Butterfly Beast - Actualité manga
Dossier manga - Butterfly Beast

Une quête vengeresse sans temps mort


A côté des intentions du récit, il y a sa capacité à nous porter de bout en bout, si bien qu'une lecture continue des deux volumes n'a rien de déconnant. Véritable tragédie, l'histoire d'Ochô donne l'envie d'être lue d'une traite. En ce sens, les quelques mois d'attente entre la parution française de ces deux volumes et celle des débuts de Butterfly Beast II constituera un moment pénible, d'autant plus que « l'épilogue » de cette première partie nous laisse clairement sur quelque chose d'inachevé, même si Yuka Nagate a pris soin de termine son deuxième volume sur une conclusion d'arc.


Cette première saison (si on peut l'appeler ainsi) se construit autour de trois histoires. La première, la plus courte, sonne comme une mise en bouche, quand la seconde développe de manière plus frontale les richesses de la série évoquées dans la partie précédente, point encore sublimé par le troisième récit qui concerne l'entièreté du second opus (en dehors de son épilogue). En trois temps, Yuka Nagate développe plusieurs missions confiées à Ochô, trois proies à traquer et qui amèneront leurs lots de péripéties, puis de drames. L'ambiance, émotionnellement chargée, est une qualité supplémentaire pour garantir un divertissement solide, en plus d'un rythme soutenu puisque les arcs s'enchainent, l'autrice prouvant une maitrise de la cadence de ses récits. A ceci, il faut aussi ajouter la portée historique de Butterfly Beast. Si la mangaka ne cherche pas à établir une œuvre documentaire sur l'un des aspects du Japon des années 1630, sa volonté de créer une crédibilité d'époque ne fait nuls doutes. Seul un lecteur acclimaté à cette période de l'Histoire nippone pourra juger de l'authenticité exacte de ce pan du récit, mais le novice appréciera l'ambiance d'époque représentée. Une atmosphère qui, en soi, n'a rien de très plaisant puisque Butterfly Beast met bien souvent l'accent sur les aspects critiquables du quartier de Yoshiwara, d'une forme de patriarcat gérant de manière ferme ses maisons closes au sort purement réservé aux parias auxquels aucune chance de rédemption n'est laissée. Tout ces éléments sont autant de facettes du récit de Yuka Nagate dont la richesse n'est pas seulement la densité de son héroïne, mais aussi celle de l’œuvre en elle-même. Combinés, ces éléments mènent à un manga au synopsis certes simple, mais véhiculant bien des nuances, une ambiance chargée, des personnages aussi humains que dramatiques (même parfois quand ils sont dans le mauvais camp), le tout servi par l'esthétique et le coup de crayon de l'autrice, objet de notre partie suivante.


L'esthétique élégamment sombre de Butterfly Beast


A l'instar de son héroïne, Ochô, Butterfly Beast est une œuvre saisissante pour la force graphique qu'y instante Yuka Nagate, son autrice. Son trait est élégant mais surtout précis, croquant ses personnages et certains environnements avec détails. C'est ce qui rend en partie crédible la portée historique relatée dans la partie précédente : L'artiste dépeint avec aisance le quartier de Yoshiwara et ses architectures d'époque, ainsi que la maison où travaille Kochô la journée. Pour comprendre cette aisance, peut-être devons nous revenir à Tenka Fubu Nobugana, première série de la mangaka qui exprimait déjà son amour pour le Japon historique. Une œuvre qui, malheureusement, n'a jamais été proposée chez nous, chose dont on désespère pas totalement puisque l'autrice semble se faire un nom chez nous, d'autant plus que Mangetsu développe peu à peu une véritable politique d'auteurs.


Mais la caractéristique centrale de l'aspect visuel de Butterfly Beast, c'est sans doute cette alchimie mêlant la finesse du dessin à une expressivité permanente. C'est par ce biais que les drames montrent leur force, et les personnages leurs dilemmes personnels. A ceci, il faut ajouter la mesure que sait prendre Yuka Nagate des différents aspects de son œuvre, aussi le manga n'est pas aussi sanglant ou racoleur que le synopsis peut laisser entendre. Ainsi, la localisation du récit dans le quartier des plaisirs de Yoshiwara crée un rapport au sexe évident, mais celui-ci n'est qu'un outil pour mener aux autres aspects de l'histoire. Les scènes de rapports charnels ne sont ni montrées dans le détail, ni dessinées avec la volonté d'émoustiller. Celle-ci sont graves ou intenses et dirigent systématiquement l'intrigue en cours vers un autre élément fort. A côté, le sanglant n'est pas non plus systématique. Si le premier tome s'ouvre avec un égorgement de l'une des « proies » d'Ochô, les scènes d'action s'appuient avant tout sur la narratif et le découpage bien dosé de Yuka Nagate et sur la portée dramatique des climax pour montrer toutes leurs saveurs. Quelques giclées de sang ont bien lieu, mais ce n'est pas ce qui intéresse avant tout l'autrice dans son œuvre. La violence de Butterfly Beast n'est pas visuelle mais réside dans ses dimensions morales et ses atmosphères. Sur le plan graphique, c'est davantage la noirceur de cette histoire couplé à la finesse d'un trait qui rend ses personnages séduisants, que nous apprécierons. On pourrait d'ailleurs faire un rapprochement entre la beauté des personnages féminins et le passage de Yuka Nagate sur na licence Hokuto no Ken, via le spin-off La Légende de Toki. L'artiste a-t-elle été inspirée par Tetsuo Hara, maître dans l'art de présenter des jeunes femmes belles et fortes aux longues chevelures sombres ? La réflexion est permise.
  
  

© 2012 NAGATE YUKA by LEED PUBLISHING Co., Ltd.

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