Demon Slayer / Kimetsu no Yaiba - Partie 1 - Actualité manga
Dossier manga - Demon Slayer / Kimetsu no Yaiba - Partie 1

La patte naïve et épurée de Koyoharu Gotôge


Si beaucoup ont été conquis par la série animée Demon Slayer et son esthétique solide, peut-être qu'une rupture s'est produite quand ils se sont tournés vers le manga, en ce qui concerne celles et ceux qui ont effectué le parcours de l'anime vers l’œuvre d'origine. En effet, Koyoharu Gotôge est un auteur qui a une patte bien à lui. Son trait est fin, n'est pas spécialement avare en détails et peut donner la sensation d'un manque de densité. De plus, l'artiste exprime très souvent une légèreté certaine dans ses planches : Car entre plusieurs cases aux allures sérieuses, plusieurs pans de mise en scène beaucoup plus léger se présentent. On pense notamment aux particularités de légèreté et d'humour dont l'auteur fait preuve en dessinant parfois ses personnages de manière simplifiée, avec deux points en guise de parties oculaires. C'est mignon, ça tranche avec l'aspect dramatique et intense souvent présent dans l’œuvre, et ça peut surprendre surprendre. C'est pourtant une particularité du style de Koyoharu Gotôge qu'il faut accepter : Son art est hybride et dépeint des ambiances différentes, parfois d'une case à l'autre, ce qui fait une partie de son charme.

A côté de ça, l'auteur est aussi un conteur qui dépeint visuellement tout un univers, et de manière solide. Le bestiaire en est une preuve : Les démons ont des designs bien trouvés et s'avèrent parfois même très repoussants. Certains jugeront leurs designs au sein du manga grotesques, mais c'est ce qui les rend monstrueux, les opposant alors aux humains plein de charisme pour nombre de personnages présentés. Enfin, les séquence d'action font partie du charme du titre. Sous le crayon du mangaka, celle-ci sont clair et plus fouillées que le reste des séquences. On sent une réelle implication à créer du dynamisme au sein de l’œuvre, chose qui montera graduellement en intensité au fil de la progression de la série. Évidemment, dans ce qui nous intéresse de Demon Slayer dans ce dossier, ce regard est temporaire. Car avec six volumes sur vingt-trois, l'art de l'auteur peut drastiquement évoluer. Aussi, il sera plaisant de se pencher sur l'évolution de la patte Koyoharu Gotôge, d'ici quelques volumes.


KIMETSU NO YAIBA © by Koyoharu Gotouge/ SHUEISHA Inc.

Mais le style de l'artiste ne vient pas que du dessin : L'écriture des dialogues a un côté fort dans la série. Demon Slayer dépeignant de nombreux drames, les échanges se devaient d'être solides pour marquer l'émotion ou la complexité des personnages. C'est chose réussie, notamment en ce qui concerne Tanjirô et les nombreux points évoqués précédemment. A ce titre, l'auteur n'en fait jamais trop, comme en atteste cette séquence ou, par peu de dialogues et de légers échanges, le héros fait comprendre à un citoyen ordinaire les horreurs qu'il a vécu. C'est particulièrement intéressant sur le plan narratif, et fort en terme d'émotions véhiculées.

Selon Katayama, l'éditeur responsable de Koyoharu Gotôge et de la série, les dialogues sont l'un des aspects les plus percutants de Demon Slayer. Cette impression eut lieu la première fois lors du face à face entre Tanjirô et Giyû, dans le premier chapitre. Cet échange a secoué l'éditeur qui a rapidement vu dans le pilier des pourfendeur un personnage très intéressant. Katayama questionna Gotôge sur son aptitude à écrire de si bons dialogues : Le mangaka a lu des ouvrages sur l'écriture de romans pour parvenir à ce résultat. Se pencher sur les dialogues de la série a donc du sens, ce qui pourrait bien faire l'objet d'une future analyse plus approfondie dans un prochain dossier.


L'anime, ou l'art de sublimer l’œuvre d'origine


Dire que l'anime a eu un impact sur la popularité mondiale de Demon Slayer serait un euphémisme. Si le titre attirait une certaine curiosité chez nous avant l'adaptation animée, du simple fait qu'il s'agisse d'une œuvre d'aventure du Jump s'étendant sur la durée, il était difficile d'imaginer un tel engouement. C'est dans la partie suivante que nous nous étendrons sur l’œuvre de Koyoharu Gotôge en tant que phénomène, mais il convenait d'abord de s'intéresser à l'adaptation animée, ses particularités et quelques faits avérés qui ont pu impacter sa qualité. Il n'est pas question ici d'établir une critique de l'anime en ces lignes, nous vous renvoyons à notre chronique parue à cette adresse pour cela.

La première partie de l'anime Demon Slayer / Kimetsu no Yaiba se compose de 26 épisodes, diffusés entre le 6 avril et le 28 septembre 2019. Comme nous l'avons déjà dit, celle-ci adapte les premiers temps du manga, soit du premier chapitre jusqu'au tout début du septième volume. Les minutes finales de l'anime teasent même l'arc du train de l'infini, qui fera l'objet d'une adaptation dans le film Kimetsu no Yaiba : Mugen Ressha-hen qui paraitra le 16 octobre dans les cinémas japonais.

L'anime Demon Slayer est créé au sein du studio Ufotable, réputé pour la qualité de ses productions telles que Fate/Zero ou Fate/Stay Night Unlimited Blade Works, ainsi que les anime Coyote Ragtime Show, Garden of Sinners ou God Eater. Parmi la production, nous retrouvons la célèbre compagnie Aniplex.

La réalisation a été confiée à Haruo Sotozaki, animateur assez prolifique qui a notamment dirigé plusieurs déclinaisons de la saga Tales Of. Parmi elles, Tales Of Zestiria the X et sa séquelle, aussi produite par le studio Ufotable. Un titre d'anime qu'il convient de retenir puisque Akira Matsushima, character-designer et directeur de l'animation sur le projet, rempile aux mêmes postes sur la version animée de Demon Slayer. Gô Shiina, le compositeur des anime Tales of Zestiria, est lui aussi rappelé par Ufotable pour œuvrer sur la bande originale de la présente série, aux côtés de Yuki Kajiura, célèbre musicienne et compositrice appartenant au collectif FictionJunction, et ayant touché aux bandes originales des séries de la saga Fate, dont les chapitres produits par Ufotable.


En résumé, le studio a fait appel à des talents qu'il connaissait pour aboutir au meilleur résultat possible pour une adaptation animée du manga de Koyoharu Gotôge. Ça n'a rien d'anodin, puisque l'enjeu même de la production de l'anime était d'aboutir au meilleur rendu possible. Cela peut en partie s'expliquer par le fait que Yuma Takahashi, le producteur, est un lecteur assidu du Jump qui suivait les aventures de Tanjirô depuis le départ, avant même qu'une adaptation animée soit décidée. Et pour aboutir à un résultat optimal, quoi de mieux de rassembler des artistes qui se connaissent et qui ont travaillé ensemble ? L'idée semblait être de créer un climat de confiance pour un travail efficace.

Le producteur explique ce point par la collaboration musicale entre Yuki Kajiura et Gô Shiina, choisis avant tout pour leur connaissance d'Ufotable et des équipes. Une harmonie qui se devait d'être idéale puisque le partage des tâches entre les deux musicien était des plus rigoureux. Yuki Kajiura a eu la première partie de la démarche de composition, et la plus cruciale. C'est elle qui a composé cinq morceaux clés, représentant les thèmes musicaux majeurs de la série. A partir de ces pistes, Gô Shiina est intervenu, pour les décliner de différentes façon et finir de composer la bande originale des 26 épisodes. La démarche fut celle du monde cinématographique : Il est de coutume d'entendre un thème majeur d'une œuvre reprise de différentes manières pour coller aux ambiances de l’œuvre, et c'est exactement ce que Gô Shiina a fait à partir des créations de Yuki Kajiura.

En partant de ces anecdotes sur la composition sonore, le travail sur l'anime Demon Slayer semblait déjà assez minutieux. Mais la dimension visuelle de la série a aussi son importance, de manière évidente puisque c'est toute l'esthétique de la série qui a particulièrement plu. Et pour arriver à ce résultat, il a d'abord fallu adapter la patte de Koyoharu Gotôge, ce qui engendra de grandes réflexions. L'un des aspects qui ne manque pas de marquer, c'est la représentation graphique des pouvoirs des héros, sujette à de véritables choix artistiques. Le meilleur exemple est celui du souffle de l'eau, art manié par Tanjirô dans une grande partie de l'histoire. C'est le style ukiyo-e de Katsushika Hokusai a servi d'inspiration pour ces techniques, justifiant le résultat aux allures d'estampes, un choix qui avait de quoi marquer les spectateurs dès la diffusion du générique d'ouverture. Pour créer ces particularités esthétiques, le travail s'est fait essentiellement à la main, avec incrustation de légères touches de CGI.


Un travail sur l'environnement a aussi dû avoir lieu, notamment dans la représentation d'un Japon de l'ère Taisho un maximum crédible. Les équipes du studio Ufotable ont puisé dans des ouvrages de référence pour cela, tâche que le producteur Yuma Takahashi considère comme plutôt simple puisque cette période historique n'est pas si ancienne, et que des mémoires graphiques sont trouvables aisément.

Il fallait donc une implication de cette mesure pour aboutir à un pareil résultat. Car parmi les anime tirées de mangas du Shônen Jump, Demon Slayer est très clairement dans le haut du panier. Il paraît même impressionnant de voir qu'un tel soin ait été donné à un nekketsu comme il en existe beaucoup. Pour le studio Ufotable, c'est aussi une prouesse en tant qu’œuvre d'animation, tout simplement. L'épisode 19 de la série comporte une scène aussi particulière qu'importante : Sa séquence finale. Au cours de celle-ci, Tanjirô affronte Rui, une Lune Inférieure de Muzan Kibutsuji, dans un affrontement désespéré qui le pousse à puiser dans ses ressources... et dans son passé. C'est une séquence qui a stupéfait les spectateurs au point de tourner à foison sur les réseaux sociaux, juste après la diffusion de l'épisode. Dans ses propos, Yuma Takahashi considère lui aussi cette séquence, au point de la déclarer d'une qualité sans précédent pour le studio Ufotable.

Nous conclurons notre retour sur la série animée par un point intéressant : L'implication de Koyoharu Gotôge sur le plan créatif. Dans ce type d'adaptation, le mangaka a généralement un léger droit de regard, une tâche souvent simple du fait du planning déjà chargé de l'artiste. Il s'agit très souvent d'une validation du character-design ou de scripts, et parfois une invitation à une cession de création de voix. Ce cher producteur qu'est Yuma Takahashi confirme que l'auteur a entretenu ces rôles sur l'anime Demon Slayer, tout en ajoutant qu'il aurait donné des consignes assez précises pour la création de l'anime. Yuma Takahashi et Koyoharu Gotôge auraient été en contact constant, indice d'une implication du mangaka plus importante que sur d'autres adaptations animées. Il est évidemment difficile d'établir tout son support sur la création de l'anime, notamment parce que l'auteur se fait très discret. Mais voilà une autre piste qui pourrait expliquer le soin apporté à cette première série d'animation.

KIMETSU NO YAIBA © 2016 by Koyoharu Gotouge/ SHUEISHA Inc.

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