Rencontre avec Yoshiyuki Tomino, créateur de la saga Gundam- Actus manga
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Dvd Rencontre avec Yoshiyuki Tomino, créateur de la saga Gundam

Vendredi, 01 Novembre 2019 à 17h00 - Source :Rubrique Interviews

Japan Expo 2019 a particulièrement brillé grâce à ses trois invités phares : Gô Nagai, Leiji Matsumoto et Yoshiyuki Tomino. Ce dernier est ni plus ni moins que le créateur de la saga Gundam, qui fête ses 40 ans cette année, et a réalisé les chapitres phares de la licence telle que Mobile Suit Gundam et ses films résumés, Zeta Gundam, Gundam ZZ, Char contre-attaque, et plus récemment Reconguista in G.

Entre plusieurs séances de dédicace et des interventions sur scène, le légendaire réalisateur a pris le temps de nous rencontrer lors d'une interview durant laquelle il se livre énormément sur sa vision de l'animation, l'évolution de son style, et ses projets actuels...



Vous êtes ici à Japan Expo pour célébrer les 40 ans de Gundam, saga qui ne ressemblait à aucune autre à l'époque, notamment grâce à ses réflexions, par exemple sur l'humanité. A cette époque, aviez-vous rencontré des obstacles dans l'amorce du projet ?

Yoshiyuki Tomino :
On peut dire que durant les 40 dernières années, le Japon s'est ouvert internationalement à un niveau qu'on ne pouvait pas anticiper. Si on revient en arrière au niveau des tendances, il faut savoir que faire une série sur des thèmes internationaux il y a 40 ans, et présenter la diversité de l'espèce humaine, était difficile car les adultes avaient du mal à accepter cette idée.

Cependant, dès lors qu'on a voulu dépeindre une série de robots géants, j'ai voulu voir dans quelles circonstances on pouvait utiliser le Gundam. Une arme d'une telle ampleur ne pouvait être présente que dans une guerre spatiale. Résultat, dans ce genre de climat, il aurait été étrange de ne présenter que des personnages japonais. Dans la cadre de la conquête de l'espace, il a toujours été question de la diversité de l'espèce humaine. C'est pour cela que j'ai dépeint une Terre sur laquelle les races et nationalités étaient toutes unies, et se retrouvaient confrontées au problème de la surpopulation. Le challenge était de devoir surmonter cela. Dès le début du projet, on en est naturellement arrivé à ce type de thématique.

J'ai bien bien eu quelques soucis par rapport à ces thèmes, au niveau de la production. C'était il y a longtemps, alors je ne me souviens pas exactement des détails. Désolé. Mais je peux quand même dire ceci : La génération d'époque qui regardait les anime de robots était constituée d'enfants entre 10 et 15 ans. Il était très agréable de voir ces enfants accepter ces concepts sans aucun préjugés.


Vous venez d'en parler : Parmi les thèmes de Gundam il y a la colonisation de l'espace, mais aussi l'épuisement des ressources terrestres. C'est surprenant, car ces sujets sont toujours présents, et peut-être même davantage d'actualité maintenant. A cette époque, pensiez-vous que ces thématiques perdureraient dans le temps ? Aviez-vous anticipé le côté intemporel de Gundam ?


Yoshiyuki Tomino : Tout à fait, mais il faut remettre les choses dans leur contexte. 15 ans avant la production de la série, un grand congrès à Rome avait déjà alerté sur la situation de la planète et des ressources environnementales. C'est ce congrès qui a posé les bases de ces problématiques. Mon but, avec Gundam, était de mieux transmettre ces messages ainsi que cet avertissement. Je ne considère pas que Gundam ait été le premier à traiter ces problématiques.

Gundam, mais aussi l'ensemble de vos travaux, nous parle des atrocités de la guerre et de son absurdité. Mais de Mobile Suit Gundam à Reconguista in G, en passant par Overman King Gainer, il y a eu des changements dans votre manière de montrer les conflits entre humains. Selon vous, comment cette manière de dépeindre la guerre a évolué ?

Yoshiyuki Tomino : J'ai beaucoup réfléchi sur le thème de la guerre que j'ai développé dans mes premiers projets, et j'en suis arrivé à un stade où je n'ai pas encore trouvé de résolution à ces traitements. J'ai alors pensé arrêter de travailler sur Gundam, mais aussi sur ce sujet. C'est avec ce genre d'idée que j'en suis venu à travailler sur Overman King Gainer, puis sur Reconguista in G.

Plus précisément, mon idée était d'en venir au fait que la guerre ne résout rien, d'où son absurdité. Il me fallait démontrer pourquoi. Mais dans un médium comme l'animation, avec son aspect visuel notamment, j'ai eu la sensation que je n'arriverai jamais à quelque chose de convainquant pour exprimer cette idée.

J'ai longtemps réfléchi au fait que la guerre est peut-être un sujet trop difficile pour un médium comme l'animation. Il me fallait quelque chose de plus propice, et on en est arrivé à King Gainer et Brain Powered qui développent des idées différentes. Mais j'en suis arrivé à un style considéré comme bizarre, et ces deux œuvres n'ont pas connu le succès. C'est pour ça que j'ai été obligé de revenir à Gundam, avec la série Reconguista in G.

Ceci dit, comme je l'ai déjà évoqué, j'ai voulu éviter de transposer la structure de Gundam dans cette série, afin de transcender ce format, et essayer de me retrouver « après » les thèmes habituels de Gundam. C'est comme ça que j'en suis arrivé à l'extinction de l'humanité et de la civilisation, survenue plusieurs milliers d'année avant Reconguista in G. Dans cette série, on voit que l'humanité commence à retrouver la civilisation.
En travaillant sur ce projet, j'ai eu l'impression d'avoir trouvé l'énergie, l'action et les personnages qui correspondent à mon style d'animation. C'est pourquoi j'ai voulu revenir à Reconguista in G en développant les films qui sortent actuellement.

Quand on essaie de réfléchir à la guerre et qu'on essaie de la dépeindre, on cherche à atteindre une notion de réalisme qui peut sembler opposée au vecteur de l'animation. Mais si on n'y va pas à fond et qu'on ne présente pas la dureté de la guerre avec cette animation, on ne montre que des scènes de bataille et on en vient à seulement dépeindre un cirque. C'est un cycle qui se répète, et j'ai senti que continuer amènerait un épuisement de cette thématique qui ne mènerait nulle part. C'est l'une des raisons qui m'ont poussé à arrêté de parler de la guerre en soi.

Lorsqu'on cherche à produire une série d'animation, il faut penser à certaines conditions de base. L'une d'entre-elles, c'est trouver quelque chose qui stimule les enfants encore plus qu'une production live. Mais est-ce que dépeindre la cruauté dans ce médium donnera à ces enfants de l'espoir pour le futur ? Pas vraiment. Et c'est aussi pour ça que j'en suis arrivé au style que j'ai développé dans Turn A Gundam, puis dans Reconguista in G. C'est vraiment l'un des vecteurs qui m'ont mené à ce style de productions.


Justement, concernant votre projet actuel, à savoir les films Reconguista in G... Nous savons que vous aimez travailler sur le format cinéma pour développer vos idées. Vos avez adapté à plusieurs reprises vos séries pour en faire des films d'animation. Dans le cas de Reconguista, quel fut le processus d'adaptation de la série télévisée, pour obtenir les films que nous nous apprêtons à découvrir ?

Yoshiyuki Tomino : L'animation possède beaucoup de possibilités, des facultés de médium qui dépassent celles du film live. Par exemple, on peut modifier et corriger une production animée beaucoup plus facilement. Pour parler des premières séries que j'ai adapté en films, c'est une caractéristique que les producteur d'animation n'avaient pas vraiment réalisé à l'époque. Je pense être l'un des premiers à avoir utilisé cette possibilité de la retouche d'une série pour l'amener plus loin au format cinéma.

Aujourd'hui, on peut dire que les formats films de Mobile Suit Gundam, Zeta Gundam et Ideon sont juste des « digest », de longs épisodes qui résument leurs séries globalement. Mais ça ne sera pas le cas pour Reconguista in G où l'approche est différente. Dans une série télévisée, on la développe au fur et à mesure, mais on ne peut pas faire ça pour un film où tout doit être construit depuis le départ. Alors, la série animée peut servir de pilote qui permettra d'aboutir aux films. Vous me direz que c'est bien gentil, mais que Reconguista in G était censé être fini... Mais concernant différents critères de production, il n'y a eu qu'une diffusion sur le câble, tard le soir, et pas mal d'éléments de cette production ont été frustrants pour moi. Parfois, j'ai l'impression de ne pas avoir développé le concept comme je l'aurais voulu. La version cinéma me permet de recomposer cet ensemble.

Ce n'est donc pas un « digest ». J'ai pris la série animée et le concept, mais je vais aussi les compléter avec de nouvelles scènes et des éléments inédits qui approfondiront l'ensemble. Il s'agira d'une série de cinq films. De plus, les années ont passé depuis la diffusion télévisée. C'est un avantage que l'animation a sur le live action : Quand on veut corriger des séquences d'animation qui datent de cinq-six ans, on le peut, car on garde les données pendant au moins 10 ans. Dans le live, c'est impossible. Les acteurs ont vieilli, et on n'a plus forcément la même structure de production disponible. Résultat : on arrivera à une meilleure œuvre sous la forme de cinq films.

Autre chose intéressantes sur les possibilités de l'animation : on peut changer les répliques. Dans le live, les mouvements des lèvres des acteurs limitent cette possibilité. Je n'ai pas ce problème, ce qui me permet de modifier les dialogues pour un résultat plus intéressant. C'est pour toutes ces raisons que j'ai décidé de recomposer Reconguista in G en cinq films. A mes yeux, c'est la meilleure utilisation possible de l'animation.Une fois que les films seront terminés, j'espère que cette recomposition servira de spécimen et de modèle à d'autres réalisateurs par la suite.

Un dernier point à relever : Je sais bien que cinq films, c'est beaucoup. L'une des raisons est la densité de l'histoire. Mais, surtout, je regarde ce qui se fait dans les franchises cinéma, à travers les bandes-annonces sur internet, et je trouve que souvent que les suites aux opus initiaux sont un peu forcées. On décide parfois de faire des séquelles alors que le concept se limitait techniquement à un seul opus...
Avec les longs-métrages Reconguista in G, je veux montrer que l'histoire est pensée en cinq films et n'aura pas besoin de suite. En ce sens, j'estime de Reconguista est novateur et a le potentiel pour rivaliser avec le live. Hélas, je pense que personne chez Sunrise ne réalise la portée de cette œuvre...


Interview réalisée par Takato. Remerciements à M. Yoshiyuki Tomino, à son interprète M. Nicolas Priet, et aux équipes du studio Sunrise. Merci aussi à Japan Expo pour l'organisation de la rencontre.

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