Dossier manga - Made in Abyss, partie 2 : L’aurore de l’âme des profondeurs

Le film d'animation et ce qu'il apporte


C'est un euphémisme de dire que la suite de la série animée Made in Abyss, l'une des belles réussites de 2017, était attendue par les fans, tant l'équipe de l'anime a su sublimer l'univers aussi fascinant que cruel imaginé par l'auteur du manga d'origine. Et cette attente, elle a d'abord été récompensée par Wakanim en début d'année.

Cette suite, elle prend donc la forme d'un long-métrage d'environ 2h: Made in Abyss : Fukaki Tamashii no Reimei, renommé chez nous Made in Abyss: L’aurore de l’âme des profondeurs, et pour lequel on retrouve fort heureusement le même staff principal que la saison 1. Sorti au Japon le 17 janvier dernier, celui-ci ne se sera fait attendre qu'un gros mois dans notre pays, Wakanim ayant pu proposer fin février 2020 quelques séances-événements au Grand Rex à Paris puis dans quelques cinémas Kinépolis de province, en attendant son arrivée sur la plateforme prévue désormais dans à peine quelques jours, le 25 septembre.





Par rapport au manga, le film se veut évidemment très fidèle au niveua de l'histoire et du déroulement... mais tout comme ce fut le cas dans la saison 1, le staff cherche en permanence à enrichir la mise en images du manga d'origine, et à intensifier certaines scènes pour leur offrir encore plus d'impact, là où la version papier reste souvent plus sommaire.

Un premier exemple marquant concerne la véritable entrée en scène de Bondold... Et quelle entrée en scène ! Car la réelle découverte de Bondold est on ne peut plus immersive et, d'emblée, dès sa première apparition avec sa horde de "mains en prière", suscite froideur, inquiétude, voire angoisse au vu de la réaction terrifiée de Nanachi face à celui qui l'a brisé. Travaillant efficacement le Seigneur de l'aube et l'effroi total qu'il peut susciter, le film installe là un antagoniste redoutable sur tous les points, froid, cruel par pur esprit scientifique, "papa" terrible, et aussi profondément intelligent et appliqué dans ses desseins, ses plans, son utilisation des "mains en prière" (qui ne sont pas de simples sbires) et celle de certaines reliques. Ses agissements sinistres parviennent à capter l'attention.

Un autre exemple marquant, tant il prend de la place importante dans le film, est l'affrontement assez long contre Bondold. Une partie du long-métrage se tourne alors vers une certaine action, un affrontement complexe. Malgré quelques brefs raccourcis de mise en scène et quelques rallonges, l'action est fluide et intense dans ses enjeux. Et dans l'opposition à Bondold, la coopération entre nos héros sa s'avérer essentielle, et Légu devra donc jouer un rôle bien particulier avec son Incinérateur.

Techniquement, tout comme dans la saison 1, l'équipe du film a su magnifier l'univers créé par Tsukushi dans le manga, en accentuant l'action, en intensifiant également les moments d'émotion les plus déchirants (essentiellement autour de Prushka... quitte à quand même parfois un peu trop forcer pour arracher des larmes) tout comme l'effrayante froideur de Bondold... La faune et la flore riches de la saison 1, elles, laissent ici place globalement à un cadre plus froid, plus inquiétant, dans la mesure où le plus gros du film se déroule dans la base de Bondold, bâtie sur d'anciennes ruines. Le résultat est tout aussi efficace, le sentiment de froideur étant vraiment là. En revanche, si certains passages de la saison 1 vous mettaient déjà en PLS, préparez-vous bien pour ce long-métrage, car une nouvelle fois l'horreur et le malsain sont des choses que l'équipe a également tenu à beaucoup soigner et approfondir, jusqu'à offrir de véritables visions crues de dégoût, affirmant alors de plus belle toute la cruauté de cet univers.





En résulte un long-métrage qui, si l'on excepte quelques petites rallonges, captive tout autant (ou presque) que la saison 1. Une nouvelle fois, le staff, loin de se contenter d'adapter "bêtement" le manga, a cherché et est parvenu à approfondir l'expérience, que ce soit visuellement, musicalement, émotionnellement... On en ressort assez marqué, attendant déjà impatiemment (et fébrilement) la suite, celle-ci étant d'ores et déjà annoncée en anime et risquant d'être encore plus terrible, au vu de ce qui est proposé dans les tomes suivants du manga...


Aparté: l'anthologie Made in Abyss


En juillet 2017, Made in Abyss jouit déjà d'une belle notoriété au Japon, et cela s'apprête à s'étendre à l'international avec le lancement ce mois-là de son adaptation en une inoubliable série animée, celle-ci ayant complètement su enrichir visuellement et magnifier le récit d'origine. Il n'est pas rare qu'au Japon, ce genre de gros lancement d'adaptation animée soit accompagné d'une anthologie collective à vocation plus humoristique, mais ce type d'ouvrage n'arrive quasiment jamais jusqu'en France... et c'est donc avec une certaine curiosité que l'on attendait celle de Made in Abyss, qu'Ototo a décidé de nous proposer ! Un petit pari plus qu'appréciable, et dont on peut espérer qu'il en appellera d'autres: après tout, Doki-Doki s'y est aussi mis en début d'année avec une anthologie de The Rising of the Shield Hero consacrée à Raphtalia, et dans un tout autre style Glénat a proposé en février une anthologie sur Parasite regroupant pas mal de noms assez réputés. Mais dans l'immédiat, voyons déjà ce que Made in Abyss Official Anthology a dans le ventre...





Parue en France en juin dernier, cette anthologie collective est donc sortie dans son pays d'origine le 29 juillet 2017, et on peut noter que, depuis, une deuxième anthologie a vu le jour en mars dernier au Japon. Au programme de l'édition française, 4 premières pages en couleurs offrant de jolies illustrations sur papier glacé, puis 13 très courts récits où 13 mangakas différents se réapproprient brièvement l'univers imaginé par Akihito Tsukushi en ayant eu la liberté qu'ils/elles voulaient. Parmi ces noms, déjà, une constatation s'impose: quasiment aucun n'est connu en France. Seule Yûki Hotate a déjà été publiée dans notre pays tout récemment avec Parasites Amoureux aux éditions Delcourt/Tonkam. Mais en dehors d'elle, on connaît quand même deux autres noms car l'adaptation animée de leur oeuvre est sortie en France: Bkub Okawa, l'auteur du complètement frappé Pop Team Epic dont le manga va sortir dans quelques jours chez Meian, et Tetsuya Imai, qui ouvre cette anthologie et à qui l'on doit Alice & Zôroku.

Le facteur commun des différents récits frappe vite aux yeux: chaque auteur a dû retenir ce qu'il voulait de Made in Abyss pour proposer un petit chapitre de quelques pages en format de strips de 4 cases humoristiques (4-koma). Le tout pour un résultat... eh, bien, sans grand intérêt, malheureusement. Il y a bien 2-3 idées de départ assez chouettes, notamment quand on nous laisse entrevoir des choses sur Ozen ou Jirwo, mais l'essentiel réside bel et bien dans l'aspect comique voire parodique, et de ce côté-là c'est malheureusement assez pauvre voire rapidement rébarbatif, car tous les auteurs ou presque semblent avoir surtout retenu l'aspect pelucheux de Nanachi que tout le monde veut tripoter, le délire de Tsukushi sur les pendus nus, et les problèmes de zizi de Legu. Il y a bien 2-3 autres choses très brièvement proposées, comme l'aspect culinaire ou un petit délire sur Bondold, mais dans l'ensemble les différents auteurs en reviennent souvent aux mêmes choses... Dommage quand on voit la richesse de base proposée par le manga d'origine: on aurait pu avoir de chouettes choses sur la faune/flore par exemple, mais non.

De plus, le format en 4-koma et la brièveté des chapitres limitent forcément beaucoup les choses. En plus d'être souvent redondants d'un chapitre à l'autre, les gags ne vont forcément pas chercher très loin en ne pouvant permettre aucun développement un peu plus poussé. Et visuellement, même si chaque auteur a son propre style et que certains styles sont très intéressants, le format fait que ça reste plutôt pauvre.

Enfin, une petite surprise potentiellement désagréable attend les lectrices et lecteurs de France: pour son édition, Ototo a choisi, en accord avec l'éditeur japonais, de se passer de deux récits, ceux des mangakas Kouta Matsuda et Nenemaru Nemui. En allant jeter un oeil à ces deux récits dans la version japonaise, on devine que c'est sûrement à cause de leur contenu, puisqu'ils proposent un tout petit peu de nu sur les héros enfantins. Pourtant, ce n'est pas forcément méchant, et la série-mère nous a déjà habitués à quelques moments de nu inutiles au fil de ses tomes... alors pourquoi, cette fois-ci, les retirer ? A titre personnel, certains blablas sur le zizi de Legu auraient limite de quoi me mettre plus mal à l'aise qu'une ou deux cases de nudité, d'autant qu'on a déjà vu largement pire dans d'autres mangas sortis en France. Mais bref: déjà que ce genre d'anthologie collective excède rarement les 120-130 pages, voici que cette censure diminue encore le volume qui dépasse alors difficilement les 100 pages de lecture. Pour un livre vendu 8,99€, ça fait forcément un peu mal.

Heureusement qu'en dehors de ce choix pouvant diviser, l'édition reste très honnête côté qualité: les 4 premières pages en couleur sont vraiment chouettes, le papier et l'impression sont honnêtes même s'il y a une très légère transparence, les choix de police sont très soignés... On notera quand même que pour cette anthologie, Vincent Zouzoulkovsky (traducteur de la série-mère) cède sa place à la traduction à Karen Guirado, qui s'en sort plutôt honnêtement (même s'il sera possible de tiquer sur l'emploi du féminin pour Malrk).





Au final, que retenir de cette anthologie ? Eh bien, pas grand chose malheureusement. Plutôt qu'un moyen de voir des auteurs se réapproprier de façon personnelle et intéressante le contenu riche du manga (façon Neo-Parasite chez Glénat) ou simplement croquer leur vision de certaines choses avec un minimum d'intérêt (comme dans The Rising of the Shield Hero - Ensemble avec Raphtalia qui avait quelques bons chapitres pour ça), on a juste un produit commercial ayant servi à porter l'anime, où les différents auteurs font rarement preuve d'imagination en exploitant vite fait, quasiment tous, les mêmes 2-3 choses de façon trop similaire, pour un résultat pouvant parfois faire sourire mais s'oubliant dès l'ouvrage refermé, et ayant plus des allures de petits strips bonus que l'on pourrait retrouver à la fin des tomes de la série-mère. En somme, un volume "bonus" à avoir éventuellement pour la collection, si tant est que l'idée d'avoir un tome tronqué ne vous frustre pas.
  
  


MADE IN ABYSS © Akihito Tsukushi / TAKE SHOBO 2013 Originally published in Japan in 2013 by TAKESHOBO Co.LTD., Tokyo.

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