Mari Okazaki - Actualité manga
Dossier manga - Mari Okazaki

L'importance du monde sensible chez Mari Okazaki

 
 
La sensibilité, dans le sens de sentiments humains, est l'aptitude la plus présente dans les shojo et josei. Bien entendu, Mari Okazaki ne déroge pas à la règle. Mais au-delà des sentiments humains, la sensibilité caractérise également les sens, les sensations en terme d'ouïe, de vue, d'odorat, de toucher et d'olfaction. Grâce à la présence constante de ces cinq sens dans les récits de Mari Okazaki, le lecteur peut pénétrer dans ses œuvres avec une facilité bluffante, et ainsi, vivre intensément chaque moment, aux côtés de ces personnages qui sortent tout droit de l'imagination de la mangaka. C'est sans nul doute que la courte série 12 mois, qui se compose au total de deux volumes, est la série de Mari Okazaki qui jouit le plus de l'utilisation de ces cinq sens, en particulier du toucher.

L'histoire se déroule au Japon, dans la préfecture de Mérino. À cet endroit, la nature est très présente et semble être un élément indispensable dans la vie des habitants. L'héroïne, Tosachi, en est particulièrement sensible. Dans les premières pages de la série, on la surprend en train de chercher l'été. Cet épisode, qui paraît tout à fait insignifiant, est pourtant un moment important de l'histoire. Il nous permet tout d'abord de faire la connaissance de cette fille énergique et pleine de vie, qui a toujours des idées plus farfelues les unes que les autres. Puis, en ayant lu l'histoire, on se rend compte tout simplement que depuis le début, elle est à la recherche de Shû, le tireur de l'été, qui viendra tout naturellement à elle. Au début de cette action, Tosachi est au milieu de la campagne, accompagnée de son cochon Chinen. Tous deux sont petits dans cette immensité. Les feuilles et les herbes mortes s'envolent, mettant ainsi en avant le vent qui effleure la peau et les cheveux en bataille de la jeune fille, et peut-être l'odeur de la campagne qui caresse les naseaux de la jeune fille et du cochon. Justement, ce vent, omniprésent dans la série, dynamise chaque action et leur procure une perspective et une consistance hors du commun. Même les plans sur l'école, ou sur les choses statiques, immobiles, sont en quelques sortes mouvants et jouissent d'un certain dynamisme. D'ailleurs, même s'il fait chaud, l'air est frais et est un gage de bien-être pour Tosachi et ses amis. Une fois l'été arrivé, l'on perçoit sans mal les gouttes de sueur perler sur les visages de chacun. En particulier, la scène du jeu de cache-cache dans les herbes hautes met en avant cette moiteur du corps, notamment pour le personnage de Dorimi. La jeune fille se trouve grosse, elle est en réalité un peu potelée, ses lunettes glissent avec la sueur et ses cheveux semblent prendre l'humidité. En réalité, cette scène, où elle rampe sur le sol, à la recherche d'une cachette, se faufilant avec difficulté dans les herbes hautes, se débattant tant qu'elle peut pour rester élégante, en dépit de la chaleur contenue dans les herbes, mais aussi de son corps rond, de ses cheveux longs qui la gênent, et de sa robe qui lui colle au corps, est loin de la mettre en valeur. Mais Mari Okazaki réussit à faire de ce moment un instant pendant lequel l'on se surprend à observer une jeune fille, une adolescente, qui, obnubilée par ses complexes, tente d'être belle, tout simplement, et finalement, elle le devient réellement. Les rondeurs de Dorimi sont à croquer et les ondulations de ses cheveux la rendent encore plus jolie. C'est d'ailleurs à ce moment précis qu'elle s'éprend d'un garçon et que celui-ci l'embrasse, contre toute attente.
Le toucher, sens particulièrement exploité par Mari Okazaki, est une faculté que Tosachi utilise énormément et qui tend à la mettre dans tous ses états. La jeune fille, amoureuse malgré elle, car elle ne se rend pas encore compte de ses sentiments pour Shû, a à plusieurs reprises envie de le toucher. Elle crie alors son envie, bat la campagne et l'approche de façon indécente pour assouvir son envie, plus forte que la gêne qu'elle est susceptible de ressentir : Tosachi parvient à toucher Shû à plusieurs reprises, qui reste sans arrêt passif face à ces démonstrations de tendresse.
Chose aussi curieuse que lorsque Tosachi cherchait l'été, à l'arrivée de l'hiver, la jeune fille touche tout ce qui est froid et en tire un réel plaisir. Elle tâte alors les feuilles des arbres et des buissons, mais aussi les joues de ses amies. La sage Mérino, elle qui a des ailes dans le dos, met ce comportement sur le compte de la tristesse qui s'est emparée de la jeune fille. Tristesse ou non, Tosachi passe encore son temps à toucher et à jouir de ces multiples contacts qui lui procurent des sensations toutes différentes et apparemment, agréables.
 
 
« J'ai envie de pleurer tellement il est beau. Et cette envie de le toucher... m'envahit... »
12 mois.
  
 
SHUTTER LOVE © 1998 by Mari Okazaki / SHUEISHA Inc.

 
 
La succession des saisons dans 12 mois est une façon pour Mari Okazaki d'aborder toutes les saisons, et ainsi, de mettre en scène ses personnages dans une nature changeante, des atmosphères sans arrêt différentes et d'insister une fois de plus sur la réalité de leurs sensations. En plein hiver, voir les personnages emmitouflés dans leurs vêtements chauds suffisent à nous donner cette impression de froid constant. Mais aussi, la vapeur sui sort de leur bouche est un indice tout autant parlant. L'hiver semble être, dans 12 mois, un moment important pour les garçons. Ils se remémorent des souvenirs dans ce paysage immobile et silencieux.
 
 
« Les garçons prennent leurs décisions en hiver. »
« C'est à cause de l'été que mes sentiments se dilatent. »
« Seul l'amour... peut métamorphoser une fille ! Les vents... et les saisons... polissent l'âme des filles, c'est un privilège qui leur est réservé. Et pour cela... encore et toujours... de magnifiques été se succèderont... »
12 mois.


Dans le recueil Vague à l'âme, Mari Okazaki fait une fois de plus référence aux saisons, notamment par le biais de deux histoires : Les vacances de l'été 1996, et Conte de fées estival.
Dans la première histoire, la scène se passe au sein d'une maison, celle de Hiroyuki, un jeune homme qui a marqué le cœur de quatre femmes, réunies au même moment au même endroit. Malheureusement, au sein de cette bâtisse, l'on ne dénombre aucune âme masculine. Les vacances de l'été 1996 est un enchaînement d'anecdotes, de petits récits racontés par ces amoureuses qui ont désormais refait leur vie. Ces quatre cœurs se souviennent avec beaucoup de joie, mais surtout d'émotion, des sentiments que Hiroyuki a fait naître en elles. Mari Okazaki nous met une fois de plus en présence de femmes qui partagent une chose commune : l'amour. Ici, leur amour est envers la même personne, et malgré cela, il est différent pour chacune d'entre elles. Les échanges se font à l'intérieur d'une maison, et pourtant, la nature est omniprésente. Le chant des grillons bat son plein, des bises de vent ne manquent jamais de donner un coup de fouet à nos protagonistes, et aussi, l'éclatement des décors emmène constamment nos quatre femmes vers l'extérieur, la nature, vers un monde de sens.
Concernant Conte de fées estival, ce récit est empli de surprises. Je ne dirai que quelques mots, pour vous laisser tout le loisir de le découvrir par vous-mêmes. C'est qu'une fois de plus, pendant un moment de l'année bien déterminé, l'été, des faits se déroulent dans un cadre sublimé par les sens, et aussi par une pointe de magie. Les décors éclatent littéralement, on entend le vent, on le sent, on le voit, et chaque élément, chaque sensation est amplifiée. Les émotions des personnages gagnent alors en puissance et en intensité.


« L'été donne le coup de grâce à certaines choses... et puis s'en va. Les arbres ménagent leurs forces en prévision de l'hiver... qui survient tôt ou tard... Il y a un sentiment d'impatience à se laisser envahir... par toutes ces exubérances. »
« Et le vent de l'automne fouettait nos joues voilées de larmes... Ainsi... triomphons de l'été... parce que... l'été donne le coup de grâce à certaines choses... et puis s'en va... »
Conte de fées estival, dans Vague à l'âme.
  
    

© Mari Okazaki / SHUEISHA Inc.

Commentaires

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akiko

De akiko [5480 Pts], le 15 Novembre 2012 à 16h47

Ah merci pour le lien du dossier =)

geoff

De geoff [1327 Pts], le 09 Novembre 2012 à 21h53

Un super dossier comme toujours. 

J'ai eu l'occasion de lire quelques un de ses one shots en bibliothèque, un jour où je ne savais pas quoi prendre. Car il faut avouer que les couvertures ne m'attiraient pas trop. Et après lecture j'avais bien apprécié son style.

Du coup, je me suis moi aussi intéressé à sa série longue, Complément affectif. Malheureusement, l'ayant découverte assez (trop?) tard, j'ai eu du mal à me procurer le tome 2. Ce dernier est en rupture et aucune réimpression ne sera faite ... Cela m'a pris quasiement 10 mois de recherche entre ebay et boutiques d'occaz pour trouver ce tome à un prix correct. 

Elle fait partie de ces rares bons auteurs qui malheureusement ne trouvent pas de public en France ... Au même titre que Mitsuru Adachi ou Kei Toume par exemple (du moins, c'est mon avis).

Manga-News

De Manga-News [3732 Pts], le 09 Novembre 2012 à 17h28

Pour complément affectif tu peux tout savoir via un autre dossier qui lui ai consacré

https://www.manga-news.com/index.php/report/Complement-affectif

akiko

De akiko [5480 Pts], le 09 Novembre 2012 à 16h51

ps: en tous cas le dossier est super =)

akiko

De akiko [5480 Pts], le 09 Novembre 2012 à 16h50

Je me laisserai bien tenter par complement affectif mais est ce que c'est une histoire qui ce suit ou plusieurs histoires comme j'ai pu le lire dans les avis de Shibuya love hotel?

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