Shino ne sait pas dire son nom - Actualité manga
Dossier manga - Shino ne sait pas dire son nom

Shuzo Oshimi, le mangaka des troubles adolescents


Né en 1981 dans la préfecture de Gunma, Shuzo Oshimi grandit en ce même lieu, sans jamais s'en écarter. Pendant son adolescence, ses lieux préférés sont les bords de la rivière, les escaliers de son collège... et la librairie, où il peut assouvir sa passion pour les livres. Une passion qui, assez logiquement, l'amène à s'orienter vers une voie plutôt littéraire : il deviendra mangaka.
  
  

Il a tout juste 20 ans quand, en 2001, il conçoit sa première histoire courte, Superfly, un travail en indépendant qui sera, par la suite, proposé en édition papier à la fin du one-shot Avant-Garde Yumeko (2003) par Kôdansha. Narrant l'histoire d'un garçon dont le double miniature part explorer les recoins du corps de la fille qu'il aime, ce récit voit déjà l'auteur poser les bases des interrogations qui le tourmentent, autour de l'adolescence et de la sexualité. La même année, il se fait remarquer en remportant le Prix Tetsuya Chiba.

Avant-Garde Yumeko paraît en 2003, pour le Young Magazine des éditions Kôdansha. Réédité en 2013, ce récit présente une lycéenne qui développe un fort intérêt pour le pénis suite à la fameuse fête Kanamara Matsuri. Elle n'y connaît rien, est toujours vierge, mais est bien décidée à s'approcher de son obsession. S'en suivront plusieurs choses : inscription dans un club d'art en espérant voir du nu, rencontre avec le seul membre du club dont la verge servira de pinceau, pointes de SM...
  

Editions de 2003 et 2013.  

En 2004, il signe pour le Bessatsu Shônen Magazine Sweet Poolside, un one-shot mettant en scène deux adolescents du club de natation : lui a une peau infiniment douce, elle possède un système pileux trop développé et en est très complexée. Quand lui décide de devenir en quelque sorte l'esthéticien personnel de la jeune fille, un lien particulier va se bâtir entre eux deux.
  
  

Oshimi propose ensuite, en 2005-2006 dans le Young Magazine, sa première série plus longue : Devil Ecstasy, qui durera 4 volumes. Rééditée en 2013, cette série a pour personnage principal un jeune homme vierge et ayant la phobie des grosses poitrines. Un soir où il se retrouve dans un love hotel avec un ami, des succubes apparaissent... Même si l'auteur ne s'écarte pas de certaines de ses thématiques, cette œuvre se veut moins tourmentée, plus légère, et également plus érotique.
  
  

En 2007-2008 arrive Yuutai Nova, série en deux tomes rééditée en 2013 qui nous fait suivre un étudiant en université a utilise la projection astrale afin d'aller espionner son ex petite amie avec qui il n'a jamais pu faire l'amour. En colère et triste après l'avoir vue s'offrir à un homme douteux, il se réconforte auprès d'une fille ayant le même pouvoir que lui, et avec qui il va vivre une étonnante expérience d'osmose où ils vont se « mélanger »... En plus de thèmes désormais habituels comme la sexualité, ce récit voit déjà Oshimi commencer adopter un nouveau ton, évoquant notamment certaines errances d'une société étouffante.
  
  

A partir de 2007, Oshimi fait une première « infidélité » aux éditions Kôdansha pour proposer, dans le magazine Manga Action des éditions Futabasha, Drifting Net Cafe / Hyouryuu Net Cafe, un récit plus sombre voire plus brutal qui marque une étape importante dans sa carrière. Cette série, qui s'est achevée en 2011 après 7 tomes, voit un cybercafé propulsé dans un autre monde dangereux. Entre les rixes, les meurtres, les viols et autres joyeusetés, les pensionnaires du café se dévoilent souvent dans ce qu'ils ont de plus sombre. Mais si l'auteur propose globalement des personnages un peu plus âgés que ce qu'il a l'habitude de faire, il continue d'évoquer en filigranes ses thèmes chers autour de l'adolescence.
  
  

Parallèlement à Drifting Net Cafe, le mangaka entame en 2009 son œuvre phare, Aku no Hana / Les Fleurs du Mal. Prépubliée jusqu'en mai 2014 au Japon dans le Bessatsu Shônen Magazine des éditions Kôdansha (magazine justement lancé en 2009, Aku no Hana faisant donc partie des séries de lancement), pour un total de 57 chapitres et 11 volumes reliés, c'est une oeuvre-charnière dans la carrière de l'auteur. Elle est à la fois sa plus longue série à ce jour, celle où il a peaufiné un changement de style plus personnel, et celle qui l'a réellement fait connaître auprès des lecteurs. Elle est sortie en France chez Ki-oon, et a eu droit à un premier dossier sur notre site (le deuxième dossier arrivera un jour... si si !).
La série nous immisce dans une ville de province banale, un collège banal, un quotidien banal. Takao, élève moyen et timide, se sent enfermé dans ce monde étroit. Il n’a qu’une échappatoire : la lecture. Il est surtout fasciné par l’étrangeté des Fleurs du mal de Baudelaire. Ce recueil est devenu son livre de chevet, tout autant que son moyen de se différencier dans un monde gris où tout le monde se ressemble. Il existe pourtant un élément de surprise incontrôlable dans son univers : Sawa, assise derrière lui en classe, refuse toute autorité en bloc. “Cafards !”, “Larves !” : elle ne rate pas une occasion d’exprimer sa haine et son mépris, même envers ses professeurs. Crainte de tous, elle est l’élément déviant de la classe. Mais Takao préfère se concentrer sur la populaire Nanako. Il ne lui a jamais parlé et se contente de la regarder de loin. Alors quand il trouve abandonnés dans la salle de classe les vêtements de sport de l’objet de ses fantasmes, il ne peut s’empêcher de les ramasser… et de s’enfuir en les emportant, sur un coup de tête ! Pas de chance pour lui, Sawa l’a surpris en plein forfait... Avec un grand sourire, elle commence à le faire chanter : s’il ne veut pas qu’elle le dénonce, il doit obéir à ses ordres, même les plus fous !
En 2012, la série a figuré parmi les nominés du 5e Prix Manga Taisho, dont le jury est principalement composé de libraires. Sur les 15 séries nominées, elle a fini 12e, juste devant Your lie in april. Cette année-là, c'est le manga Silver Spoon de Hiromu Arakawa qui fut lauréat. Toujours en 2012, une adaptation en série animée a été annoncée. Inédite en France, elle fut diffusée du 5 avril au 29 juin 2013 sur les chaînes Animax, Tokyo MX, TVS, Chiba TV, tvk, GTV, SUN-TV, KBS. Adulée par les uns, conspuée par les autres, cette adaptation animée a beaucoup divisé, notamment à cause de son parti pris visuel où la rotoscopie a été utilisée. Quoi qu'il en soit, elle a, elle aussi, contribué à faire la renommée de l'oeuvre. Le manga a également été décliné en pièce de théâtre.

  

Une fois Drifting Net Cafe bouclé et tout en poursuivant Les Fleurs du Mal, Oshimi a conçu d'autres projets parallèles, en tête desquels Shino-chan ha Jibun no Namae ga Ienai / Shino ne sait pas dire son nom en 2011-2012.
 
Après ça, il entame toujours en 2012 la série qui l'a fait connaître en France : Boku wa Mari no Naka, publiée dans notre pays par les éditions Akata sous le titre Dans l'intimité de Marie. Achevée en 2016 après une publication dans le magazine Manga Action de Futabasha, cette série en 9 tomes est le première exemple parfait du gain de maturité de l'auteur, qui livre une fantastique troublante sur la jeunesse, la sexualité, l'identité et le rapport au sexe opposé. Quand Isao komori est allé à Tokyo pour suivre ses études à l’université, il s’imaginait déjà une nouvelle vie de rêve : jeune adulte indépendant, avec tous ses potes de fac... Mais sans vraiment comprendre comment ni pourquoi, le voilà déjà seul. Désabusé, il finit par vivre cloîtré chez lui. Son seul petit plaisir est d’aller à la supérette du quartier, pour y admirer la magnifique lycéenne qui s’y rend tous les jours. Mais un soir, alors que comme d’habitude, il la suit jusqu'à chez elle, un curieux événement se produit : la lycéenne remarque sa présence et... Isao se réveille alors, un matin comme les autres, dans la peau de la jeune fille ?! Il devra désormais se faire passer pour Marie, la fille la plus populaire du lycée ! Un nouvel enfer quotidien commence pour le jeune homme, tandis qu’une énorme question subsiste : puisqu’il est entré dans le corps de Marie, où est passé l’esprit de la jeune fille ?
  
  

En 2013, Oshimi participe à l'anthologie comique Mangaka-san Irasshai! R's Bar - Mangaka no Atsumaru Mise pour les éditions Hakusensha. Puis dans le 5e volume de l'anthologie SF Comic Hoshi Shinichi il signe une histoire courte, adaptant un récit de l'écrivain Hoshi Shinichi, où un extraterrestre bienveillant arrive sur Terre.

Après la fin des Fleurs du Mal, il se lance en 2015 dans une nouvelle série longue, dans le Bessatsu Shônen Magazine de Kôdansha: Happiness. Achevée en mars 2019 et totalisant 10 tomes, cette oeuvre est publiée dans notre pays par Pika Edition, et son ultime opus arrivera d'ailleurs le 24 juin. Dans cette série, l'auteur revisite le mythe du vampire dans une société moderne, pour cristalliser ses thématiques autour de la jeunesse, cette fois-ci en mettant notamment l'accent sur le sentiment de différence et d'exclusion dans la société, ainsi que sur le délicat passage vers l'âge adulte. La vie en première année de lycée de Makoto Ozaki est une série d'humiliations et de déceptions. Mais une nuit, une fille mince et pâle lui saute dessus pour boire son sang et lui offre le choix entre mourir ou vivre comme elle... Makoto choisit de vivre et, doté d’une force nouvelle, il ne sera plus le jouet de ses camarades. Mais prisonnier d’un corps qui n’a plus rien d’humain, l’adolescent réalise qu’il a quitté un enfer pour un autre…
  
    

En 2017, au sein du magazine Feel Young de Shodensha, il signe le one-shot Waltz, un récit évoquant des thèmes très actuels autour des transgenres et des LGBT.
  
  

La même année, il entame une nouvelle série pour le compte du magazine Big Comic Superior des éditions Shôgakukan : Chi no Wadachi, alias Les Liens du Sang, en cours de parution en France chez Ki-oon. Toujours en cours également au Japon avec 8 tomes actuellement, cette série met en scène une mère de famille aimant beaucoup, beaucoup trop son fils, au point de le surprotéger et de l'entraîner dans une spirale malsaine... Assurément un moyen pour l'auteur d'aborder les tourments et traumatismes de la jeunesse sous un angle assez nouveau dans sa carrière. Vue de l’extérieur, la famille du jeune Seiichi est des plus banales : un père salarié, une mère au foyer, une maison dans une ville de province… L’adolescent va à l’école, joue avec ses amis, est troublé quand il pose les yeux sur la jolie fille de la classe. Tout est normal… ou presque. Il ne s’en rend pas compte lui-même, mais sa mère le couve beaucoup trop. Seiko traite encore son fils comme un bébé et, avec un mari toujours absent, son monde est d’autant plus centré autour de Seiichi. Ce dernier est incapable de résister : il se laisse lentement emprisonner dans le cocon. Trop jeune, il ne décèle pas la folie cachée derrière l’amour maternel. Jusqu’à ce qu’il soit trop tard…
  
  

En septembre 2017 paraît aux éditions Futabasha le tout premier artbook de l'auteur : Femme fatale, qui retrace quasiment toute sa carrière jusque-là, au travers d'illustrations en couleur ou en noir & blanc, entre autres. Une merveille que tout fan du mangaka se doit de posséder, ne serait-ce que pour apprécier ses évolutions de style.
  
  


Tout récemment, l'arrivée du printemps 2020 a été florissante pour l'artiste puisque, tout en continuant Les Liens du Sang, il a proposé deux nouveaux projets.

Tout d'abord, il a participé le 27 mars à l'inauguration du nouveau site de lecture en ligne Comic Action de l'éditeur Futabasha et y publiant Kusakabe-san, une histoire courte de 20 pages réservée aux plus de 16 ans, et qui est arrivée exclusivement en numérique seulement 2 semaines plus tard en France, grâce aux éditions Akata, sous le titre Kusakabe et moi. Cette histoire courte voit Oshimi poursuivre dans ses thématiques phares, et scruter l'étrange drame des rapports humains, entre hypocrisie, mal-être et domination. Moustache naissante, lunettes, physiquement plutôt standard, vivant seul, un homme a, un beau jour, la surprise de voir allongée devant la porte de sa garçonnière une jeune fille qui a l'air un peu paumée, puisque sur le coup elle lui dit habiter là, avant de rire face à sa méprise. Elle s'appelle Kusakabe, elle a 17 ans, elle fume et passe son temps à sécher les cours et à glander, quand elle ne couche pas avec divers hommes. Se mettant à revenir voir régulièrement notre homme, elle se met à baiser avec lui régulièrement. L'homme, lui, trouve cette jeune fille sexy, avec son visage qui lui donne toujours l'impression de sourire et ses rondeurs sous les yeux. Et puis, mine de rien, Kusakabe est sensible et intelligente: lors de leurs promenades à deux, elle connaît les noms de toutes les plantes, et elle pleure devant les couchers de soleil. Mais en cette demoiselle, il semble y avoir aussi quelque chose de profondément destructeur et autodestructeur... Que vient-elle chercher auprès de notre homme, et jusqu'où pourra aller leur relation ?

  
  
Ensuite, il a lancé une nouvelle série dans le Bessatsu Shônen Magazine de Kôdansha le 9 avril: Okaeri Alice. Ce nouveau titre se centre sur trois collégiens timides: Yôhei, Kei et Yui. Tous trois sont ensemble depuis la maternelle et sont des amis d'enfance. Alors que Yôhei commence à prendre conscience que Yui est une fille, il assiste à une scène à laquelle il ne peut pas vraiment croire.

  

Actuellement, Shuzo Oshimi vit à Tokyo. Notons qu'il a également été assistant du manga Yû Muraoka, auteur que l'on connaît en France pour la série de judo Uchikomi!.

Il est très actif sur le réseau social twitter.
  
  

© Shuzo Oshimi 2013 / Ohta Publishing Co

Commentaires

DONNER VOTRE AVIS



Si vous voulez créer un compte, c'est ICI et c'est gratuit!

> Conditions d'utilisation