Entre Deux - Actualité manga
Dossier manga - Entre Deux

Apparences


Au-delà de la puberté et des sentiments qui évoluent au fil de celle-ci, en dehors de ces éléments purement sentimentaux ou liés aux changements physiques, l'autrice d'Entre Deux ne manque pas, en effet, de souligner également une chose supplémentaire, prenant encore plus d'importance dans le deuxième volume : à quel point l'environnement et l'entourage peuvent avoir un impact sur la vie des gens et plus particulièrement sur celle des jeunes à une époque où ils doivent se forger.

Dès le premier volume, on pense bien sûr à la place et à l'impact du regard des autres, ne serait-ce qu'à travers la manière dont Arikawa, à l'époque de l'école primaire, traite Nozomi, l'insulte de «tafiole» à cause de ses cheveux longs, l'écarte ou au contraire en fait en quelque sorte un objet de foire... On a tous connu des gamins comme ça, qui, du haut de leurs quelques années de vie, marginalisent en quelque sorte celles et ceux qui leur apparaissent différent(e)s, en particulier dans leur allure.

Mais il y a peut-être surtout un autre point important lié aux apparences, à savoir les problématiques d'ordre familial, que l'on entrevoit déjà bien dans le tome 1 à travers la raison poussant Sakura à vouloir paraître masculine, et qui prend encore plus d'importance d'ampleur, de constance dans le volume 2, dès lors que l'on découvre mieux les raisons du look féminin de Nozomi quand il était enfant puis de pourquoi il apparaît souvent si distant y compris avec ses différentes copines au fil des années. Il existe effectivement rapport complexe du jeune garçon à sa mère, femme ultra possessive, aimante mais étouffante au point de devenir toxique et d'aliéner son propre enfant, ce garçon à la place duquel elle aurait aimé avoir une fille.





On en arrive alors bel et bien à ce point qui prend vraiment une place de plus en plus grande au fil des derniers chapitres: la manière dont l'entourage et les aléas de la vie peuvent conditionner les comportements, surtout à des époques aussi formatrices que sont l'enfance, l'adolescence, la puberté. Dans le premier volume de la série, Sakura tâchait de paraître comme un garçon quand elle était en école primaire, afin de "remplacer" auprès de sa mère son grand frère accidentellement disparu, sans que celle-ci lui ait forcément demandé quoi que ce soit. Saku souhaitait tout simplement apparaître forte pour soutenir ses proches. Nozomi, lui, est un cas encore différent, en ceci qu'il a toujours été conditionné par le côté possessif de sa mère (qui va jusqu'à le surnommer Mimi alors qu'il est au lycée): ressemblant à une fille en primaire pour la satisfaire, ne sortant jamais sérieusement avec des filles puisque sa maman brise toujours tout... L'aspect potentiellement toxique (involontaire du côté de Sakura, volontaire du côté de Nozomi) de l'influence familiale et surtout parentale sur les enfants et sur leur construction reste un sujet forcément complexe et qui n'a sans doute pas fini de travailler certains artistes, un mangaka comme Shûzô Oshimi en ayant même fait l'une de ses spécialités, plus encore dans son manga Les Liens du Sang, en corus d eparution en France aux éditions Ki-oon.

Il ressort de tout ceci des choses très intéressantes, KUJIRA parvenant à brasser un certain nombre de facteurs externes en plus des facteurs internes, qui rendent son récit d'autant plus profond, complexe et subtil.


Des leçons de vie humaines et fortes, mais parfois un peu rapides ?


De manière générale, la narration, plus classique dans le tome 2 mais toujours aussi sobre et fluide, permet d'accompagner efficacement ces grands thèmes autour de la puberté ou des apparences. Mais l'oeuvre est loin de se limiter strictement à cela, la mangaka sachant y distiller également pas mal de petites leçons humaines essentielles sur divers sujets. On pense à la rédemption et au pardon à travers le personnage d'Arikawa, à l'importance de communiquer (que ce soit ses sentiments, ses excuses, son ressenti...), à la difficulté de poser la frontière entre amitié et amour, à la complexité d'être totalement à l'unisson dans le temps avec parfois à la clé des actes manqués comme la déclaration rejetée de Sakura...

Néanmoins, si l'on devait retenir une petite limite à tous ces événements, celle-ci serait sûrement à chercher dans le sentiment que KUJIRA va malheureusement parfois un peu vite, qu'elle n'offre pas toujours suffisamment d'importance à certains élément. Notamment autour d'Arikawa, qui méritait peut-être un petit peu plus de mise en avant vu ce qu'il véhicule d'intéressant.





D'ailleurs, la toute fin reste elle-même un peu rapide. KUJIRA fait effectivement le choix d'aller à l'essentiel, elle pourra paraître un peu expéditive, et on n'aurait clairement pas été contre un ou deux chapitres de plus. Néanmoins, elle apporte quand même une réponse à ce qu'il faut, adopte un angle restant assez mâture, et nous laisse sur une dernière page suffisamment satisfaisante, qui ne conclut pas totalement la part sentimentale mais qui laisse comme satisfaction de facilement pouvoir s'imaginer de quoi sera faite la suite de la vie de Sakura et de Nozomi.

L'impression que c'est parfois un brin rapide reste forcément un peu dommage, mais cela ne gâche pas vraiment tout ce que l'autrice parvient à véhiculer en seulement deux volumes et neuf chapitres.
  
  


© KUJIRA 2017 / KADOKAWA CORPORATION

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