Mobile Suit Zeta Gundam - Actualité manga
Dossier manga - Mobile Suit Zeta Gundam

Une séquelle équilibrée


Il est intéressant de parler de Zeta Gundam en tant que suite. La série a beau s'apprécier pour ses qualités intrinsèques, on peut difficilement la considérer comme un stand-alone, tant elle fait référence à son passif, à savoir la série animée Mobile Suit Gundam et les trois films qui en ont découlé. Pour ces mêmes raisons, il n'est pas recommandé de tenter Zeta comme une première approche de Gundam. Si les portes d'entrée dans la saga se font de plus en plus nombreuses, les premières œuvres ont la particularité d'être un ensemble à inaugurer avec Mobile Suit Gundam (ou Gundam The Origin), avant de poursuivre de manière chronologique jusqu'à aboutir au film Char contre-attaque, conclusion du premier segment du côté animé de la licence.

L'entrée en matière étant faite, parlons de Zeta Gundam, la suite de Mobile Suit Gundam. En tant que pure séquelle, la deuxième œuvre animée de la licence est une réussite, et un modèle que ne sauront pas toujours respecter les futures séries Gundam. Zeta sait développer sa propre intrigue, développer des enjeux pertinents découlant de la première œuvre, et ce tout en continuant d'explorer des thématiques similaires mais sous un jour différent, sans parler du renforcement de du Siècle Universel en tant que vaste ensemble fictif. Nous avons déjà parlé du thème de la guerre, faisant suite logique au premier Gundam, mais d'autres aspects s'apparentent plus à la continuité logique. On peut notamment évoquer les cyber-newtypes et tout simplement le concept de newtypes, donnant plus de force à ce concept d'évolution humaine pensé par Yoshiyuki Tomino, Zeta versant presque dans le mystique par instants. L'histoire de la série est aussi, ni plus ni moins, qu'une progression logique l'univers en tenant compte de l'état d'esprit pessimiste du réalisateur sur le monde qui l'entoure. Car après avoir maté une révolte venant de l'Espace, il était logique que l'intransigeante Fédération Terrienne assoit une autorité plus forte, pour éviter l'émergence d'un nouveau Duché de Zeon. Pourtant, le spectre du camp vaincu n'a pas disparu, et un chamboulement dans l'intrigue mènera Zeta Gundam vers un conflit entre trois factions, amenant alors des épisodes beaucoup plus rythmés en terme de rebondissements et d'évolution des enjeux.

Du côté des personnages, Zeta Gundam est là aussi exemplaire dans sa conception. Manier un juste équilibre entre les nouvelles figures et les anciennes n'est pas évident, surtout quand celles-ci sont particulièrement nombreuses. L'histoire est donc celle de Kamille Bidan avant tout, et plus globalement celle des membres de l'AEUG dont Emma Sheen, Fa Yuiry, ou Reccoa Londe. Les personnages de la première série apparaissent de manière récurrente, mais leurs rôles sont totalement mesurés. Char Aznable, devenant Quattro Bajeena, est maintenant une sorte de mentor pour le héros, mais un mentor qui sait s'effacer lorsque besoin est, la série pouvant parfaitement se passer de lui pendant certains arcs. Les anciens du White Base reviennent, eux aussi, à des postes cohérents. Amuro Ray, héros de la première série, est traumatisé par la guerre et n'osera pas s'y replonger dans un premier temps. D'une manière générale, ces anciens sont des spectateurs. Ils attestent un constat sur le monde, soulèvent les horreurs qu'ils ont vécu, et regrettent que la guerre concernent de nouveaux de jeunes gens qui n'ont rien à y faire. Les adolescents d'hier sont les adultes d'aujourd'hui, parfois impuissants quand il s'agit de ne pas commettre les mêmes échecs que leurs ainés du passé. Et concernant Katz Kobayashi, on y revient, ce dernier fait office de nouveau personnage. Gamin faisant office de comic-relief dans la première série, il est ici un adolescent avec ses propres convictions, et qui développera un arc narratif défini.

Et si on insiste sur le fait que Zeta Gundam soit juste dans sa qualité de suite, c'est parce que toutes les séquelles de Gundam n'auront pas cette qualité. Gundam ZZ d'une part, pour des raisons de tonalité notamment, pour un rendu artistique et narratif globalement bancals. Il convient aussi d'évoquer Gundam SEED Destiny qui se voulait être à Gundam SEED ce que Zeta Gundam est à Mobile Suit Gundam. Mais là où Zeta réussissait son entreprise d'être une séquelle digne, Gundam SEED Destiny s'est planté en prenant un chemin inverse, en ratant ses développements de nouveaux personnages, et en finissant par totalement effacer ces nouvelles figures afin de faire dominer les anciennes, et ce en reprenant finalement une structure similaire à la série précédente.

Le bilan de cette partie est aussi clair que succinct : Mobile Suit ne se contente pas d'être une série dense et passionnante, elle est aussi une très bonne suite menant encore plus loin l'aventure au sein du Siècle Universel, et a grandement contribué à donner ses lettres de noblesse à cet univers.



L'écriture nébuleuse de Yoshiyuki Tomino


L'écriture de Zeta Gundam, dans sa globalité, est sans doute le point le plus complexe à aborder quand on parle de la série. Le construction de l’œuvre passe évidemment par son scénario, mais aussi (et, peut-être, surtout), les dialogues. Des aspects sur lesquels nous allons revenir, et non sans appui. Car pour décrypter certaines dimensions de Zeta, le seul esprit analytique du rédacteur de ce dossier ne suffisait pas. Une recherche de sources a été nécessaire, ainsi qu'une recherche de la parole de personnes ayant touché de près à la série.

Pourtant, trouver des propos de Yoshiyuki Tomino autour de l’œuvre, en 2020, est chose particulièrement délicate. Sans doute le réalisateur s'est-il exprimé dans des magazines et d'autres médias dans les années 80, des papiers qu'il est aujourd'hui compliqué de retrouver. Tomino s'exprime dans des interviews, les plus anciennes datant des années 2000, mais surtout en ce qui concerne les films Zeta Gundam, sur lesquels nous reviendrons dans la partie suivante. Il dit lui-même ne pas avoir beaucoup de souvenirs de la conception de la série, épreuve du temps oblige.

Un scénario à l'évolution abstraite

Les bases du scénario de Zeta Gundam sont posées assez vite. La série narre le conflit entre les Titans et l'AEUG, qui s'achèvera sur le dernier épisode. Mais entre le début et la fin, de nombreuses péripéties ont lieu. Des batailles, beaucoup de batailles même, mais aussi des allers et retours sur Terre, avec plusieurs haltes sur des colonies. Tant de périples qui permettront l'évolution des personnages et de leurs relations, avec au milieu quelques rebondissements qui donneront à l'intrigue des tournants nouveaux, et feront connaître aux personnages des drames cruels.

Rien de si particulier, à première vue. Pourtant, la conception du scénario par Yoshiyuki Tomino n'a rien de totalement simple. Si l'un des retournements de situation majeur de la série est correctement introduit, car présenté petit à petit, via des informations distillées ci et là au fil de la série, ce n'est pas le cas pour tous les grands événements du titre. Ainsi, certaines trahisons capitales se révèleront curieuses, un peu floues en terme de motivations des concernés, tandis que des changements de pistes sérieuses de la série ne seront évoquées qu'en préambule d'un épisode, et non dans les événements en eux-même. Autant dire qu'il faut parfois être accroché au cours du visionnage, tant la narration peut se révéler particulière. On pense parfois avoir manqué une scène, voire un épisode, alors que le cheminement est simplement celui voulu par le réalisateur, à l'époque. Mais paradoxalement, c'est ce qui donne une personnalité à la série. Par cette confusion, on sent que Yoshiyuki Tomino ne cherchait pas à prendre le spectateur par la main. C'est à nous de rester concentrés et de réfléchir par rapport à l'intrigue, mais aussi par rapport aux personnages et à leurs motivations. Rien d'anodin, puisque c'est essentiellement à travers les personnages de Zeta Gundam que tout se joue.


Un casting complexe, obscur, mais profondément humain

Les personnages de Zeta Gundam sont nombreux. Certains restent jusqu'à la fin, mais d'autres ne sont que de passage, le temps d'une poignée d'épisodes. Ils peuvent ne servir qu'à légitimer l'évolution de l'une des figures phares de l’œuvre, en décédant brutalement au combat par exemple.

Chaque membre du casting de la série dévoile une personnalité complexe. On le remarque ne serait-ce avec Kamille, le protagoniste, un adolescent tête-brûlée, difficilement supportable même au départ, mais qui saura évoluer pour montrer une véritable maturité. Et outre leurs personnalités, les personnages ont des dialogues complexes. Jean-Philippe Dubrulle, traducteur de la série, décrit le texte comme «  des dialogues qui sont à la fois étranges, car les personnages ont la fâcheuse tendance à se parler sans se répondre […], Dès lors, l’important est de comprendre ce qu’a voulu dire l’auteur, au-delà du texte. Et c’est pas facile. Car Yoshiyuki Tomino est une personne fascinante qui a énormément de choses à dire, vraiment. ». Petite digression autour du réalisateur, un créateur qui aime parler d'énormément de choses, et qui adore mplanter sa pensée au sein de ses œuvres. Nous ne reviendrons pas sur tout ce qui fourmille dans la tête de l'artiste, aussi nous vous renvoyons à sa conférence tenue lors de Japan Expo, ainsi qu'à notre interview afin de cerner un peu mieux le personnage, son côté espiègle comme sa vision créative dans l'animation, et sa volonté de toujours pousser la réflexion plus loin. «  Tomino oblige, derrière chaque phrase peut se cacher une insinuation lourde de sens », une pensée de Jean-Philippe Dubrulle particulièrement avérée. Car comprendre un tant soit peu le réalisateur, c'est davantage cerner l'état d'esprit à avoir pour rentrer dans la complexité des dialogues de Zeta Gundam. Le script est rempli de symboliques. Parfois loin d'être totalement naturels, les dialogues peuvent enchainer des idées poétiques ou de véritables discours de morale, afin de pousser la réflexion de l’œuvre tout en cherchant à expliciter le caractère de celui qui aura la parole. « En revanche, les personnages à l’écran étant très humains, ils ont des réactions parfois illogiques au regard du scénario mais compréhensibles par leur spontanéité, leur humanité… », voilà qui condense beaucoup d'aspects du texte de Zeta Gundam, mais aide aussi à le comprendre.

C'est par toute cette démarche que quelques évolutions peuvent se révéler abstraites. Nous ne donnerons aucun nom pour ne pas gâcher le plaisir de visionnage, mais il se pourra que quelques coups de théâtre demeurent flous, ou plus particulièrement les volontés de personnages qui sont liées à ces événements. Mais en pensant à cette manière qu'a Yoshiyuki Tomino de construire son script et son scénario, alors les choses deviennent un peu plus clair.

Dernière dérive sur la traduction, avant d'y revenir dans une prochaine partie : Pour traduire ces dialogues, Jean-Philippe Dubrulle a parfois dû davantage se référer à ses connaissances de l'ensemble de la série, plutôt qu'au texte japonais pur. Il s'agissait d'un exercice de rapprochement de la « réalité » du personnage, plus qu'une transposition pure et simple du texte japonais en français.


Les sujets de société derrière Zeta Gundam

Plusieurs grandes idées, et autres symboliques, existent dans Zeta Gundam, l'une d'elles étant l'écologie.. Sans dire qu'il est un activiste déterminé, le réalisateur a une vision de la situation du monde, et en parlait déjà dans la première série Gundam. Selon Yoshiyuki Tomino, il faudrait pouvoir protéger la Terre pendant au moins 100 000 ans, selon une interview que le réalisateur a accordée à Japan Expo, et qui fut diffusée dans l'exposition dédiée aux 40 ans de Gundam, sur le salon, en juillet 2019. C'est une conférence à Rome, dans les années 60, autour des ressources limitées de la planète et de l'urgence de sa situation qui l'a alerté, et l'a orienté vers Gundam. On retrouve ces idées dans Zeta Gundam, notamment à travers le personnage de Char. Ce dernier ne cesse de penser que l'humanité est enchaînée à la Terre par la gravité, et la souille par ses actions. Lors de son discours à Dakar (épisode 37), il dénonce aussi bien les Titans que l'urgence de la situation, comme un écho à ce fameux Congrès auquel Tomino fait référence.

On notera, d'ailleurs, que cette tirade de Char se répètera dans les titres à venir. Certains personnages auront ce même discours dans Gundam ZZ, mais aussi (et surtout) dans le film Mobile Suit Gundam : Char contre-attaque, dont les enjeux s'articulent purement et simplement autour de cette idéologie.

Aussi, Yoshiyuki Tomino a un grand respect des causes féministes, et développe certains point dans la longue interview qu'il a accordé à Japan Expo. Il pense que les revendications des femmes sont légitimes, et que les hommes devraient davantage les considérer. Les guerres sont d'ailleurs engendrées par les hommes, et les femmes sont des victimes collatérales. Il justifie ainsi la présence de femmes fortes dans ses œuvres, et Zeta Gundam est un excellent cas à étudier. On y trouve des figures féminines variées et raccordes à cette pensées : certaines sont les marionnettes d'hommes (Four et Rosamia sont des cyber-newtypes sous le joug de figures masculines), et Sarah Zabiarov directement manipulée pour Paptimus Scirocco. Le personnage de Reccoa Londe est aussi intéressant à étudier par ce prisme. En terme de scénario pur, ses actions sont difficile à saisir, mais nous n'en dirons pas plus. Ses propos condamnent les comportement virilises de soldats comme Quattro Bajeena, preuve de la symbolique des dialogues, dont nous avons parlé précédemment. Un personnage assez complexe mais qui traduit le ressentiment légitime que les femmes peuvent éprouver envers les hommes, selon Tomino.

Et puisqu'on parle de personnages féminins, on peut être surpris de la quasi absence de Sayla Mass, la sœur de Char, qui n'a droit qu'à un caméo. Celle-ci est essentiellement due à la durée de la diffusion de la série. Il aurait fallu plus d'épisodes pour développer quelque chose autour d'elle, raison pour laquelle elle ne fait qu'une apparition légère lors de la célèbre scène du discours de Char à Dakar. Ce point sera corrigé dans Gundam ZZ, où Sayla apparaît un petit peu plus sur le dernier tiers de la série.



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