Le fleuve Shinano - Actualité manga
Dossier manga - Le fleuve Shinano

Le mythe autour du manga


Lorsque débute Le fleuve Shinano en 1973, Kazuo Kamimura a 33 ans, et il est déjà un auteur remarqué et populaire. L’année précédente, l’artiste a commencé deux mangas qui ont fait son succès et qui le définissent aujourd’hui encore. Le premier est Lorsque nous vivions ensemble, qui raconte les chroniques d’un couple vivant dans le même appartement sans être marié. Le second est Lady Snowblood, d’après un scénario de l’immense Kazuo Koike, dans lequel une jeune fille hérite de la quête de vengeance de sa défunte mère durant l’ère Meiji. De l’amour et de l’histoire, c’est ainsi que l’on pouvait résumer la carrière de Kazuo Kamimura avant qu’il ne débute Le fleuve Shinano, une série qui va mélanger les mêmes éléments sans connaître le succès de ses prédécesseurs.

De son côté, Hideo Okazaki rencontre Kazuo Kamimura à la fin des années 60 alors qu’il travaille à la rédaction de Young Comic, célèbre magazine des éditions Shonen Gahosha. Alors qu’il est plus jeune de trois années que le dessinateur, il est frappé par la maturité de Kazuo Kamimura lorsqu’il doit travailler avec lui en 1969 sur Amon. En 1971, Hideo Okazaki quitte la rédaction de Young Comic afin de devenir auteur indépendant. Suite à cela, Kazuo Kamimura le contacte pour lui proposer de débuter un manga ensemble qu’ils publieraient dans le magazine Young Comic. C’est ainsi que les deux auteurs entreprennent un voyage dans le nord du Japon, autour du fleuve Shinano, thème central du manga qu’ils ont trouvé en discutant autour d’un verre, afin de se documenter pour donner naissance à une série.

Une histoire originale de Hideo Okazaki, des dessins de Kazuo Kamimura, tout est en place pour que débute Le fleuve Shinano en 1973 dans les pages du magazine Young Comic. Si les deux auteurs ont des personnalités opposées, ils ont une alchimie parfaite dans la création, comme en témoigne Le fleuve Shinano mais aussi leurs futures collaborations dont Les Fleurs du Mal fait partie. Hideo Okazaki connaît très bien Kazuo Kamimura et il souhaite avant tout lui proposer des histoires qui lui plaisent, une attention particulière faisant que le dessinateur se retrouve pleinement dans les récits de son scénariste et qu’il puisse laisser son art s’exprimer librement. Seulement, bien que le manga soit une merveille, tout ne se passe pas comme prévu au niveau de la publication.





Pour qu’une œuvre entre dans la légende, il faut qu’elle soit entourée d’un mythe, et c’est le cas de ce manga. Très rapidement, Le fleuve Shinano est adapté au cinéma par Yoshitarô Nomura. Un film qui fait couler beaucoup d’encre pour les scènes de nu de son actrice principale, Kaoru Yumi, qui avait pourtant affirmé ne plus vouloir apparaître dévêtue après son rôle dans Lorsque nous vivions ensemble, adaptation cinématographique d’un autre manga de Kazuo Kamimura. Mais pas seulement, puisqu’une affaire de plagiat est venue porter préjudice à l’œuvre. Un scandale éclate lorsqu’une écrivaine accuse Hideo Okazaki d’avoir recopié son histoire. Mais le film se basant seulement sur la romance entre Yukie et son professeur et présentant une trame scénaristique différente du manga, le malentendu est dissipé à travers une note publiée dans les colonnes de Young Comic. Mais le mal est fait. On est en novembre 1973, le premier volume du manga contenant ses 13 premiers chapitres paraît moins de deux semaines après la sortie du film, et c’est un échec commercial. L’important tirage, à la hauteur de la popularité de Kazuo Kamimura, ne parvient pas à être écoulé. La publication de la série se poursuit tout de même jusqu’en 1974 dans les pages de Young Comic mais le second tome ne sera jamais publié par Shonen Gahosha. Il a fallu attendre plus de 30 ans pour que Le fleuve Shinano soit publié intégralement en volumes reliés, c’est-à-dire que la fin du manga n’est pas parue du vivant de Kazuo Kamimura, décédé en 1986 des suites d'un cancer du pharynx. Entre avril et juin 2005, K&B Publishers publie une nouvelle édition, pour la première fois en intégralité donc, du manga. Celle-ci compte trois tomes qui paraissent au rythme d’un par mois.





Une légende qui se poursuit en France


Si Le fleuve Shinano a eu un parcours semé d’embûches au Japon, sa publication française n’en est pas moins atypique. Il s’agit du deuxième manga de Kazuo Kamimura à paraître chez nous puisqu’il est sorti à la mi-février 2008, soit deux mois et demi après la publication du premier tome de Lady Snowblood par Kana. Ce sont les éditions Asuka qui publient Le fleuve Shinano en respectant l’édition de K&B Publishers. Elles reprennent les deux premières couvertures japonaises mais pas la troisième. L’illustration représentant Yukie pleurant devant une croix chrétienne est en effet remplacée par un dessin de la même jeune femme dans une position sexuelle.





En juillet 2013, les éditions Kazé, qui ont alors racheté Asuka, annoncent une réédition du manga de Hideo Okazaki et Kazuo Kamimura. Il doit s’agir d’une intégrale en un volume, une couverture est même dévoilée pour l’occasion. Mais elle ne sort jamais. Le manga aurait pu tomber dans l’oubli mais les éditions Kana, qui ont entre-temps publié de nombreux titres de l’auteur, proposent à leur tour une réédition au format intégral. Cette fois-ci, le livre est bel et bien publié. Il sort en août 2018. Si le lettrage est entièrement refait entre les éditions d’Asuka et de Kana, la traduction est la même. Elle est signée Jacques Lalloz. Cependant, les pages couleurs teintées de nuances de rouge sont absentes des versions françaises. C’est d’autant plus dommage qu’entre les deux publications françaises, l’éditeur italien Coconino Press a proposé une version restaurée du manga contenant les pages couleurs.



  
  


SHINANOGAWA © 1973 by HIDEO OKAZAKI, KAZUO KAMIMURA

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