Subaru Natsuki, personnage principal pas comme les autres
Un héros... banal
Mais le problème de Subaru par rapport aux habituels héros de récits d'invocation dans un autre monde, c'est qu'il n'a rien acquis de puissant en arrivant dans cet univers fantasy !
Ce qui caractérise en premier lieu le héros de Re:Zero, c'est l'absence de pouvoir. Hormis cette capacité de mort réversible, Subaru débarque dans ce monde typé fantasy en n'ayant absolument aucune capacité grandiose, là où, par exemple, la voleuse est d'une redoutable agilité, la demi-elfe peut utiliser une magie de glace et faire apparaître un esprit félin... On a donc un personnage principal qui n'a rien de particulier, hormis sa volonté. Cela peut le rendre assez "proche de nous", car il reste un humain comme les autres.
Un caractère... original, mais obstiné
Pour autant, Subaru est un personnage principal auquel on peut facilement s'identifier, mais aussi s'attacher car il présente un caractère plutôt plaisant.
Un peu bête parfois, il a surtout pour lui un certain franc-parler, ainsi qu'une volonté de fer. Cette volonté, elle se ressentira parfaitement dans son désir de gagner la confiance de la demi-elfe, et de la protéger, tâches qui ne seront pas forcément aisées... Le jeune homme amuse même un petit peu dans son désir de faire parler ses connaissances des mondes de fantasy : s'il a l'occasion de vérifier certains clichés du genre, d'autres passent à la trappe, comme quand il s'attend à être sauvé des bandits par une fille qui passe par-là. Il aura aussi quelques occasions de voir que ce monde n'est peut-être pas aussi fantaisiste qu'il l'espérait.
Subaru est un héros qui devient facilement attachant, car il décide de ne rien lâcher. N'ayant acquis aucun pouvoir de magie ou aucune force particulière, sa principale qualité sera de se démener encore et encore, tant qu'il ne meurt pas. Ou de mourir encore et encore, jusqu'à atteindre ce qu'il doit accomplir. Pour atteindre ses objectifs, il devra périr à plusieurs reprises, souvent atrocement (les auteurs, que ce soit dans le light novel, le manga ou l'anime, n'hésitent pas à présenter un contenu sanglant qui laisse bien deviner la douleur du héros quand il se fait tuer), jusqu'à trouver les bonnes pistes/solutions.
On tient alors un personnage principal qui, au-delà de l'idiotie qu'il semble parfois dégager, a pour lui un côté très franc, qui ne se pose pas forcément beaucoup de questions, et qui peut aussi amener un peu d'humour. Sur ce dernier point, il y a de quoi apprécier, par exemple, sa façon de parler plus vite qu'il ne réfléchit, ce qui donne quelques moments décalés amusants, comme quand il parle de la douleur de se faire éventrer.
Un personnage réussi ?
Selon les goûts de chacun des lecteurs, Subaru Natsuki, de par son caractère, pourra apparaître autant irritant qu'excellent. Dans tous les cas, il sert très bien le récit auquel il apporte un dynamisme supplémentaire, et ses interrogations permettent d'installer efficacement le concept de son pouvoir de mort réversible. Un pouvoir qu'il ne comprend pas tout de suite, et dont il prend conscience peu à peu. Après sa première mort, quand la deuxième boucle temporelle démarre, il pense simplement avoir rêvé la première boucle. Et ce n'est qu'au fil des boucles suivantes qu'il est amené à se questionner de plus en plus, à tester pour comprendre (par exemple, en demandant à des personnages qu'il a vus dans les boucles précédentes s'ils l'ont déjà rencontré), ce qui s'avère très immersif et parfait pour mettre en place les bases.

Une galerie de personnages aussi stéréotypée que plaisante
Les autres personnages apparaissant pour l'instant sont, eux aussi, plutôt bien mis en place.
Forcément, ils répondent globalement aux gros stéréotypes de la fantasy, entre la demi-elfe élégante et magnifique, la jeune et petite voleuse hyper agile, ou le vieux costaud à l'apparence renfrognée mais au cœur tendre, et Subaru est bien le premier à le constater. Il ne faut donc pas s'attendre à une originalité folle dans ces personnages.
Mais le fait est que l'oeuvre sait rendre sa palette de personnages plaisante, tout aussi stéréotypés ceux-ci soient-ils.
Se faisant appeler Satela, la demi-elfe aux cheveux argentés semble avoir un fort caractère et prendre Subaru un peu de haut... mais peut-être que cela cache en réalité une demoiselle qui a le coeur sur la main, comme pourrait le montrer une scène comme celle avec la petite fille perdue.
Esprit félin qui ne peut pas apparaître la nuit et qui a besoin de recharger sa mana pour se matérialiser, Pack s'avère agréable en sortant déjà du rôle de simple mascotte, puisqu'il veille de près sur la demi-elfe qu'il appelle même sa fille.
Le vieux Rom campe bien son rôle de gros costaud, tandis que Felt est une gamine très énergique qui ne manque pas de piquant et de caractère. Mais au-delà des premières impressions assez négatives que Subaru pourra avoir d'eux, il remarquera très vite qu'ils agissent comme ils le font pour de bonnes raisons (c'est leur seul moyen de s'en sortir, tout simplement, eux qui vivent dans la pauvreté), et qu'il a entre eux un lien humain profond et fort, comme celui qu'auraient un grand-père et sa petite-fille.
On pense également à Reinhard, le maître épéiste dont notre héros est amené à croiser la route et qui impose un certain charisme. On découvre en lui un jeune homme aussi droit que puissant, et son rôle dans la dernière partie de l'arc sera de première importance.
Sans oublier Kadomon, personnage plus secondaire encore que les autres, mais qui sert de véritable point de repaire à Subaru au fil de ses résurrections (à chaque fois, Kadomon est son premier contact). Et puis, même lui à droit à son petit traitement, puisque Subaru comprend bien qu'il a bon fond derrière ses aspects peu avenants.

Un arc qui pose les bases... et laisse deviner des pistes
Ce premier arc étant avant tout une mise en place, son déroulement reste plutôt basique dans les faits. L'objectif de Subaru repose simplement sur quelques éléments cruciaux : récupérer l'insigne, sauver la vie de Felt, de Rom et de la demi-elfe, et donc parvenir à mettre la sadique Elsa, surnommée la "chasseuse d'entrailles", en échec. Mais il était inutile de complexifier plus que ça ces débuts, les principaux objectifs étant ici de bien présenter les premiers personnages et de poser clairement le concept de la mort réversible. Tappei Nagatsuki l'a bien compris, et en cela, ce premier arc fait très bien le job en ne perdant jamais de son rythme.
Qui plus est, même si cet élément est un peu sous-exploité dans ce premier arc introductif, on cerne déjà l'importance qu'aura le fait que Subaru devra reconstruire ses relations avec les autres personnages à chaque fois qu'il mourra. Ici, avec les boucles qui "rebootent" sa première journée, il conserve les souvenirs de ses précédentes rencontres avec la demi-elfe, Felt et les autres, mais eux oublient tout de lui puisqu'ils ne sont pas censés l'avoir déjà rencontré. Simplement introduite dans ce premier arc, cette idée aura beaucoup plus d'importance par la suite. En attendant, le romancier y fait déjà bien attention en terme de cohérence.
L'univers de fond, lui, reste pour l'instant assez pauvre. Ce premier arc misant surtout sur une mise en place rythmée autour des personnages et du concept de mort réversible, on ne sait pour l'instant quasiment rien de cet autre monde. Nous sommes au royaume draconique de Lugnica, qui plus est dans la capitale, il y a l'existence d'une dangereuse sorcière de l'envie, la présence tout à l'est de la "grande cataracte" au-delà de laquelle il semble impossible d'aller, ou encore le destin futur de la jeune Felt. Sans oublier l'insigne recherché par la demi-elfe, point dé départ et coeur de l'intrigue sur les volumes à venir. C'est tout, mais c'est suffisant pour créer quelques possibilités de développements intéressantes par la suite.
© Tappei Nagatsuki ILLUSTRATION:SHINICHIROU OTSUKA KADOKAWA COPORATION MEDIA FACTORY
De Karakuri [3546 Pts], le 22 Juin 2018 à 22h22
Un dossier très complet que j'ai relu avec beaucoup de plaisir après celui sur l'arc 2 qui vient d'être posté. Bravo.