Autour de la traduction de Zeta Gundam
Parler de la sortie française de Zeta Gundam est intéressant, car la saga a connu une avancée particulièrement laborieuse dans nos contrées. Certains se souviennent peut-être de la diffusion de Gundam Wing sur M6, en 2001, appuyée par la vente de maquettes (ou gunpla) dans les magasins de jouets, et la sortie de plusieurs mangas dans nos contrées chez Pika et Panini. Une première tentative qui n'a pas porté ses fruits, mais Gundam a connu quelques meilleurs jours au milieu des années 2000, quand Beez édite plusieurs des anciens films de la licence, ainsi que Gundam SEED, Gundam SEED Destiny, puis Gundam 00. Là aussi, quelques maquettes vendues en surfaces spécialisées, tandis que Pika propose le manga Gundam SEED, mais rien qui permette à la licence de vraiment s'imposer en France.
Pourtant, en parallèle, le fandom français grandit. Beaucoup se penchent sur la licence à travers les sorties françaises, puis étoffent leurs connaissances via l'import (américain, essentiellement, mais aussi japonais puisque les sorties physiques Gundam du pays du Soleil Levant bénéficient de sous-titres français depuis Unicorn), puis par les quelques simulcasts parus à partir de 2014.
Un aparté pour en arriver à une idée largement répandue dans les années 2000 : voir des séries complètes et anciennes telles que Zeta Gundam arriver chez nous relevait du miracle, et personne y croyait. Une parution des films, pourquoi pas, mais la série n'aurait jamais cette chance.
C'est à partir de 2016 que les choses commencent à bouger. Une véritable volonté d'implanter Gundam en France naît, à une échelle modeste mais solide. Lors d'une interview (que vous pouvez retrouver à cette adresse), Masayuki Ozaki, directeur exécutif de Bandai Namco Pictures, et Naohiro Ogata, producteur des films Gundam Thunderbolt, revenaient sur cette volonté de faire percer Gundam dans l'Hexagone via une politique précise : les séries animées partagées entre VOD sur Crunchyroll et éditions physiques chez @anime d'une part, et la commercialisation des maquettes à plus grande échelle d'autre part.

C'est là que l'éditeur @anime annonce son premier line-up, avec une réédition blu-ray des films Mobile Suit Gundam (déjà parus en DVD chez feu Beez), mais aussi de Zeta Gundam et de sa suite, Gundam ZZ. Comprenez donc la surprise chez les fans, et le challenge que constituait une telle sortie.
Précédemment, nous nous appuyions sur les propos de Jean-Philippe Dubrulle, traducteur de la série. Ce dernier, fondateur de l'AEUG, ou Association pour l'essor de l'univers Gundam que nous avons mis en avant il y a des années via cette interview, s'est forgé une réputation de « M. Gundam » chez nous. Ce dernier parlant japonais, rien d'étonnant à ce qu'il ait été choisi pour traduire les nouveaux titres Gundam. Le travail de la version française ne fut pas une mince affaire, nous avons déjà évoqué bien des raisons dans notre paragraphe dédié au script particulier de la série. Et en parallèle à la difficulté de retranscrire le texte, il y a eu un réel challenge d'homogénéité dans les traductions globales de la saga. C'est pourquoi Jun-Ichi Takeda, traducteur attitré à l'époque Beez (dont on peut profiter du travail de traduction actuellement sur le manga Les Héros de la Galaxie chez Kurokawa), a effectué une relecture. Ce dernier pourrait presque être qualifié de mentor dans cette traduction, corrigeant même des erreurs de compréhension par moments. Une autre difficulté fut celle de la dimension culte de certaines tirades. « A ce titre, traduire une œuvre ancienne est avantageux : on sait quelles sont les répliques devenues cultes, qui ont perduré dans le temps. Donc on peut les traduire avec un soin particulier. C’est en tout cas ce que j’ai essayé de faire, peut-être parfois avec un réflexe trop prononcé de ne pas le faire de manière évidente, calquée sur la version américaine que tous les fans connaissent. Dans Zeta en français, vous n’avez pas donc « Je suis venu me moquer de toi » (« I came here to laugh at you »), mais « Je suis venu te rire au nez », entre autres exemples. », un exemple précis pointant tout le défi de la création du texte français. Un travail de traducteur d'une part, mais aussi un travail d'auteur... minutieux qui plus est, puisqu'une véritable bible de traduction a été créée par celui qui a transposé le texte de la série dans notre langue.
Le travail de traduction sur la série s'apparenterait presque à une chaîne de production, avec la volonté d'aboutir à un résultat final à la hauteur des attentes des fans, et dans le respect du vaste, complexe mais passionnant univers qu'est Gundam.
20 ans après : Une nouvelle vision... au cinéma
Le projet et la démarche
La série animée Zeta Gundam fut diffusée entre 1985 et 1986. Mais, contrairement à la série originelle, elle ne fut pas concernée par un projet d'adaptation en films... ou du moins pas tout de suite.
C'est au début des années 2000 que l'initiative aura lieu, lançant une trilogie cinéma intitulée Mobile Suit Zeta Gundam : A New Translation. Trois métrages que nous vous avons brièvement présentés en début de dossier, et qui ont pour charge de couvrir l'entièreté de l'intrigue en seulement trois fois 90 minutes, soit un challenge délicat.
Mais avant de parler des films, il convient d'évoquer leur naissance. A New Translation venait célébrer les 25 ans de la franchise, et les 20 ans de Zeta Gundam. Au départ, ces métrages n'étaient pas spécialement désirés par leur réalisateur. A cette époque, Sunrise peinait à penser des œuvres Gundam « de qualité ». En réfléchissant avec Yoshiyuki Tomino à un projet solide, l'idée d'adapter Zeta Gundam en films est venue d'elle-même. De manière plus directe, c'est un projet opportuniste et non né d'une volonté artistique. Tomino admet lui-même ne pas avoir pris beaucoup de plaisir à travailler sur ces films. Le papa de Gundam en a toutefois retiré une fierté : celle de voir qu'une série datant des années 80 puisse toujours fonctionner à l'heure actuelle.
D'autre part, l'initiative de recomposer Zeta Gundam a un certain sens vis à vis de son créateur. Yoshiyuki Tomino privilégie le format cinéma pour ses œuvres. Il est idéal, selon lui, pour véhiculer des messages. C'est pourquoi il aime recomposer ses séries en films : le propos découpé dans tout une série peut être complexe, mais il sera plus facile à comprendre dans ses films de compilation. C'était son état d'esprit lors de la création des films Mobile Suit Gundam, et il a gardé les mêmes motivation lorsqu'il a recomposé Zeta Gundam en longs-métrages.



Une adaptation surprenante... et en demi-teinte
Les films Zeta Gundam : A New Translation ont animé de vifs débats, notamment par rapport aux choix artistiques effectués par Yoshiyuki Tomino et les équipes de Sunrise. Le format en lui même est très court, trois films de 1h30 pour couvrir une intrigue de 50 épisodes étant déjà sujet à débat. Néanmoins, les débuts de la série animée souffrant de petits problèmes de rythme, certains passages étaient amputables sans trop de mal... mais pas de là à n'octroyer à la version cinéma un format aussi maigre.
Alors, le premier long-métrage couvre par moins de 14 épisodes de la série. Le second s'étend sur les épisodes 14 à 32, tandis que le troisième et dernier doit condenser les épisodes 33 à 50. La démarche fut de compiler cette grande intrigue en trois grands arcs, épurés au possible de bien des péripéties : le premier narre l'entrée de Kamille dans l'AEUG jusqu'à l'arrivée sur Terre et aux retrouvailles avec Amuro, le second se concentre sur les péripéties terriennes et la montée en puissance des Titans, tandis que le troisième aborde le segment du conflit entre trois factions, après l'entrée en scène d'Axis. On comprend rapidement qu'un charcutage de l'intrigue a été nécessaire, et qu'un spectateur découvrant Zeta avec les films a de grandes chances de se trouver perdu. Et ça ne manque pas : tout s'enchaîne à vitesse grand V, (si bien que cligner des yeux peut parfois s'avérer fatal), on s'attache forcément moins aux personnages du fait du manque de temps passé à leurs côtés, et on risque de ne pas comprendre certains enjeux.

A ceci s'ajoute plusieurs changements de scénario. L'un des plus importants concerne la destinée de quelques personnages, Four et Rosamia par exemple, quitte à créer de grosses incohérences par la suite. Mais le plus surprenant fut le changement drastique dans la conclusion, un choix qui tombe comme un cheveux sur la soupe, et qui n'a pas grand sens, en plus de décanoniser Gundam ZZ, Char contre-attaque et toutes les suites. Au final, A New Translation, comme son nom l'indique, consiste en une version facultative, peut-être intéressante pour ceux qui reprochaient à la série télévisée d'avoir une conclusion beaucoup trop lourde et dramatique.
Le dernier point à aborder est alors celui de la technique. Plutôt que redessiner entièrement l'ensemble des séquences nécessaires pour les films, les équipes de Sunrise ont fait un choix artistique osé : jongler entre les séquences d'époque (remasterisées évidemment), et des moments d'animation modernes, soit avec un style bien différent. Une incohérence graphique qui se fait régulièrement remarquer dans chaque film, et qui a de quoi sortir le spectateur de son visionnage. Un choix artistique qui n'est, sans doute, qu'un choix économique, permettant des coûts de production drastiques. Reste que ces nouvelles séquences sont particulièrement belles, malgré quelques incrustations de CGI ratées, et qui fait surtout naître la frustration : avec un ensemble homogène, peut-être que la pilule serait mieux passée.