Un sentiment d’inachevé
Précédemment, nous avons parlé de manière généraliste en essayant de ne pas trop divulguer l’intrigue de la série et nous sommes permis, au pire des cas, de ne donner que quelques pistes sur la direction empruntée par l’histoire au fil des opus. Mais notre dernière grande partie concerne la fin du manga elle-même, aussi elle ne s’adresse qu’à ceux qui ont déjà lu l’œuvre ou qui se fichent de tout spoiler. Pour conserver toute la surprise du manga de Kenji Sakaki, passer à la partie suivante est la meilleure chose à faire.
Pour rappel, Enigma est issu de la revue de prépublication japonaise « Shônen Jump », dont la politique de parution des séries est particulière. Chaque semaine, le lecteur est amené à voter pour ses titres préférés ou ceux qu’il souhaite soutenir, et les œuvres en bas de tableau sont vouées à un triste sort. Tout porte à croire que le manga fait partie de ces titres qui n’ont pas pu dévoiler tout ce qu’ils avaient à dire. Le sujet ici n’est évidemment pas de faire la lumière sur le pourquoi de l’annulation, chose dont nous serions parfaitement incapables, mais de traiter les éléments qui auraient pu être développés par le biais de quelques volumes supplémentaires.

Enigma se compose de deux arcs narratifs dont le découpage en lui-même est déjà un très bon indice à propos de la fin de la série. La première partie du manga se compose des cinq premiers volumes, et la seconde des deux derniers. Quoiqu’à ce sujet, nous pouvons émettre une nuance : le septième opus ne présente pas un tome complet et ne contient que cinq chapitres ponctués d’un très court épilogue et d’un one-shot de l’auteure sans aucun lien avec Enigma. Si encore le second arc avait été prévu sur une courte durée, il n’y aurait pas de question à se poser. Mais au fil de notre lecture, la cadence du récit nous met la puce à l’oreille. En effet, dans ce second acte, il est question d’un retour aux origines d’Enigma à travers un voyage vers ce que nous appellerons « l’île de la malédiction » pour plus de précision. Ainsi, Sumio Haiba affronte de nouveaux adversaires à travers un périple en dans un métro lugubre, et son plus grand ennemi est l’un des individus responsables de la situation actuelle. Sur à peine un volume et demi, cette partie propose une introduction, le voyage ponctué de différents affrontements ainsi que le grand combat final, impliquant résolution de l’enquête et saupoudrée de nombre de retournements de situation. L’auteure répond ainsi à des mystères posés dès le premier volume et il semble évident que les réponses proposées sont celles prévues depuis le début. Seulement, elles sont sans doute amenées de manière abrupte et la mangaka a dû recevoir ses différents évènements ainsi que la mise en scène de ces instants-vérité. Le retour du père de Sumio constitue une preuve tant celui-ci revient comme un cheveu sur la soupe, ce qui discrédite le récit et son effet de surprise. Il ne fait aucun doute que si l’auteure en avait eu les moyens, davantage de développements auraient eu lieu, jusqu’à retrouver une intensité similaire à celle des premiers volumes. Après de si bons volumes, on regrette qu’Enigma n’ait finalement pas été ce qu’il aurait dû être.
Et si le titre a aurait dû compter trois arcs scénaristiques, et non deux ? C’est la grande énigme du tout dernier chapitre qui revêt un attrait bien étrange. Cette hypothèse part du principe que le second arc se serait clôt sur la disparition de Sumio, et la troisième partie aurait été celle qui aurait mis en avant ses différents compagnons jusqu’au retour tant attendu du héros, suivi de la fin de la série. Ce grand chapitre met en place les sept mystères du lycée Yûyami, une perspective intéressante, mais qui, en seulement quelques pages, sort du néant et ne développe rien. En lisant et en relisant ce seul chapitre, nous sentons que les idées fusaient dans la tête de Kenji Sakaki et que toutes ensemble pouvaient constituer un cycle de l’histoire à elles seules. Face à l’obligation d’arrêt de la série, on suppose que la seule alternative fût de garder les éléments pour construire une conclusion et quitte à choisir entre une fin ouverte sur le retour de Sumio et le choix présent de la mangaka, il est évident que l’auteure a pris la meilleure décision. Ainsi, nous avons dans ce second arc l’expression des ambitions de la mangaka, dans ses grandes lignes uniquement.

L’arrêt net d’Enigma n’est pas un mystère en soi, et de nombreux éléments des derniers volumes laissent croire que le second arc narratif devait être plus long, et qu’un troisième aurait pu exister. Cela n’enlève rien au fait que la série était faite pour ne pas dépasser la quinzaine de volumes, car les derniers tomes montrent un grand condensé des pistes que l’auteure avait en tête depuis le début. Gageons aussi qu’une astuce est utilisée dans le sixième tome pour apporter des réponses au mystère Enigma : un chapitre bonus qui essaie de revenir aux origines du drame.
© 2009 by Kenji Sakaki / SHUEISHA Inc.
De Xsico, le 27 Janvier 2015 à 22h46
Manga avec du mystère, une ambiance réussie et de bonnes idées. Il y avait vraiment du potentiel, mais le succès ne fut malheureusement pas au rendez-vous, puis l'arrêt suivit...
Encore un bon dossier, en tout cas.