Sortie de route - Actualité manga
Dossier manga - Sortie de route

Ode à la marginalité


Lorsqu’un gamin doué pour les études, qui a tout de l’enfant modèle et dont le parcours semble tout tracé pour “réussir dans la vie”, va en vacances chez son père, c’est un nouveau monde qui s’ouvre à lui. Chômeur, rêvant d’intégrer une équipe professionnelle de baseball alors qu’il a plus de 30 ans, le garçon découvre que sa figure paternelle n’a rien d’un modèle aux yeux de la société. C’est un marginal, un beau rêveur qui n’a pas grandi et vit au jour le jour. C’est le point de départ du manga de Taiyô Matsumoto intitulé Le rêve de mon père. Si son fils le juge et le méprise au début, sa vision du monde déteindra peu à peu sur lui au fur et à mesure qu’ils apprennent à se connaître. L’enfant modèle s’ouvre ainsi au monde au rythme où il se libère de l’emprise d’une société compétitive encourageant la réussite sociale comme seul modèle. Avec Le rêve de mon père, on se souvient que l’on a encore le droit de rêver même en étant adulte et qu’il ne faut pas laisser la société réprimer notre personnalité.

Les apparences reflètent notre personnalité, et dans un monde ne laissant pas de place à la marginalité ou à la déviance, tout le monde s’habille pareil. Cela est mis en évidence encore plus dans un pays comme le Japon avec les uniformes scolaires mais aussi les costumes des salariés. Dans une société qui cultive la normalité, où l’esprit de groupe doit primer sur l’individu, des jeunes crient au monde leur existence à travers la mode. Si Nana Osaki est une icône du manga, Ai Yazawa va encore plus loin dans Paradise Kiss. Elle y présente une jeune fille normale, qui a la tête à sa propre réussite scolaire, qui est secrètement amoureuse du beau gosse de la classe. Ce quotidien banal vole en éclats le jour où elle découvre l’atelier de George et ses compagnons, tous au look affirmé et exubérant. Cette rencontre avec le styliste met à mal toutes les certitudes de la jeune fille sur la vie et donc sur son avenir. Cet atelier, c’est son rabbit hole à elle, où elle découvre un monde inconnu dans lequel elle s’engouffre. Avec méfiance au début, puis en se laissant peu à peu aspirer jusqu’à renier sa vie d’avant.

https://www.manga-news.com/public/2022/news_12/dossier-sortie-de-route/Dossier_Marge_-_Image_4_-_Paradise_Kiss.jpg

Paradise Kiss.



S’ouvrir au monde, s’affranchir de la normalité, s’affirmer et rêver, autant de choses que des mangas nous incitent à entreprendre en nous prévenant tout de même que la route sera semée d’embuches, pouvant mener à la pauvreté ou au désespoir. C’est d’ailleurs ce que l’on observe dans Le vagabond de Tokyo, quand bien même le ton du manga est comique. On y suit Yoshio, marginal qui vit dans une pension, qui travaille de temps en temps sur les chantiers pour se payer du bon temps. Pervers, alcoolique, joueur, il n’est pas un humain recommandable malgré son air joyeux. À travers ses mésaventures, on découvre un Japon éloigné des cartes postales, là où la misère est reine. Un manga faisant écho au Journal d'un vieux dégueulasse de Charles Bukowski qui met en lumière la vie d’un marginal avec humour, saleté, érotisme mais aussi non sans mélancolie. Pourtant, au contraire de Yoshio, certains voudraient être utiles à la société, comme le protagoniste de Himizu qui se met en tête de tuer un criminel. Un manga radical où un gamin abandonné par ses parents vit dans une pauvreté extrême. Il erre sans cesse dans le but de trouver un malfaiteur à assassiner. Sauf qu’il est obnubilé par sa quête meurtrière, à tel point qu’elle l’aveugle et qu’il ne parvient pas à voir que des crimes sont commis juste sous ses yeux. Ses proches se font agresser tour à tour sans qu’il ne s’en rende compte. Dans ce manga, Minoru Furuya dépeint un monde cruel où la jeunesse en dérive n’arrive pas à s’en sortir alors qu’elle n’aspire qu’à ce qui lui semble être la normalité.


La normalité, c’est justement ce que fuit le protagoniste du manga de Shuzo Oshimi nommé Les Fleurs du Mal. C’est sa rencontre avec Sawa qui pousse Takao à se libérer de la prison mentale qui le retient. Des contraintes symbolisées par les montagnes qui entourent sa ville, le retenant dans son petit confort. Takao ressemble à un adolescent banal, à ceci près qu’il se passionne pour la littérature et notamment l’œuvre de Charles Baudelaire. Sa vie bascule lorsqu’il dérobe les vêtements de sport de la fille qu’il aime en secret. L’adolescent, au contact de Sawa avec qui il passe un contrat, va se libérer peu à peu des normes morales inscrites en lui, quitte à aller à l’encontre de la société, à commencer par sa mère. Le manga est une déclaration d’amour à la déviance, à la découverte du véritable soi tout en se débarrassant des normes sociales entravant cette quête personnelle.


https://www.manga-news.com/public/2022/news_12/dossier-sortie-de-route/Dossier_Marge_-_Image_5_-_Les_fleurs_du_mal.jpg

Les Fleurs du Mal.



Le « je m’affirme moi-même » de The World is Mine résonne une nouvelle fois dans nos têtes alors que l’on se rend compte que les mangas proposant une ode à la marginalité le font systématiquement en rejetant la société. Les codes moraux et sociaux sont alors mis à mal pour que l’on puisse exprimer librement notre véritable personnalité. De Yukari de Paradise Kiss à Takao des Fleurs du Mal, l’émancipation des protagonistes passe par la souffrance et le fait d’être pointés du doigt tant ils rejettent le monde traditionnel qu’ils connaissaient jusqu’alors, des codes inculqués par leurs parents.



Commentaires

DONNER VOTRE AVIS



Si vous voulez créer un compte, c'est ICI et c'est gratuit!

> Conditions d'utilisation