement droit de prendre l’initiative, et doivent se contenter d’obéir aux fluctuations ou étrangetés des pulsions féminines, qu’ils aient envie de plus ou au contraire de moins. Une belle leçon dans le monde du manga suggestif : des jeunes femmes en passe de devenir adultes décident, contrôlent, choisissent leur vie, qu’elle soit quotidienne ou intime.
      
       
                    
                         
          

Une histoire conjuguée au pluriel

  
On a déjà parlé du grand nombre de situations représentées tout au long des cinq tomes de la série. Mais il faut insister sur le caractère imaginatif de toutes ces histoires. Si l’auteur balaie ainsi un large spectre de situations face à l’amour physique et émotionnel, il ne faut pas voir cette liste comme une définition exhaustive de toutes les relations possibles entre deux adolescents, ni y voir un documentaire avec des récits pris au hasard. La grande simplicité qui habite chaque histoire du scénariste témoigne de leur caractère particulier, et non pas général. L’auteur ne cherche pas à représenter tout ce que l’on pourrait imaginer sur le sexe, mais à distiller des images, des détails qui prennent leur place dans un ensemble loin du documentaire, mais d’avantage lié à quelques témoignages du vécu de l’auteur, ou encore de son imagination, des constats, de sa vision de l’amour. On voit bien qu’en créant des tableaux originaux et d’autres plus classiques voire semblables entre eux, le créateur ne dépasse pas son objectif comme il pourrait le faire en voulant situer tout cela dans un listing représentatif et servant à la définition générale de la relation. Pour preuves, certaines filles peuvent être portées sur la chose, d’autres non mais jamais de la même manière, les garçons ne sont pas tous des pervers en puissance et tous sont avant tout humains, poussés par leurs désirs parfois inavoués ou contradictoires, en quête de maturité, de confiance et d’expérience.

Par cette multitude de chapitres, on a bien évidemment à faire face à un déluge de sentiments, tous différents bien que centrés sur les mêmes choses. Mais que ce soit par des yeux féminins ou masculins, une relation n’est pas vécue de la même façon, ce qui peut parfois changer radicalement les sentiments éprouvés. Pour exemple, la plupart des compagnons de nos jolies filles sont amoureux et veulent soit concrétiser leurs sentiments soit les exprimer d’une autre manière que par le sexe. Alors que les demoiselles sont plus nuancées, selon deux schémas assez classiques malgré tout. Une première partie, la minoritaire, sera elle aussi amoureuse et désireuse de mettre en place tout cela, et le problème vient alors de l’extérieur : d’une troisième personne, d’une routine, d’un tabou … Mais en parallèle, on aura toutes les filles qui n’ont aucun autre sentiment qu’une vague tendresse compatissante pour les messieurs. Leur but sera seulement de se faire aimer, d’être désirée, de faire comme les autres, de découvrir ou de s’amuser. Entre le désir et l’amour, la curiosité et la passion, la gêne et la libération, les personnages se perdent, errent entre deux eaux sans parfois bien savoir eux-mêmes ce qu’ils veulent, surtout chez les garçons qui en étant amoureux ont du mal à faire l’amour à une fille qui ne les aime pas vraiment … On aborde alors le concept de l’envie sans sentiments, le désir de passer à l’acte sans toujours se rendre compte que l’autre est touché, ressort changé aussi, et pas forcément dans le même sens. Les cœurs des garçons volent donc ici souvent entre leurs fantasmes, la réalité et leurs attentes, sans que ces trois composantes se rejoignent forcément. Alors reste l’éternelle question, pour la plupart d’entre eux : faut-il, par amour, endurer leur situation ? Que ce soit du sexe imposé sans amour ou bien une frustration excessive, les personnages « secondaires » de la série que sont les hommes sont toujours confrontés à un problème venant de leur copine ou objet de désir. Du méli mélo de ces sentiments, il en ressort une grande maladresse, une incompréhension et un manque de communication qui accompagne souvent les premières expériences, qui parfois confondent curiosité et sexualité.

Si, de fait, le lecteur aura deux approches possibles de la série, les personnages se retrouvent devant la même complexité de vécu. Entre la découverte et la nostalgie, le public attentif fera appel à son imagination ou à ses souvenirs, selon les situations qu’il a pu vivre ou non. C’est par ce processus que l’on s’identifie à tel ou tel protagoniste, mais c’est surtout un facteur déterminant dans la façon qu’on a d’apprécier le titre. Il faut alors bien se demander ce que l’on attend de cette lecture avant de la commencer : un retour en arrière qui plongerait dans des expériences passées, vécues, et donc portées à un degré d’empathie important ? Ou bien alors un regard totalement nouveau sur les situations qui viennent de l’auteur, personnage inhérent à l’histoire conductrice. D’ailleurs, lui-même s’être basé, pour cette série, sur une expérience plutôt débridée qui remonte à ses jeunes années. On peut alors supposer que Masaya Hokazono porte un regard mélancolique et plein d’émotion sur son manga, reflet de sa propre adolescence. Mais, si certaines situations peuvent en effet sortir de son vécu ou de celui de ses proches, on doute que d’autres aient la même origine. C’est donc le scénariste lui-même qui nous donne la ligne de conduite à avoir vis-à-vis de son œuvre, à savoir jongler entre la découverte et la nostalgie devant ces petits chapitres, parfois indépendants et éphémères, d’autres fois insistants et restant en mémoire. C’est d’ailleurs la signification même de l’adolescence, période dans laquelle les personnages du manga sont plongés. C’est l’époque de l’abandon des valeurs sûres, des idées toutes faites et des points de repères pour voguer vers un avenir incertain et obscur. Une des étapes est l’éveil à la sexualité, qui au final se pose comme métaphore de passage d’un état à un autre. Qui ne s’est jamais regardé dans le miroir le lendemain pour se demander ce qui a changé …
         
     
           
                
                 


GIRL FRIEND © 2004 by Masaya Hokazono, Bettencourt / SHUEISHA Inc.

Commentaires

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NiDNiM

De NiDNiM [912 Pts], le 15 Février 2010 à 21h02

Merci.

Et mis à part les quelques réfractaires qui apparemment préfèrent être studieux (tant mieux, remarque), jetez vous sur cette petite série qui, sans le montrer, est vraiment excellente. Une mine d'informations et de visions du monde à découvrir avec plaisir.

jojo81

De jojo81 [7400 Pts], le 12 Février 2010 à 20h41

20/20

perso j'adore les dessins.

Tres bon dossier qui ma donné envie de reprendre ce manga.

Koiwai

De Koiwai [13046 Pts], le 12 Février 2010 à 20h08

* à merveille, honte à moi ><

Koiwai

De Koiwai [13046 Pts], le 12 Février 2010 à 20h07

20/20

Vraiment un excellent dossier, qui analyse à merveilles tous les aspects de l'oeuvre, dont certains que je n'avais pas vus sous cet angle.

tur-in-gg

De tur-in-gg, le 12 Février 2010 à 19h31

1/20

Je n'ais pas aimé les dessins (des vissages bien dessiné 1/4 ^^')  et encore moin l'histoire (au point de préférer les livres de cours!!!! Et je suis loin très très loin de les aimer!!!!) !!! Au point de regréter armerment de l'avoir acheté!!!! Une grande déseption!!! A éviter tout simplement!!!!

smgbuffyliliy

De smgbuffyliliy [5983 Pts], le 12 Février 2010 à 13h22

20/20

Ca me donne envie de le lire ! Bon dossier !

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