Voyage au bout de l'été - Actualité manga
Dossier manga - Voyage au bout de l'été

Le shôjo et les clichés qui l'entourent


Voyage au bout de l'été résonne particulièrement avec un message fort, que cherchent à livrer les éditions françaises Akata, depuis des années maintenant. Quand on parle de manga shôjo, on pense parfois, un peu trop facilement, à la romance lycéenne mièvre. Un cliché de confort que certains éditeurs ont fortement contribué à développer chez nous, misant sur des romances adolescentes peu inspirées, au détriment d’œuvres et d'autrices qui auraient leur place sur le marché, à commencer par Keiko Nishi, mangaka à qui nous devons le présent one-shot.

Alors, quand on parle de shôjo, certaines attribuent le type éditorial à un genre particulièrement cliché. Dès lors, l'opinion collective le rapprochera d'un lectorat plus jeune, et surtout féminin. Le shôjo serait donc interdit aux hommes ? C'est, entre autre, ce que développe Voyage au bout de l'été, un récit qui n'a pas été écrit pas la dernière des concernées puisque Keiko Nishi est une autrice de shôjo très prolifique, depuis la fin des années 80. Dans son récit, un mangaka qui fait dans le shôjo tente de réaliser son rêve, et il se trouve que l'auteur est un homme. Bien que le contenu de son manga ne doit jamais explicitement dévoilé, les réactions des son entourage laissent penser à une œuvre misant sur l'émotion, donc probablement à fortes valeurs romantiques. On ressent alors que l’œuvre écrite par Makoto Nakagawa s'apparente à l'idée qu'on pourrait avoir du shôjo, quand bien même il n'est pas un genre et peut aussi bien concerner une comédie sentimentale qu'une épopée fantastique.


Dès lors, le ton est donné, et le message est on ne peut plus claire. Le fait que le protagoniste écrive et dessine un tel manga peut d'abord apporter un décalage que l'on ne doit pas à l'improbabilité d'un homme de s'attacher à ce genre de fictions, mais bien à notre imaginaire collectif conforté par de nombreux clichés. Cette première réaction qu'on peut avoir est alors bien servie par les doutes du héros : celui-ci n'ose ni présenter son travail à son éditeur, ni même l'avouer en publique. Cette idée sera aussi symbolisée par le grand quiproquo de la série : Quand Makoto et Kureha présenteront le travail du jeune adulte à un éditeur, celui-ci pensera naturellement que la demoiselle en est l'autrice, comme si l'idée qu'un homme développe une histoire d'amour bouleversante était saugrenue. Un postulat de base qui renvoie ainsi à nos propres clichés qui, pourtant, sonnent absurdes après lecture du récit.

Car Makoto représente un message assez fort de la part de Keiko Nishi. Le shôjo peut être lu par n'importe qui, et un garçon peut sans soucis se lancer dans l'exercice de l'écriture d'une telle œuvre. Et plus que le shôjo, un garçon peut tout à fait parler de sentiments de manière naturelle, si bien que des comédies romantiques bouleversantes sont même publiées dans la case shônen. Un titre qui parlera à beaucoup : Your Lie in April qui, pourtant, est un shônen dessiné par un homme.


Le message s'avère aussi percutant puisqu'il vient d'une autrice qui a fait ses armes depuis longtemps. Keiko Nishi est une spécialiste du manga shôjo, une artiste qui a donc les moyens de donner un avis construit. Et elle le fait par le dessin, avec Voyage au bout de l'été, et avec l'attachant personnage de Makoto qui s'accapare rapidement notre soutien. A travers lui, elle exprime aussi un certain message de l'art d'une manière générale. Car Makoto n'est pas quelqu'un qui a connu énormément de relations amoureuses, si bien qu'il réserve le premier baiser à une personne qu'il affectionnera particulièrement. C'est donc un individu non expérimenté en amour qui bouleversera ses lectrices et lecteurs, visiblement à l'aide d'émotions et de sentiments. Difficile de ne pas y voir là l'idée qu'un manga réussie, voire une œuvre réussie, sera le fruit d'un travail sincère et qui n'est pas bridé par certains codes. Car à l'instar de Makoto qui représente, d'un certain point de vue, un tabou du fait qu'il dessine du shôjo, il s'émancipe de toutes règles pour créer quelque chose qui vient du cœur, un travail nourrit par sa sincérité et ses rêves.
  
  

© by NISHI Keiko / Shôgakukan

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