Voyage au bout de l'été - Actualité manga
Dossier manga - Voyage au bout de l'été

Rêve et désillusion


Le rêve a une place particulièrement importante dans Voyage au bout de l'été, puisqu'il symbolise le parcours du panel de personnage présent dans le récit. Et au rêve s'oppose la désillusion, voire le désespoir, deux concepts opposés qui sont omniprésents dans le one-shot de Keiko Nishi.

On pourrait « s'amuser » à relever, pour chacun, quel rêve et quel désespoir le récit nous présente. Car d'une manière générale, Voyage au bout de l'été aborde le quotidien assez amère de ces différentes figures du récit, et pas seulement Makoto et Kureha, quand bien même c'est leurs cas qui sont les plus développés dans le récit. En effet, nos deux héros se révèlent totalement similaires dans cette dimension : ils aspirent à quelque chose mais fuient la plupart du temps. Dans le cas de Makoto, il s'agit du rêve de devenir mangaka shôjo, rêve qu'il n'ose caresser à cause des idées préconçues autour de ce type de publication majoritairement attribué aux femmes. Ainsi, Makoto s'enlise dans un quotidien dont il ne veut pas spécialement, tout comme Kureha qui cherche à fuir un cadre familiale monotone, et qui trouvera un certain enthousiasme à pousser Makoto de l'avant, et à l'accompagner jusqu'à l'accomplissement de son rêve.

En parallèle, c'est le destin de la famille de Kureha qui va symboliser cette opposition. Tous sont frappés par la banalité du quotidien et par le poids imposé par la société, et espèrent s'en évader de manière différente. Retrouver un amour passé, trouver un nouvel intérêt émotionnel avec un homme à peine rencontrer, fuir au loin avec un ami improvisé, voler la réussite d'autrui pour palier à son propre échec... Toutes ces idées sont des mises en pratique de cette opposition entre le rêve et le désespoir, que Keiko Nishi développe assez subtilement dans son récit, qui pourra parfois perdre les lectrices et lecteurs par la manière dont tout ce petit monde est développé, un jeu de narration sur lequel nous reviendrons dans la partie prochaine.


Au final, avec Voyage au bout de l'été, Keiko Nishi invite bien son lectorat à l'évasion. Que ce soit pour réaliser nos rêves ou tout simplement échapper à la routine du quotidien, toute nouvelle expérience dépaysante est bonne à prendre, à condition qu'elle soit réfléchie. Dans le cas de Makoto, le voyage à Tokyo ne peut qu'avoir une portée bénéfique puisque le jeune homme n'a rien à perdre. C'est aussi le cas pour le frère de Kureha, que risque-t-il à partir en voyage improvisé, si ce n'est faire quelques rencontres ? Tout n'est pas toujours rose dans les différents portraits dressés dans ce one-shot, et c'est à chacun d'en dégager le positif comme le négatif, afin de chacun définisse de quelle manière il est bon de s'évader, et ce qui doit, au contraire, être évité. De cette manière, Voyage au bout de l'été dresse aussi un certain portrait de la famille qui, pour être appréciée, ne doit pas tomber dans un climat pesant, et un schéma patriarcal comme il en existe énormément au Japon. La famille doit aussi être libératrice, l'écoute et la liberté étant alors des formules essentielles. Mais peu importe les thématiques, c'est de nos chaînes que Keiko Nishi nous invite à nous débarrasser.


Récit principal et drame familial... une narration dynamique


Outre le sujet du récit, la belle originalité de Voyage au bout de la nuit vient sans doute du parti-pris de narration de Keiko Nishi. L'intrigue principale du manga, vous l'aurez compris, est celle de Makoto et Kureha, menant un véritable périple à Tokyo pour permettre la publication du jeune adulte dans un magazine shôjo, avec quelques péripéties durant leur été jusqu'à la conclusion de l'histoire, une très jolie fin au passage, pleine de bons sentiments mais aussi d'espoir. Un point conclusif qui entre d'ailleurs en résonance avec ce que nous avons dit précédemment, le message de la mangaka étant définitivement positif, et voué à pousser ses lectrices et lecteurs de l'avant.

Mais en parallèle, elle développe une intrigue, ou plutôt plusieurs intrigues, quatre au total, l'une d'entre elles finissant même par intégrer le scénario principal. Leur développent se fait en filigrane, de manière très discrète, sans jamais casser le rythme du récit autour de Makoto et Kureha. De temps en temps, le temps d'une page ou deux, Keiko Nishi change d'orientation et nous parle de ces personnages secondaires. Au départ, la transition peut être délicate : on ne comprend pas forcément qui sont ces individus et quel est leur rôle, si ce n'est chercher eux aussi une sorte d'émancipation dans leur vie. C'est petit à petit qu'on comprend leur lien, et la place qu'occupent leurs péripéties au sein du one-shot. Le dernier chapitre se révèle alors très clair sur l'intention de la mangaka les concernant, tout en faisant de leurs apparitions un élément explicatif assez clair sur les raisons qui poussent Kureha à ne pas regagner le domicile familiale.


Cette particularité de narration donne à lui seul un intérêt à une seconde lecture du récit, peu de temps après la précédente. Si la première permet de prendre connaissance des personnages et comprendre l'histoire de Voyage au bout de l'été, la seconde a pour effet de mieux saisir le message final derrière ces multiples intrigues, mais aussi de mieux les apprécier au cas par cas. Reste alors un petit regret, celui de ne pas en apprendre davantage sur ces différents individus. Bien que ce soit les raisons de leurs péripéties qui intéressent plus que les individus qu'ils représentent, certaines histoires étant sans doute jolies à narrer. Le grand-père est un excellent exemple, ce dernier finissant par retrouver un amour d'autrefois. Mais le récit était sans doute prévu comme un one-shot depuis le départ, aussi le temps a dû manquer à Keiko Nishi pour nous en dire davantage. A ce titre, le simple fait d'avoir pu jongler entre les séquences sur un temps si restreint, sans trop casser le rythme de son histoire et sur un seul opus, tout en donnant du sens à son intrigue, est une jolie prouesse d'écriture.
  
  

© by NISHI Keiko / Shôgakukan

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