Mari Okazaki - Actualité manga
Dossier manga - Mari Okazaki

Un florilège de petits univers

  
 
Dans ses courts récits, Mari Okazaki fait découvrir au lecteur des univers très diverses, qui mettent en avant des malaises de femmes et d'hommes. Ces mondes, plus ou moins différents les uns des autres, s'éloignent parfois de notre réalité de tous les jours, grâce à des interventions surnaturelles et des personnages tout autant détachés de la réalité.
   
 
« Ce jour-là, voici ce que j'ai trouvé parmi les senteurs de l'herbe épaisse... c'était une fille sortie de terre... »
À propos de Kusako, dans Après l'amour, la sueur des garçons a l'odeur du miel.
 
 
Beaucoup de personnages sont en errance et en décalage complet avec le monde dans lequel ils vivent. Ils sont souvent seuls et ne cherchent pas forcément à se sortir de cette mélasse dans laquelle ils se sont englués. C'est notamment le cas de celle qui s'enferme dans son studio, Shiori, dans l'histoire intitulée Le cocon, et publiée dans le recueil de nouvelles du même nom. Cela fait un mois que Shiori ne sort plus de chez elle. Elle ne va plus à la fac, n'a plus de loisir, ne va plus en balade et de voit plus personne. Shiori est atteinte de hikikomori, un phénomène qui apparemment, touche principalement les hommes. Ils restent cloitrés chez eux, se refusant tout contact avec des personnes extérieures et vivent par conséquent en ermites des temps modernes. Shiori n'a besoin de rien. Elle a tout ce dont elle a besoin chez elle, dans son petit studio, assez petit pour qu'elle puisse le parcourir sans même se lever, enlacée dans ses couvertures, comptant ses pas qui ne sont maintenant plus que des roulades sur le sol. Les personnes atteintes de hikikomori ont souvent subi un traumatisme, ne se remettent pas de brimades, ou tout simplement, ne parviennent pas à s'intégrer à la société. Mari Okazaki ne nous fait en aucun cas part de ce qui a poussé Shiori à rester chez elle sans jamais en sortir. Au contraire, elle insiste sur ce qui l'attire au sein de ces quatre murs. Apparemment, Shiori se plaît dans sa solitude. Bien entendu, cette courte histoire est l'instant d'un bouleversement dans ce quotidien si tranquille, rythmé simplement par le levé et le coucher du soleil, qui ponctue chacune des journées de la jeune femme. L'ancienne petite amie du précédent locataire entre en trombes, surprenant ainsi Shiori dans son errance sans gêne. Cette rencontre entre ces deux femmes si différentes ne dure que quelques pages, mais malgré cela, est riche en révélations et en sentiments. Aussi bien du point de vue du comportement que physiquement, ces deux personnages diffèrent l'un de l'autre et pourtant, leurs différences leur permettent de reprendre confiance en elles et de retrouver leur espoir : c'est main dans la main qu'elles se relèvent.
En ces quelques pages, et en confrontant deux personnages loin d'être similaires, Mari Okazaki fait de ce cocon un endroit chaleureux, joyeux, dans lequel l'on se sent bien, mais aussi duquel l'on peut partir sans crainte.
 
 
« Comme j'ai rempli ma chambre de tout ce que j'aime... maintenant, je ne peux plus la quitter... »
Le cocon.
 
 
Dans ce même esprit de prise de distance avec le monde extérieur, mais cette fois-ci avec une connotation qui tend vers un érotisme timide, on peut retenir au moins deux histoires courtes.
Après l'amour, la sueur des garçons a l'odeur du miel, qui se trouve dans le recueil de nouvelles du même nom, nous montre une adolescente recluse chez sa cousine. Elle n'aime personne, et semble être particulièrement attirée par sa cousine, qui est plus âgée. Mari Okazaki nous montre ici une adolescente en mal de vivre, sans nous donner la raison de ce malaise. En seulement quelques pages, on réussit à entrer dans l'histoire, dans ce quotidien morne et terne, qui n'a de couleurs que lorsque que l'aînée rentre enfin, à la fin de la journée. L'arrogance de la plus jeune, la perplexité de la seconde et surtout, les froissements des corps féminins, font de cette histoire un agréable moment de lecture.
Pour aller plus loin, c'est dans Le pays où il pleut, histoire du même recueil, qui compte plusieurs chapitres, que Mari Okazaki fait un pas de plus vers l'homosexualité et l'inceste, sans jamais aborder ces thèmes avec brutalité. Kaya est à l'image du personnage de Shiori dans Le cocon. Tout comme elle, elle reste constamment enfermée dans sa chambre et n'y sort jamais. Mais Kaya possède un trait de caractère qui les diffère : elle est rongée par l'ennui, et cette absence de dynamisme, l'immobilisme constant de son quotidien, font croître en elle des désirs qu'elle ne cache pas. Son amie Kumi lui rend visite le soir, après les cours. Cette dernière, mise de côté par ses camarades de classe, attend chaque jour la fin de la journée afin de pouvoir passer du temps avec Kaya, d'y trouver du réconfort, mais aussi, d'apercevoir son frère l'espace d'un instant, lorsque celui-ci traverse la chambre de sa sœur Kaya pour atteindre la sienne. La mangaka n'hésite pas à dénuder ses personnages et insiste beaucoup sur l'émoi, mais aussi la curiosité et l'envie que la vue de la chair de l'autre provoque. Les regards se croisent, se soutiennent, mais se fuient rarement. Kaya et Kumi, dans cette chambre, semblent être enfermées dans un cocon, une espèce d'abri douillet dans lequel elles se sentent tellement bien qu'elles en viennent à des caresses charnelles, sans résistance, bien au contraire, tout en simplicité. L'intervention du frère pourrait en choquer plus d'un, mais cette réaction est loin d'être le but de la mangaka. Elle préfère insister sur les sentiments naissants, osant à peine à s'avouer, mais toutefois bien présents. Le pays où il pleut est une histoire qui ne peut pas nous laisser insensible. L'on sent la chaleur des corps, l'humidité chaude de la sueur et le frottement de la peau contre les draps, des membres contre les membres. La pluie constante à l'extérieur contraste avec cette chaleur pesante mais agréable ; les gouttelettes claquent.
 
 
« Dans ce monde créé par les humains affublés d'une quéquette, nous jouons à des jeu éphémères. C'est l'exquis plaisir des filles ! ...Vivement qu'il pleuve à nouveau. »
Le pays où il pleut, dans Après l'amour, la sueur des garçons a l'odeur du miel.
   
 
SHIBUYAKU MARUYAMACHO © 2003 by Mari Okazaki/ SHUEISHA Inc.

   
  
À la fin du deuxième volume de 12 mois, une histoire intitulée 12 heures nous montre une jeune femme totalement désespérée, qui appelle des hôtes chez elle. Cette histoire, qui au début est le porte-parole de la détresse d'un seul personnage, finit par l'être pour trois. Les trois inconnus qui se retrouvent par une nuit calme soignent leur solitude de la plus simple des manières : en passant du temps avec quelqu'un. Entre alcool, pleurs, fou rires et confidences, Mari Okazaki nous montre en quelques pages comment des inconnus peuvent ouvrir leur cœur, profiter de l'instant dans le seul but de renouer avec la notion de plaisir, qu'ils avaient perdue.
 
 
« Ça va aller... parce que nous avons assisté à un miracle... quelque chose de doux, tendre et chaleureux. Cela a préparé mon cœur... à croire de nouveau en quelque chose. »
Douze heures, 12 mois.
 
 
Dans Le cocon, l'histoire Une battante est comme un avant-goût de Complément Affectif. L'héroïne est graphiste-designer et travaille dans une agence de publicité. Elle a un style avant gardiste et n'est alors malheureusement comprise que par très peu de gens. De ce fait, ses propositions sont sans cesse rejetées, malgré le temps qu'elle passe à les mettre en place. Les nuits blanches au bureau, dormir sur trois ou quatre chaises en guise de lit, mais aussi, négliger sa vie amoureuse... voilà tout autant de points qui la rapprochent du personnage de mademoiselle Fujii, qui elle aussi, travaille dans le milieu de la publicité. Même si les deux femmes n'ont pas le même caractère, ce sont toutes les deux des battantes, mais pas n'importe quel type de battantes. Têtues, elles savent tout de même s'arrêter pour reconnaître leurs torts, et repartir sur une voie bien meilleure, mais non moins périlleuse. Et c'est, une fois de plus, l'amour qui réussit à les recadrer et à les remettre dans le droit chemin.

Pour continuer dans le même recueil, mais dans un registre tout à fait différent, dans Les amoureux du ciel, la mangaka nous laisse sur une fin totalement ouverte. Chaque lecteur peut l'interpréter, ou à défaut de trouver une réponse qui lui convienne, rester sur un point d'interrogation. Les personnages, assimilés à des insectes qui finalement renient leur condition pour opter pour l'amour, sont assez curieux. Cette histoire nous laisse alors perplexes, mais nous ouvre les portes vers le surnaturel de Mari Okazaki.


Au travers de ces quelques esquisses, des histoires sont abordées, témoignant des différents thèmes abordés par Mari Okazaki. Bien entendu, la femme est toujours au centre du propos. Mais celle-ci est tantôt seule, tantôt accompagnée, tantôt triste, tantôt réconfortée. Chacune parvient plus ou moins à trouver ce qu'elle cherche, parfois dans un monde totalement dénué de rêve, et d'autres fois, dans une explosion de magie.
 
 

© Mari Okazaki / SHUEISHA Inc.

Commentaires

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akiko

De akiko [5480 Pts], le 15 Novembre 2012 à 16h47

Ah merci pour le lien du dossier =)

geoff

De geoff [1327 Pts], le 09 Novembre 2012 à 21h53

Un super dossier comme toujours. 

J'ai eu l'occasion de lire quelques un de ses one shots en bibliothèque, un jour où je ne savais pas quoi prendre. Car il faut avouer que les couvertures ne m'attiraient pas trop. Et après lecture j'avais bien apprécié son style.

Du coup, je me suis moi aussi intéressé à sa série longue, Complément affectif. Malheureusement, l'ayant découverte assez (trop?) tard, j'ai eu du mal à me procurer le tome 2. Ce dernier est en rupture et aucune réimpression ne sera faite ... Cela m'a pris quasiement 10 mois de recherche entre ebay et boutiques d'occaz pour trouver ce tome à un prix correct. 

Elle fait partie de ces rares bons auteurs qui malheureusement ne trouvent pas de public en France ... Au même titre que Mitsuru Adachi ou Kei Toume par exemple (du moins, c'est mon avis).

Manga-News

De Manga-News [3732 Pts], le 09 Novembre 2012 à 17h28

Pour complément affectif tu peux tout savoir via un autre dossier qui lui ai consacré

https://www.manga-news.com/index.php/report/Complement-affectif

akiko

De akiko [5480 Pts], le 09 Novembre 2012 à 16h51

ps: en tous cas le dossier est super =)

akiko

De akiko [5480 Pts], le 09 Novembre 2012 à 16h50

Je me laisserai bien tenter par complement affectif mais est ce que c'est une histoire qui ce suit ou plusieurs histoires comme j'ai pu le lire dans les avis de Shibuya love hotel?

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