Dreamcatcher
« Lovecraft... M'étonne pas que tu fasses de drôles de rêves avec de telles lectures... » La chambre du sommeil, Junji Itô.
Le rêve peut vite tourner au cauchemar, et il n’est pas étonnant que les auteurs spécialisés dans l’horreur s’approprient ce domaine. C'est le cas de l'écrivain américain Howard Phillips Lovecraft, grande influence de la culture fantastique moderne dont les nouvelles sont merveilleusement adaptées en manga par Gô Tanabe. L'appel de Cthulhu ou encore Dans l'abime du temps sont autant d’exemples de récits qui abordent le sommeil et le rêve de diverses manières. Ce sujet, on le retrouve bien évidemment aussi dans des créations d’artistes japonais comme Tsubana et son manga Wakusei Closet au sein duquel les cauchemars d’une jeune fille prennent vie dans la réalité. Le monde réel se confond alors peu à peu avec celui des rêves dans un récit proposant une horreur onirique pouvant faire passer des nuits blanches au lecteur le prenant trop au pied de la lettre.
De ses débuts en tant que mangaka à Zone Fantôme, Junji Itô, grand maître du manga d’horreur, a ajouté les rêves et la peur du sommeil à son répertoire. C’est un sujet que l’on retrouvait dans La chambre du sommeil, un de ses tout premiers mangas. Dans cette nouvelle, l’auteur raconte l’enfer que vit un homme qui a peur de s’endormir. Dès qu’il se plonge dans le sommeil, un autre lui vivant dans le pays des songes tente de sortir de son corps. Dans ce récit horrifique, le personnage se retourne de l’intérieur pour laisser la place à son alter ego des rêves. Afin d’éviter ce phénomène, il compte sur sa copine pour l’aider, notamment en se faisant attacher et surveiller au cas où il s’endormirait. La peur de s’endormir, on la retrouve aussi dans Léthargie, une nouvelle plus récente dans laquelle un jeune homme pense commettre des meurtres dans son sommeil. Et bien sûr, cette crainte altère son état physique et mental. Dans La chambre du sommeil comme dans Léthargie, en plus de l’horreur de la situation, les troubles occasionnés par la peur de dormir ajoutent une dimension angoissante supplémentaire.
Cependant, la nouvelle la plus marquante de Junji Itô sur le thème du rêve est sans aucun doute Un rêve sans fin que l’on peut lire dans le premier volume de l’anthologie Les chefs-d'œuvre de Junji Itô. On y fait connaissance d’un homme qui souffre d’une étrange pathologie : il fait des rêves de plus en plus longs. Il se réveille chaque matin dans sa chambre d’hôpital mais pour lui, il s’est écoulé au sein de ses rêves d’abord des jours, puis des mois, des années, des siècles, des millénaires... Et cela, jusqu’à rêver de l’éternité. L’auteur aborde le thème du rêve sous l’angle du paradoxe temporel et propose une réflexion scientifique à travers le regard d’un médecin tout en livrant une histoire d’horreur. En somme, il ne se contente pas de faire peur, il pose aussi des questions sur le rapport à la mort notamment à travers l’intervention d’un personnage faisant des crises d’angoisse au sujet de son propre sort. Et si la possibilité de faire un rêve infini était la solution pour que l’humain accepte son sort ?
Un rêve sans fin.
Être coincé dans un monde rêvé, c’est un thème que l’on retrouve dans plusieurs mangas. C’est le cas d’un univers en particulier dans Tsubasa Reservoir Chronicle ou même d’un stand de JoJo’s Bizarre Adventure qui tente de tuer les protagonistes de Stardust Crusaders durant leur sommeil. Si pour ces mangas le rêve est une aventure parmi d’autres, d’autres en fond leur thème principal. C’est le cas de Voyage à Uroshima qui revisite le conte de Tarô Urashima de manière onirique, où le personnage principal se retrouve dans un monde de luxure sans échappatoire. Ou encore de Terrain vague, qui aborde quant à lui la question de la dépression à travers la frontière entre le rêve et la réalité qui devient de plus en plus trouble. De son côté, Yumenosoko nous emmène au pays où naissent les rêves à travers le regard d’une petite fille qui s’y retrouve coincée. Ce monde est également celui où errent les âmes des défunts ne parvenant pas à trouver le repos éternel et la jeune fille, qui se met à travailler dans un mystérieux combini, va rencontrer des personnes aux destins tragiques.
Ce ne sont pas les merveilleuses lectures sur les mondes des rêves qui manquent dans les mangas, et la plus fascinante d’entre elles est sans nul doute Liddell au clair de lune. Yoshimi Uchida raconte le retour à Chicago de Vladimir, qui retrouve notamment son camarade Hugh. Ce dernier est obsédé par un étrange rêve récurent se déroulant dans un manoir au sein duquel se trouve une petite fille. Alors que Hugh est de plus en plus absorbé par son songe, il devient davantage attiré par ce monde que par la réalité. De son côté, Vladimir décide d’enquêter sur ce phénomène. En résulte un manga envoutant qui subjugue par son ambiance onirique et son lyrisme. À sa lecture, on s’égare entre rêve et réalité le temps d’un mystérieux récit.
Liddell au clair de Lune.
De toute évidence, certains artistes sont capables d’imaginer des mondes oniriques qui hantent aussi bien les personnages que les lecteurs. Du rêve sans fin de Junji Itô au songe collectif de Setona Mizushiro, en passant par ceux qui retiennent prisonniers celles et ceux qui osent s’y engouffrer, ces univers peuvent être à la fois splendides et terrifiants. Et c’est sans aucun doute ce contraste qui les rend si fascinants. Le lecteur finit par être habité par des fictions marquantes comme Hugh l’est par son rêve dans Liddell au clair de lune.
De Boule2coco, le 15 Avril 2023 à 08h29
Bonjour MangaNews,
Pouvez vous me donner le titre du manga que vous avez utilisé pour la miniature de ce dossier svp (sur la miniature on voit deux images superposées, celle du bas m'intéresse) ?
merci beaucoup pour votre aide. Bonne journée!!