Tue-moi plutôt sous un cerisier - Actualité manga
Dossier manga - Tue-moi plutôt sous un cerisier

Une romance sombre


Il n'est pas dans les habitudes des éditions Akata d'éditer du shôjo « classique », celui qu'on a tendance à généraliser et à classer dans la catégorie des romances fleur-bleue d'adolescentes. Ce genre de titres, on les connait bien en France, mais Akata a toujours tenu à prouver que le shôjo proposait des registres variés et des récits parfois plus graves et complexes qu'il n'y paraît au premier abord.
Tue-moi plutôt sous un cerisier est un titre qui correspond assez bien aux objectifs de la maison d'édition située dans le limousin. Un cadre lycéen, oui. Des sentiments, oui. Mais une ambiance assez malsaine, à base d'un triangle amoureux plutôt glauque, apporte une dimension que nous n'avons pas forcément l'habitude de voir dans les mangas de romance.

Les premières pages annoncent la couleur : Saho, meilleure amie de l'héroïne, est retrouvée morte. Cette dernière a envoyé un message plutôt effrayant à son amie avant de mourir, « Fuis », tandis que le petit-ami de la défunte avoue à Yukino, la protagoniste, qu'il est en réalité amoureux d'elle. Rapidement, le triangle amoureux est planté, mais il est difficile de l'appréhender avec la légèreté qui nous habite lorsqu'on lit une comédie sentimentale plus conventionnelle. Saho est morte, ce qui n'empêche pas son petit-ami de la trahir, sous l'incompréhension totale de la pauvre Yukino qui se montrera dépassée par les événements. Dès lors, la mangaka Hina Sakurada continue de décortiquer cette ambiance noire tout le long de son one-shot : l'héroïne fera les frais de harcèlement scolaire maintenant qu'elle est considérée comme responsable du suicide de sa meilleure-amie, tandis que les personnages majeurs développeront leur propre ligne scénaristique, soit malsaine soit particulièrement tragique. Il est très souvent, pour ne pas dire tout le temps, question d'amour dans les rapports entre personnage, ou du moins dans leurs motifs. Mais cette fois, l'amour est représenté comme la cause de grandes tragédies, voire les raisons de passages à l'acte tous plus affreux les uns que les autres. Le shôjo romantique tel qu'on peut le concevoir inconsciemment est donc pris à contrepied tout le long de l'ouvrage, une façon de faire assez marquante qui apporte une aura efficace tout le long du one-shot.



Amours purs, et ambiance inquiétante


L'amour est l'un des thèmes centraux de Tue-moi plutôt sous un cerisier, mais ce qui est sensé être l'un des plus beaux sentiments existants devient la cause d'événements tous plus sinistres les uns que les autres. C'est justement avec ce paradoxe que joue la mangaka Hina Sakurada le temps de quatre chapitres, dont un hors-série. Car tout le long du récit, c'est avant tout l'amour très fort des quatre personnages principaux que le récit cherche à développer. Yukino était très proche de Saho, sa meilleure amie, qui elle était folle de Tatewaki. Mais ce dernier n'avait finalement que faire de sa petite-amie, ses sentiments allant justement pour l'héroïne. Le cas de Sasagawa a quelque chose de similaire mais le personnage faisant l'objet du chapitre hors-série, nous éviteront de trop en dire à son sujet tant elle constitue une bonne surprise de fin de tome et un personnage volontairement ambigu, oscillant entre la très mauvaise âme et l'adolescente prisonnière de ses sentiments, voire de la société d'une manière sous-entendue.

Tous ces beaux sentiments contrastent avec l'angle sous lequel le récit nous est montré. Tue-moi plutôt sous un cerisier dégage quelque chose d'inquiétant, de très inquiétant même, et ce du début à la fin du one-shot. Bien que les personnages ne soient finalement que des adolescents, il est très difficile de les voir seulement comme tel au vu de leurs agissements. Tatewaki remporte la palme, le jeune homme étant parfois montré comme un beau lycéen assez banal, puis comme un être pourvu d'une certaine folie amoureuse et qui serait prêt à tout pour le bonheur de celle qu'il aime réellement. Une description assez classique mais que la mise en scène et le dessin de Hina Sakurada va appuyer à de multiples reprises. Tatewaki en devient particulièrement effrayant, si bien que voir l'héroïne en sa compagnie procure régulièrement un certain malaise. D'autant plus que, dès le départ, il est difficile de ne pas imaginer le personnage comme lié directement au suicide de Saho, de graves soupçons qui nous font directement douter du personnage, renforçant ainsi l'atmosphère d'effroi autour de l'adolescent.

Et si, justement, cette force de l'amour jouaient sur l'atmosphère angoissante du récit ? La mangaka semble vouloir montrer des personnages prêts à tout pour leurs amours. Ils regrettent parfois leurs actes, et d'autres fois non, mais cette folie du sentiment donne quelque chose de très effrayant puisque l'autrice ne fait qu'appuyer un sentiment très humain que la plupart des individus est amenée à connaître un jour. Et c'est peut-être ce qui est le plus effrayant dans le récit, outre la manière qu'a la mangaka de raconter les événements : ces personnages côtoient une certaine folie à cause d'un sentiment commun, faisant d'eux des monstres pas si éloignés de nous , finalement.



Maux d'adolescent


Finalement, Tue-moi plutôt sous un cerisier symbolise un regard sur l'adolescent particulièrement sinistre. Si on résume l’œuvre, Hina Sakurada relève toutes les difficultés de cette épreuve cruciale de la vie d'un individu, mais en les plaçant sous une optique particulièrement grave. L'amour passionné peut amener à faire des folies, quitte à briser la vie d'autrui, une amitié peut se fissurer à cause de la jalousie et provoquer le cauchemar des autres, tandis que le mal-être qu'on ressent au-regard de ces déboires peut faire commettre l'irréparable aux plus sensibles.

Alors, que cherche à nous dire la mangaka ? Cherche-t-elle juste à dresser le portrait d'une adolescence sinistre, peut-être le reflet d'expériences qu'elle a vécu ou vu de loin ? Difficile à dire, mais ce que le lecteur retient est une vision sombre qui a pour mérite narratif d'instaurer une ambiance pesante, si bien qu'on a souvent l'impression de ne pas avoir affaire à de simples lycéens mais à des adultes accomplis conscients de la cruauté de leurs actes. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que le style graphique de l'autrice, si important dans le ton de l’œuvre, se révèle captivant. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir plus tard.
  
  

KOROSARERUNARA, ISSO SAKURA NO KI NO SHITADE © 2011 Hina SAKURADA / SHOGAKUKAN

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