Avec Toi - Actualité manga
Dossier manga - Avec Toi

Un manga de chats pas comme les autres...


Dire que le manga félin est l'un des meilleurs coups éditoriaux opportunistes ne serait pas forcément exagéré. En effet, depuis la parution de Chi : Une vie de chat de Konami Kanata, une grande partie des éditeurs français s'en est donnée à cœur joie pour proposer son titre autour de nos amis félins, si appréciés pour leurs trognes à tomber. Si les vidéos youtube de chats fonctionnent, pourquoi en serait-il différents dans la bande-dessinée, et plus précisément dans le Manga ? Nous pouvons citer le sympathique (mais un peu trop long) Plum : Un amour de chat chez Soleil, Yanaka : Histoires de chats chez Komikku, Sa majesté le chat chez Doki-Doki, Le vieil homme et son chat chez Casterman... Les félins sont attendrissants, et contribuent ainsi au marché français du manga. Quelques titres ont pourtant cherché à tirer leur épingle du jeu, on pensera notamment à Street Fighting Cat et au futur Nyankees, deux titres de l'écurie Doki-Doki qui tente d'apporter de la fraîcheur du côté des titres de minous proposés.

Alors, l'annonce d'Avec Toi chez Akata paraissait étonnante. L'éditeur n'est jamais tombé dans la facilité, proposant des titres soit originaux, soit forts dans leurs thématiques, soit marquants dans leurs ambiances, toujours dans l'optique qu'un titre ait une plus-value, un petit quelque chose d'inédit sur le marché français. Si la formule d'un one-shot félin pouvait donc surprendre, un petit regard attentif à la couverture donnait déjà un indice sur la démarche d'Akata : Shiro, le chat de l'histoire présent sur la couverture, tire la gueule et n'a pas forcément de quoi susciter nos gémissements d'émoi.

Et si on se concentre uniquement sur le côté félin du manga, c'est la démarche de Keiko Nishi. Shiro est très présent dans le récit, constitue presque une métaphore de plusieurs éléments de l'histoire, mais n'est pas là pour attendrir le lectorat. Recueilli chaton, nous le suivons jusque dans ses années de vieillesse. Pourtant, Keiko Nishi ne s'attarde pas sur d'éventuelles bouilles mignonnes du félin, bien au contraire. Shiro est un chat caractériel, parfois ingrat, qui affiche en permanence une mine hargneuse que l'autrice représente par les yeux blancs du minet, presque démoniaques. Et, surtout, Shiro griffe, et il griffe beaucoup. Wataru a beau essayer de le prendre dans ses bras, le chat ne se laisse que rarement faire, préférant se dégager de l'étreinte de son « grand frère » à grands coups de griffes. C'est particulièrement drôle, surtout pour quiconque a ou a eu un félin chez lui, Shiro apparaissant toujours comme un matou pas spécialement supportable, mais attachant à sa manière. On notera que la mangaka parle de son propre animal en préface, et décrit un chat peu affectueux, bien qu'il se mettait (à l'époque, puisque le manga a été publié au Japon en 2015) entre ses jambes pour dormir. L'influence de son propre chat sur Keiko Nishi est assez évidente, et rend le témoignage d'autant plus amusant.


Mais si on parlait du fait que Shiro ne se laisse jamais prendre dans les bras, ce n'est pas tout à fait vrai. Du moins, pas à chaque fois. Il arrive que le félin se laisse prendre, ce qui sert quelques points de l'histoire et des thématiques abordées. Avant de les décrypter, il faut comprendre le rôle qu'a Shiro dans le récit. Il sert avant tout de fil conducteur dans l'existence de la famille formée avec Wataru, Mami, Takeshi et Eriko, l'existence du chat rythmant les péripéties familiales du one-shot. Shiro n'est pas un élément central de l'intrigue à proprement parler. Il est là pour marquer les rapports entre les membres du foyer et l'animal, mais n'amène jamais les différents événements de l'intrigue. Il fait souvent office de figuration, ce qui correspond à la place véritable du chat dans une famille. Ce n'est pas lui qui dicte notre quotidien, mais sa présence fait office de réconfort. Subtilement, Keiko Nishi aborde la place du matou dans une famille de manière douce et forte. Quand un événement dramatique survient, alors Shiro est présent, confirmant son attachement aux siens malgré son caractère renfrogné. En terme de récit, il symbolise toute l'évolution de la famille principale de l'histoire : son arrivée, alors que Wataru et Mami sont jeunes, marque le début des événements que vivra le foyer, et son déclin progressif, à cause de la vieillesse, sera une autre manière de marquer le rassemblement de la petite famille.

Shiro est donc un marqueur scénaristique, d'une part, mais aussi une manière pour l'autrice de traiter la place du chat dans une famille. Elle ne présente pas Shiro pour nous attendrir, mais pour faire écho à sa propre vie, et sans doute à la vie de bon nombre foyers qui ont accueillis un compagnon à moustaches en leur sein. On reconnaitra, parfois, quelques situations, certaines étant propices à mettre la larme à l’œil puisqu'elles amènent de vrais questionnements, complexes, sur nos camarades ronronnants. A l'instar du récit qui multiplie les sujets et les thématiques, le rôle de Shiro dans Avec Toi est particulièrement dense. Le matou est ainsi traité d'une manière réfléchie dans le manga, ce qui amène une certaine fraîcheur.




SHIRO GA ITE © 2014 Keiko NISHI / SHOGAKUKAN

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