Enigma - Actualité manga
Dossier manga - Enigma

La relève du shônen noir ?



Un nouveau Death Note ?


Non, ne partez pas ! Il convient qu’assimiler Death Note, manga réputé qui a séduit des milliers de fans pour sa noirceur, son scénario et ses personnages, est une chose qui peut faire grincer des dents, voire faire cliquer sur la petite croix rouge en haut à droite de votre écran. Qu’à cela ne tienne, il ne s’agit pas ici de comparer bêtement et simplement l’œuvre de Takeshi Obata et Tsugumi Ohba à celle de Kenji Sakaki, mais bien d’exposer les faits du « pourquoi on pourrait penser qu’Enigma est une tentative de recréer un succès comme Death Note l’a connu ».

Nous l’avons évoqué précédemment, Enigma semblait avoir un scénario prévu à l’avance et la série ne pouvait tenir sur plusieurs dizaines de volumes. Bien qu’il semble que la mangaka n’ait eu le temps pour développer correctement tous les éléments de son intrigue, son premier arc est complet et s’arrête au cinquième tome. Un récit scénarisé limité dans le temps, en voilà une recette étonnante pour le magazine de prépublication de la Shueisha qui aime créer des mangas-fleuves qui se développent sur le plus de volumes que possible. Enigma semblait, dès le départ, faire partie de ceux qui seraient présents dans la revue de manière très éphémère afin de nous permettre de nous délecter d’une intrigue allant au vif du sujet, de quoi renouveler la lecture des jeunes Japonais entre le chapitre de Naruto et celui de One Piece.
  
  
  
  
  
Death Note suivait la même recette, la rivalité entre Light et L n’ayant pas été faite pour excéder la quinzaine de tomes. Et s’il y a bien un second point qui relie les deux œuvres, c’est leur atmosphère très sombre. Death Note met en évidence la mort à travers un homme prêt à punir les criminels par la peine capitale, ainsi que des divinités se nourrissant elles-mêmes du trépas des hommes, le tout appuyé par des luttes psychologiques où chacun peut y laisser la vie. De l’autre côté, Enigma joue la carte du mystère à travers un lycée désert et en proie à des évènements surnaturels, des étudiants dotés de dons mystérieux et l’entité Enigma, nuls ne sachant (au début, du moins) s’il s’agit d’un être humain ou d’une créature surnaturelle. Les rapprochements ne s’arrêtent pas là puisque si Light Yagami peut écrire le nom de ses potentielles victimes dans un cahier, le Death Note, Sumio Haiba peut, lui, s’endormir quelques instants pour écrire une prédiction dans son propre ouvrage, le Dream Diary. Force est de constater qu’il est toujours question de livre.

On peut alors penser que le Shônen Jump cherchait une sorte de successeur, ou du moins une œuvre qui rappellerait l’œuvre d’Obata et Ohba. Seulement, n’associons pas Enigma à un Death Note factice. Les précédentes lignes ont prouvé que le manga de Kenji Sakaki est très différent et ne cherche jamais à s’inspirer d’autrui, ce qui se remarque notamment par un traitement différent des approches des deux séries par le biais des protagonistes. Toutefois, permettez-moi de vous mettre en garde sur le contenu des prochaines lignes sujettes au spoil. Si vous souhaitez éviter quelques éclaircissements du scénario d’Enigma, sautez directement à la prochaine sous-partie.

On s’en rappelle, Death Note est un manga où le désespoir règne, notamment par le biais de la montée en puissance et en machiavélisme du terrible Light. Mais Enigma n’a pas du tout cette vision du manga obscure qui, pour apporter une édulcoration idéale au jeune lectorat du Jump, tranche son atmosphère noire par un héros qui est la personnification de l’espoir. Sumio Haiba est ainsi insouciant, fait confiance à n’importe quoi et se permet de séduire chaque fille qu’il croise. Comble de la démarche, tous ces points, y compris le dernier aussi absurde soit-il, sont justifiés par les dernières révélations de l’intrigue faisant de ce héros l’un des personnages les plus purs du Jump, de manière assumée et justifiée. Dans les faits, l’équipe éditoriale du magazine cherchait peut-être son nouveau « dark shônen » à succès, mais la comparaison s’arrête là. Après l’essai Death Note, force est de constater que sur un shônen de « baston marginale » comme diraient Obata et Ohba dans Bakuman, de nouvelles tentatives justement plus shônen devaient être tentés.
  
  
  
  
  

Des inspirations réduites pour une œuvre nouvelle


Enigma tente une direction plus marginale qu’un shônen classique de baston. Pourtant, à l’annonce de la série et étant donné la condition d’ancienne assistance de la mangaka d’Akira Amano, « maman » de Reborn !, on aurait pu penser le contraire. Et le compromis fut tout trouvé : associer un manga sombre au scénario compacté sur une durée peu longue à des codes du shônen d’action traditionnel.

Pas de cahier de la mort cette fois puisque d’une manière générale, les personnages sont dotés de pouvoirs qui, nous l’avons dit, sont pour la plupart très étranges et fortement inspirés d’autres titres majeurs de la revue de la Shueisha. On trouve ainsi quelques repères, le lecteur étant habitué à ce type de mécanique, tout en renforçant la dimension surnaturelle de l’œuvre. Car dans ce cadre mystérieux et presque angoissant qu’est celui d’Enigma, avoir affaire à des talents si particuliers soulève l’angoisse que l’on peut ressentir. Le choix de la mangaka par rapport aux pouvoirs n’a donc rien d’anodin, car en plus de ne pas trop dépayser le lecteur, ils ponctuent véritablement l’âme et l’ambiance de l’intrigue.

Nous venons de pointer du doigt le thème de l’horreur, car d’une certaine manière, Enigma peut avoir un attrait effrayant. D’abord, prenez le lycée Yûyami, duquel les héros ne peuvent s’échapper, l’établissement étant désert et surtout hanté par une ombre prête à engloutir n’importe lequel des personnages. Peu rassurant, n’est-ce pas ? Et plus nous approchons de la fin de l’histoire, et plus l’horreur prend une dimension typiquement nippone. Le récit se justifie d’une manière qui ne sera pas sans rappeler aux lecteurs un certain « The Ring » avec nombre de clins d’œil dans les deux derniers opus. La mangaka, pour renforcer son cadre angoissant, puise ainsi dans les mythes, populaires ou non, de son pays pour un rendu vraiment réussi bien que la démarche ait ses limites, notamment par un character design qui manque justement de noirceur.

Pour revenir sur les personnages, nous l’avons dit, eux aussi sont caractérisés par un côté très « déjà vu », les schémas de héros classiques étant respectés à la lettre. On pense bien sûr au guilleret Sumio, mais aussi à son amie d’enfance éprise de lui, Shigeru, ou à l’allié intelligent et taciturne, Matsurigi. Une fois encore, tout en partant vers quelque chose de plus sombre dans l’ambiance, l’auteure ne surprendra pas toujours ses lecteurs, mais, d’un côté, justifie complètement sa catégorisation dans le shônen. Et c’est peut-être là le meilleur compromis possible pour créer un thriller surnaturel adapté à un lectorat plus jeune.
  
  
  

© 2009 by Kenji Sakaki / SHUEISHA Inc.

Commentaires

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Xsico

De Xsico, le 27 Janvier 2015 à 22h46

Manga avec du mystère, une ambiance réussie et de bonnes idées. Il y avait vraiment du potentiel, mais le succès ne fut malheureusement pas au rendez-vous, puis l'arrêt suivit...

Encore un bon dossier, en tout cas.

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