Tue-moi plutôt sous un cerisier - Actualité manga
Dossier manga - Tue-moi plutôt sous un cerisier

Le harcèlement scolaire vu par Hina Sakurada


Outre le mal que ressent l'héroïne, l'effet principal de la mort de sa meilleure amie est le harcèlement dont elle devient sujet. Forcément, étant donné les messages d'adieu de Saho, Yukino est considérée comme fautive, contrainte de faire profil bas dans une jungle d'élèves qui lui font bien comprendre que c'est elle qui mériterait de reposer dans un cercueil. Ce n'est pas totalement le soutien de Tatewaki qui changera la donne, malgré un peu de positif amené par la protection sincère du jeune homme.

Le harcèlement scolaire est un sujet que l'on voit énormément dans le manga et l'animation, à juste titre puisque c'est un fléau grave frappant aussi bien le Japon que l'hexagone. Mais au pays du Soleil Levant, la chose (aussi appelée ijime) a une connotation différente de par la « loi du silence » souvent dépeinte dans les titres qui parlent de harcèlement. C'est pour cette raison que des titres comme A Silent Voice, traitant énormément des remords du bourreau après sa prise de conscience, se sont distingués. On pourrait aussi citer le célèbre Life de Keiko Suenobu, qui parle du sujet sans aucun détour, quitte à aller parfois dans la surenchère. Avec Tue-moi plutôt sous un cerisier, Hina Sakurada s'attaque aussi au sujet et ne prend pas vraiment de pincettes. Yukino devient l'ennemie publique de son établissement, subit les regards noirs et les sous-entendus malsains de son entourage, une situation qu'on peut difficilement lui envier. Une amélioration survient toutefois à un certain moment du tome, une séquence qui représentera d'ailleurs l'unique lueur d'espoir véhiculée par le one-shot. Évidemment, le message derrière ce développement ne diffère pas des autres : la mangaka condamne le harcèlement en montrant sa gravité, plaçant les harceleurs sous une optique particulièrement malsaine. Et forcément, étant donné la courte durée du récit, il est difficile pour Hina Sakurada se s'étendre indéfiniment sur le sujet, d'autant plus que celui-ci a pour principal objectif d'envenimer un peu la situation de Yukino, Tue-moi plutôt sous un cerisier étant une histoire cruelle qui cherche à faire connaître bien des malheurs à sa protagoniste.



Les tabous de la société


Il faut prendre le temps de s'arrêter durant la lecture pour comprendre ce que Hina Sakurada essaie de pointer du doigt par rapport à notre société. L'autrice montre dans son récit quelques aspects peu ragoutants du monde qui nous entoure, à commencer par le harcèlement dont souffre Yukino tout le long du récit. Mais l'artiste ne se limite pas à ça et pointe du doigt d'autres thématiques sociétales, par exemple le drame familial qu'a vécu Tatewaki. Si le sujet de la famille recomposée n'a plus rien de rare, la mangaka choisit ici de l'aborder de manière cruelle, sous l'angle de la trahison et de manière à créer un background assez sombre chez le personnage. Une autre idée particulièrement intéressante entoure le personnage de Sasagawa, et la relation que la demoiselle entretient avec Saho avant sa rencontre avec Yukino. Plus qu'une belle amitié, c'est un véritable amour que décrit la mangaka. Les sous-entendus entre les deux camarades ne manquent pas entre les mains qui se tiennent et les compliments passionnés qui fusent. Mais voilà, un bémol semble vite montré : chacune devra un jour avoir un copain, comme si l'idée d'une relation amoureuse entre-elles étant proscrite. Mais Hina Sakurada n'en dit pas tellement plus à ce sujet, elle préfère montrer les doutes des deux personnages et la souffrance que rencontre Sasagawa, laissant alors le lecteur se faire sa propre interprétation de la situation. Il s'en dégage rapidement l'amour réciproque entre les deux personnages, mais un amour qui ne pourra pas être concrétisé, peut-être à cause de mœurs sociales qui veulent que chacun ait un petit-ami du sexe opposé. Si tout ceci n'est qu'une question d'interprétation, le traitement dont bénéficie Sasagawa est particulièrement dur puisque la demoiselle étant montré jusque-là comme une sorte d'antagoniste désirant de manière exagérée le mal de l'héroïne.

Oui, le tout est assez succin, mais il est curieux d'observer la manière dont la mangaka effleure certains aspects de notre société moderne pour créer en permanence quelque chose de négatif. Il est difficile de considérer ceci comme une critique sociétale, l'autrice cherchant plutôt à créer quelque chose de complexe chez ses personnages et faire réagir ses lecteurs. C'est plutôt réussi tant on voit progressivement les personnages comme des humains victimes de leurs maux que comme des monstres nés tels quels. Un développement d'autant plus percutant qu'il survient en toute fin de one-shot... peut-être même un peu tard aux yeux de certains.



Des pistes pas assez exploitées ?


Le principal problème que rencontre l'intrigue est peut-être son développement tardif des deux personnages que sont Tatewaki et Sasagawa. Il faudra attendre la toute fin de l'ouvrage pour connaître la psychologie exacte du jeune homme (ainsi que son implication dans le suicide de sa petite-amie) tandis que Yûko Sasagawa est décortiquées via un chapitre bonus, néanmoins particulièrement intéressant. Le bémol que peut poser cette façon de faire est le manque d'aboutissement de ses développements. Ce sont eux qui concluent la série, aussi cela empêche au lecteur d'avoir un regard vif à ce sujet. Que penser finalement de Tatewaki au vu de ses agissements ? Peut-on finalement comprendre le personnage ? Le constat de Sasagawa est similaire étant donné la gravité des actes des deux personnages.
Aussi, cela remet en question le déroulement de l'intrigue. Tue-moi plutôt sous un cerisier a-t-il eu la durée prévue au départ ? Le fait que la harceleuse de notre héroïne doivent attendre un chapitre bonus pour être développée nous fait légitimement nous poser la question, bien que l'éditeur ait confirmé la volonté de la mangaka de conclure par une fin choquante et sèche. Néanmoins, le one-shot de Hina Sakurada, bien qu'il se destinait visiblement à un format très court, nous interroge quant à sa conclusion précipitée. Peut-être que la mangaka voulait mettre en scène les différents éléments de son récit d'un autre manière mais qu'une fin plus précipitée l'ait forcée à faire les choses différemment. Néanmoins, elle aura pu apporter quelques développements à ses personnages sur un court laps de temps, ce qui ne nous empêche donc pas d'apprécier l’œuvre pour les richesses qu'elle propose.

Tout en sachant que cette analyse n'est qu'un point de vue parmi tant d'autres, et qu'on pourrait voir des forces à la manière dont l'autrice achève son récit. Le ton très abrupte de la fin apporte un sacré coup à l'ambiance globale du titre. Tue-moi plutôt sous un cerisier a été prépublié dans le magazine Cheese !, une revue destinée plutôt à de jeunes lectrices, aussi il est assez audacieux de proposer une conclusion aussi tragique et complètement pessimiste. Car peu de messages positifs ressortent de notre lecture, et la manière qu'a la mangaka de conclure l’œuvre joue beaucoup dans cette ambiance oppressante tant elle donne l'impression que, d'un bout à l'autre, l'histoire dont est témoin l'héroïne Yukino ne pouvait se conclure de manière positive. C'est une sorte d'effet de surprise qui peut réussir sur certains lecteurs, notamment au regard des quelques thèmes que Hina Sakurada a abordé furtivement durant son histoire. Le harcèlement, la folie d'un amour perdu, les tourments de l'adolescence... Des thèmes graves ou qui peuvent s'avérer dramatique, et la vision de la mangaka a leur sujet ne semble pas très optimiste, plutôt courageux étant donné la cible de la série, peut-être plus habituée à des séries idéalisant ces sujets.
  
  

KOROSARERUNARA, ISSO SAKURA NO KI NO SHITADE © 2011 Hina SAKURADA / SHOGAKUKAN

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