Freesia - Actualité manga
Dossier manga - Freesia
Lecteurs
20/20

Personnages, pathologies, réflexions

 
 
Dans la mesure où chacun des principaux personnages (on considère ici Hiroshi, Mizoguchi, Yamada, et Higuchi) est réellement unique en son genre, que ce soit au niveau du caractère (ou plutôt, état mental) ou de son évolution dans le temps, la partie qui va suivre revient avec davantage de développement sur chacun d’entre eux afin de cerner au mieux la manière avec laquelle ils évoluent dans le monde de Freesia et comment Jiro Matsumoto aborde chacun d’entre eux.  Ensuite, on reviendra de manière plus concise sur des protagonistes plus secondaires mais non moins importants. Il est, en effet, bon de rappeler que Freesia est aussi, et peut-être même avant tout, une œuvre qui met l’humain en avant, que ce soit dans ses joies, ses peines, ses déboires, ses réussites.

La construction de cette partie est faite de la manière suivante : pour chaque personnage, un premier paragraphe reprenant les éléments concrets le concernant au sein de la série et un second où on laisse davantage place à ce qu’il inspire et à l’image que l'on peut se faire du personnage en question.



Le zèbre et l'art de se protéger de ce qui nous entoure


"Fondamentalement, un type faible comme moi n'a aucune chance de survivre dans cette société en restant équilibré"

En tant que personnage principal du récit, Hiroshi Kano se pose là. Dans un premier temps, c'est surtout son état mental qui fascinera le lecteur dans la mesure où l'on y perçoit très nettement les traces d'une schizophrénie hébéphrénique. Comment peut-on définir celle-ci ? C'est très simple dans la mesure où cela correspond presque parfaitement au comportement de Kano : Une schizophrénie de ce type se caractérise par des agissements et un discours pour le moins désorganisés. Les émotions sont inappropriées ou plus ou moins diminuées. Les hallucinations et autres distorsions de la réalité sont également fréquentes, de même qu'une pauvreté psychomotrice (les fonctions motrices en rapport avec la pensée, les fonctions cérébrales) et des paradoxes entre le ressenti et les expressions observées. En définitive, la description qui est faite de la pathologie au travers de notre héros s'avère donc assez juste. Et c'est peut-être là la première raison rendant Kano tellement intéressant à suivre.
Au delà de ça, le héros se distingue aussi de par sa faculté à créer une multitude de mécanises défensifs à l'encontre du monde qui l'entoure. Ses hallucinations en sont déjà quelques uns dans la mesure où elles lui fournissent un appui sur lequel se reposer ainsi que la possibilité d'exprimer ce qu'il a sur le coeur. Mais son atout ultime reste bien entendu son don de mimétisme à la limite du surnaturel qui lui permettra de survivre aux situations les plus mal engagées. Couplé au fait qu'il ne pense pas comme un humain ordinaire, ne ressent pas les émotions qu'il est supposé ressentir, on obtient là l'exécuteur parfait.

Kano est donc un personnage qu'il est particulièrement difficile d'appréhender vu qu'il faut sans cesse faire avec ses divagations et que l'on a parfois du mal à distinguer le réel de l'imaginaire. Son comportement lui permettra ceci dit de vivre sans avoir besoin de s'adapter à ce qui l'entoure ni à entrer dans le système gangrené déjà en place. Il observe pour comprendre et agir en conséquence et c'est notamment là le pourquoi de la montée progressive de sa haine envers Higuchi qui, justement, ne se positionne jamais comme une cible dont il serait capable de tirer quelque chose, mais qui, au contraire, s'amuse à le manipuler, venant dès lors le perturber au plus haut point.



Le prédateur et l'art de détruire ce qui nous entoure


"Un suppléant n'est là que pour le principe. Moi, je me fiche que ce soit lui ma cible. Il ne représente rien."

Dans le rôle du prédateur, on retrouve bien évidemment Mizoguchi. D'emblée, le personnage nous est présenté comme un sociopathe tirant très clairement parti de son travail d'exécuteur pour pouvoir assouvir ses désirs de violence et ainsi maintenir un degré de sanité plus ou moins élevé. Qui plus est, il a un besoin perpétuel de contrôle et doit se sentir comme le mâle dominant du groupe pour ne pas laisser ses pulsions l'emporter. Il ne tardera d'ailleurs pas à nous démontrer son comportement machiste à l'extrême dès lors qu'on aura l'occasion de le voir en compagnie de sa femme. Néanmoins, le quotidien de Mizoguchi, aussi peu reluisant soit-il, est relativement bien réglé. Jusqu'au jour où il voit Kano débarquer dans son existence, en tout cas. Pour la première fois, il doit faire face à autre chose qu'un simple zèbre sans défense du fait de la capacité de mimétisme propre à Hiroshi. En outre, son comportement asocial ne fera que renforcer la haine qu'éprouve Mizoguchi pour le héros. Ceci dit, plus que de la haine, c'est surtout un véritable malaise qui va peser sur notre prédateur jusqu’à terminer de le rendre fou.

Mizoguchi est donc le prototype même de la personne qui agit de manière égocentrique pour parvenir à ses fins, sans se préoccuper des moyens utilisés ni des répercussions que ses actes peuvent avoir sur tout ce qui se trouve à ses côtés. Et, lorsqu’il s'en rend compte, il est trop tard pour réparer les pots cassés. En quelque sorte, c’est ce type d’individu qui a conduit le monde de Freesia là où il est aujourd’hui : un pied dans l’anarchie et l’autre dans la corruption.



Le doux rêveur et l'art de s'adapter à ce qui nous entoure


"C'est ça, la vraie justice ! Risquer sa vie pour punir les méchants ! Nous sommes les héros des temps modernes !"

Ichiro Yamada est un personnage qui, de prime abord, nous apparait comme pénible et inintéressant. Travailleur, porteur de valeurs, convaincu de faire le bien en appliquant la loi sur la vengeance, il a toutes les caractéristiques du bon petit gars naïf qui a jusqu'ici vécu une existence tranquille, dans les règles, bien éduqué dans une famille modèle. Quand on est le seul parmi tous les prétendants à la licence d'exécuteur suppléant à se plonger dans le bouquin prévu pour l'examen jusqu'à le retenir par cœur au lieu de se contenter d'étudier simplement les réponses fournies à l'avance, cela veut déjà tout dire. Il représente la proie idéale, en somme. Celle dont tout le monde profite et qui est destinée à être la première à y passer dès que les balles fuseront et que le sang se mettra à couler. Pourtant, ce brave Yamada fera preuve d'une ténacité étonnante et restera, finalement, l'une des figures clés de la série. Pourquoi ? Parce que le bonhomme sera peut-être celui qui va le plus évoluer tout au long de l'intrigue. Tandis que ses idéaux se font écraser les uns après les autres et qu'il est contraint d'ouvrir les yeux face à la réalité qui l'entoure, il se forge un caractère et une ligne de conduite capables de le maintenir en vie dans un monde qui lui était, à la base, particulièrement hostile. Bref, au départ parfaite antithèse du monde de Freesia, Yamada ressortira en définitive comme l'une de ses pièces maitresses et comme l'un des éléments les plus parlant de l'oeuvre. Peut-être est-ce le cas, tout simplement, du fait qu'il soit aussi l'un des rares protagonistes récurrent du récit auquel on est en mesure de s'identifier quelque peu.

Ainsi, le parcours de Yamada a tendance à rappeler celui d’un enfant passant progressivement à l’âge adulte. Bon à la base, il se pervertit petit à petit par nécessité tout en gardant la maximum de droiture qu’il lui est possible de conserver pour survivre dans ce qui s’apparente à une véritable jungle.
 
  
   
   
  

La manipulatrice et l'art d'observer ce qui nous entoure


"Moi, j'ai envie d'assister à des situations chaotiques... dans lesquelles des personnes se débattent sans comprendre ce qui s'y passe. Grâce à cette pseudo-expérience, j'atteins une forme d'apaisement et de bonheur."

Higuchi est fort probablement le personnage le plus énigmatique de toute la série. Jiro Matsumoto nous la présente dès le départ comme une femme au passé torturé, c'est peu de le dire, mais la demoiselle ne laissera finalement et pour ainsi dire jamais paraitre la moindre trace de faiblesse. D'ailleurs, elle restera insondable jusqu'à la fin. Froide et calculatrice, elle semble mener tout le monde par le bout du nez (et plus particulièrement Kano), mais ne dévoile jamais les plans qu'elle a en tête. Si son comportement singulier sera une force, Higuchi, de part son style, dégageant indéniablement énormément de charisme, il se révélera aussi comme un défaut dans la mesure où son côté mystérieux pourra finir par lasser voire frustrer. Toujours est-il qu'étant le lien de prédilection entre l'agence Katsumi et les nombreux clients de celle-ci, elle occupera une place de choix dans la série puisque, bien plus qu'on aura pu le penser au départ, les clients et autres intervenants liés à eux seront, au final, l'un des atouts majeurs de l'oeuvre.

Comme elle l’avoue bien volontiers elle-même, Higuchi tire son plaisir de l’observation qu’elle fait de la société qui l’entoure et des agissements de ses pairs. Comme dit précédemment, son manque d’implication en tant qu’acteur sera la raison pour laquelle elle finira par être le pire ennemi de Kano. Ce dernier ne pouvant se satisfaire du chaos ambiant et du fait qu’Higuchi n’ait pas comme objectif de régler les choses. Au delà de ça, de part le passé qu’on lui connaît, elle se positionne aussi comme la personne ayant souffert suffisamment à son goût et cherchant maintenant du plaisir de la souffrance d’autrui, quelle que soit la forme de celle-ci afin, probablement, de faire disparaitre sa propre douleur.



Les autres et l'art de vivre avec son passé et son présent

 
Comme on vient de le mentionner, au delà du quatuor que l'on pourra considérer comme étant la figure de proue de la série, un grand nombre de personnages secondaires fera son apparition tandis que l'on progresse dans l'intrigue. Si dans les premiers tomes ceux-ci auront tendance à rester en retrait par rapport aux têtes d'affiches de Freesia, ils prendront progressivement de plus en plus d'importance jusqu'à inverser les rôles et ainsi se placer sur le devant de la scène. Toutes proportions gardées, bien évidemment, on va alors se retrouver face à un schéma narratif qui n'est pas tout à fait sans rappeler celui d'une série comme Monster, où Urasawa prend à chaque fois le temps de présenter ses intervenants en décrivant leur présent mais aussi les passages importants de leur passé, ayant fait d'eux ce qu'ils sont aujourd'hui. L'auteur de Freesia va fonctionner d'une manière assez similaire et aura la bonne idée de ne pas simplement se limiter à approfondir les cibles visés par les exécuteurs. Dans certains cas, l'attention se focalisera malgré tout et bien évidemment sur eux mais il ne sera ceci étant pas rare de se retrouver à suivre un proche de la future victime ou un protecteur. Bref, tout l'intérêt de la chose étant que l'on a droit à une exploration de la loi sur la vengeance au travers de points de vue différents et se complétant mutuellement. Le cas qui restera le plus marquants parmi tous ceux développés restera en définitive peut-être celui de Keita Tanaka, dernière cible d'exécution du récit, car il synthétise d'une certaine manière toute la problématique que pose la loi sur la vengeance. Du coup, il s'impose aussi comme parfait dans son rôle d'ultime protagoniste d'envergure présenté au lecteur.

Tous ces personnages secondaires seront donc l’occasion pour Jiro Matsumoto d’aborder des thématiques variées, allant de la rédemption au sacrifice et cela rejoint un point qui sera mentionné à plusieurs reprises durant ce dossier: le traitement complet et multidirectionnel que l'auteur a fait de son propos de base.



Un discours parfois trop flou


L'un des quelques défauts majeurs qui ressortira tout au long de la série, c'est clairement le côté un peu trop alambiqué des discours des différents protagonistes. Ce n'est certes pas toujours le cas mais, régulièrement, on se retrouve face à une tirade dont on a bien du mal à comprendre entièrement le sens. Cela est sans doute dû et peut même se justifier du fait du caractère pour le moins particulier de nos héros mais il faut parfois se rendre à l'évidence et constater que la chose se montre finalement assez désagréable. Notamment vers la fin de la série où l'on espère, en vain, quelques éclaircissements qui ne viendront jamais tant certains discours restent cryptiques. Maintenant, il est également bon de se demander si le problème susmentionné vient de Matsumoto ou bien si c'est la traduction française qui a parfois du mal à suivre. Quoi qu'il en soit, et même si, globalement, cette problématique ne vient pas gâcher l'œuvre, il s'agit là d'une tare qui a tendance à renforcer encore un peu plus l'herméticité de la série qui est déjà l’un de ses problèmes, à la base.
 
 

FREESIA © 2003 Jiro Matsumoto / Shogakukan Inc.

Commentaires

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Dim12

De Dim12 [4930 Pts], le 11 Mars 2013 à 23h51

Oui ca spoile un peut, j'en n'ai trop lue ^^'

Luciole21

De Luciole21 [2209 Pts], le 09 Mars 2013 à 13h21

Je n'ai lu que la partie "présentation" du dossier, pour éviter de me spoiler, tout en en apprenant un peu plus sur cette oeuvre qui me faisait déjà de l'oeil. C'est confirmé, je me la prends dès lors que je la trouve en occasion ^^

Dim12

De Dim12 [4930 Pts], le 09 Mars 2013 à 11h24

20/20

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