Princess Jellyfish - Actualité manga
Dossier manga - Princess Jellyfish
Lecteurs
18.50/20

Une passion avant tout

 
 
Le manga est clairement basé sur la culture otaku, puisque toutes les habitantes de la résidence Amamizu sont animées par une passion. Chacune aime une chose particulière de façon monomaniaque. Et ce qu’il y a de bien, c’est que l’auteur montre clairement que peu importe le centre d’intérêt, quand on aime, on aime. Elle met d’ailleurs en avant le côté un peu saugrenu de certaines passions, comme les trains ou les hommes plus âgés, ou même les méduses. Mais on se fiche de savoir ce qui les passionne tant, au final. Ce qu’il est important de retenir c’est que, peu importe sa passion, on doit la vivre à fond et il est même légitime de vouloir l’incarner, de tout rapporter à cela. Princess Jellyfish, c’est une grande bouffée de bonne humeur, un univers dans lequel on se reconnait facilement puisque les intérêts sont aussi variés qu’originaux voire étranges, permettant ainsi à chacun de laisser s’exprimer sa passion à lui, sans rentrer dans un moule défini et limité. En tant que lecteur de manga, on peut par exemple être absolument fan d’une série en particulier, d’un jeu vidéo, ou même de totalement autre chose, et se reconnaître alors dans la lecture. On voit d’ailleurs le bonheur que cela procurer aux Amars (le nom données aux locataires de la résidence Amamizu) d’aimer si fort quelque chose en particulier. Mais en même temps, cela nous donne une vision parfois négative sur leur condition. Après tout, elles ne travaillent pas, n’ont pas continué leurs études, et ne peuvent pas subvenir seules à leurs besoins. Ce sont leurs parents qui les entretiennent, et elles n’ont aucune relation sociale en dehors de la maison. En d’autres termes, elles s’enferment dans leur quotidien et se ferme au monde extérieur, s’isolant complètement. Alors au final, on en revient à l’histoire de la poule et de l’œuf. Qui est responsable ? Est-ce leur passion qui les a coupé du monde, ou bien leur exclusion de ce dernier qui les pousse à se jeter à corps perdu dans leur intérêt ? Sans doute un peu des deux.

Le message est donc double de la part de l’auteur, et d’autant plus avec l’arrivée de Kuranosuke. En effet, ce dernier a lui aussi une passion irraisonnée. Il aime la mode féminine au point de se travestir. Le chauffeur de sa famille aime quant à lui les voitures de luxe plus que toute autre chose. Il y a donc bien des otakus qui vivent normalement, sans que cela ne les empêche d’avoir des rapports sociaux. Et c’est aussi un point particulièrement pertinent du manga, que de nous montrer qu’être monomaniaque ne se fait pas que d’une manière. Kuranosuke ne se rend sûrement pas compte à quel point il ressemble à ces otakette qu’il critique au début. Mais la différence entre eux, c’est qu’elles l’assument et le vivent pleinement en se coupant du reste du monde, alors que lui cache sa passion, la couve, la garde pour lui tout en essayant de la dénigrer au jour le jour pour paraître normal. Et qui, finalement, en est le plus heureux ? Voilà une des questions que la lecture du manga soulève intelligemment. Quelle place donner à ce qui nous fait vraiment vibrer ? Accepter ou pas de piétiner sa raison de vivre pour paraitre comme tout le monde ? Après tout, l’Homme a besoin de se fixer sur quelque chose, sur une passion, pour continuer à vivre et endosser les tracas du quotidien. Ne serions-nous pas tous otaku de quelque chose sans le montrer, préférant conserver cette apparence de normalité, de peur que quelqu’un critique ou dénigre ce qui a tant d’importance ? Les Amars, elles, se sont trouvées et peuvent vivre leur idolâtrie en toute tranquillité entre elles, et si Tsukimi fuit la société c’est très certainement par peur que la première personne venue critique son amour des méduses, les trouvent répugnantes ou la trouve elle-même étrange et bizarre. C’est une façon comme une autre de se protéger.
 
 
 
 
 
La vision des autres mais également la vision que les Amars ont du reste du monde sont donc les deux faces d’une même pièce primordiale dans la narration de la série.  C’est particulièrement bien vu lorsque l’auteur aborde le problème de « changement » de nos otakettes, pour les rendre « plus belles plus présentables plus normales ». Kuranosuke va essayer de les changer, de les habiller maquiller coiffer pour les sortir de leur quotidien. Un passage très amusant, qui plus est parfaitement adapté à l’esprit de la série et du personnage. On apprécie de voir que le physique ne change que le regard des autres sur elles et en aucun cas leur personnalité, toujours aussi étrange, renfermée, exclusive. Otaku. En effet, le physique a à la fois une grande force et très peu d’impact. Il change totalement la manière dont les autres regardent les filles, mais en même temps ne modifie absolument pas leur façon de penser, de vivre. Parce qu’elles sont entières, parce qu’elles n’ont jamais caché leurs passions entre elles et qu’elles n’ont donc pas pour habitude de jouer double jeu. Accrochées à leur mode de vie confortable, il est hors de questions qu’elles acceptent subitement de devenir autres juste parce que la société le décide. Et pourtant, à travers l’arrivée de Kuranosuke dans leurs vies, les filles vont bien être obligées de découvrir le monde.

Mais au final, « otaku », c’est quoi ? Ce n’est qu’une facette d’un dé où l’on peut trouver bien d’autres expressions, comme nerd, geek, nolife, fujoshi (l’otaku au féminin, ou « fille pourrie », initialement utilisée pour les lectrices de boy’s love puis élargi aux filles otaku). Des mots que l’on entend de plus en souvent, qui sont à la mode depuis quelques années, en France comme au Japon alors qu’initialement ils avaient un sens péjoratif. Ils font maintenant partie intégrante de la culture, et ces anti-héros des temps modernes permettent à bien des personnes ordinaires de se trouver une identité, une appartenance à un groupe. Au départ, « otaku » signifie « votre maison », et était utilisé de manière polie pour vouvoyer quelqu’un. A présent on s’en sert davantage pour signifier quelqu’un qui a une passion « d’intérieur » et qui reste donc enfermé chez lui. Si on utilise de plus en plus le terme « hikkikomori », la signification est la même. Des séries comme Genshiken, Bienvenue à la NHK ou Otaku Girls l’ont mise à l’honneur. Et si au Japon ce terme continue de sous-entendre une rupture de lien social, en France il tend à se débarrasser de cette connotation. En effet, de nombreux otaku ou geeks se rassemblent de plus en plus pour partager sur leur passion, dans des conventions, des associations, des clubs … C’est pourtant le terme « nolife » est de moins en moins usité, allant contre l’idée qu’un otaku en France peut tout à fait avoir une vie sociale épanouie.
 
 

KURAGE HIME © 2009 Akiko Higashimura / Kodansha Ltd.

Commentaires

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Tehanu

De Tehanu [205 Pts], le 22 Décembre 2013 à 11h18

13/20

Article un peu trop descriptif et moins analytique, mais intéressant et révélateur de la pensée de l'auteure du dossier. 

Je trouve la page 1 fort complaisante avec le mode de vie des otakus et leur façon de vivre leur "passion". Déjà, je ne comprends pas : 

"Mais la différence entre eux, c’est qu’elles l’assument et le vivent pleinement en se coupant du reste du monde,"

Comment peut-on considérer que "se couper du monde pour vivre sa passion en petit comité" revient à assumer sa passion ? Pour moi, c'est tout l'inverse. Vivre dans sa bulle par peur d'être regardé d'un mauvais oeil  à cause de ses préférences, c'est ne pas s'assumer soi-même, c'est au contraire fuir qui on est. C'est se définir comme une victime "incomprise", rejetée par le monde extérieur, alors que dans les faits, le monde n'en a rien à faire de nous en général. Ce n'est pas toujours la faute de la méchante société si certaines personnes n'assument pas leurs préférences aux yeux de tous (je parle de passion, pas de véritables problèmes de société comme l'homophobie ou le racisme, juste pour être bien claire), et le plus important réside également dans la manière de la présenter et de la vivre, et parfois des circonstances et des responsabilités qui vont de paire avec la naissance. 

 

Bien entendu qu'énormément de personnes qui ne sont pas "otakus" sont profondément passionnées par un domaine en particulier et ne s'en cachent absolument pas. Depuis quand les fans de la culture populaire japonaise possèdent le monopole de la passion ? La littérature, le cinéma, les sciences, le bricolage, les voyages, les voitures, le sport, la mode, la musique... On trouve de véritables passionnés pour tout cela, et qui en ont fait parfois leur métier, et des milliers et des milliers d'autres choses. La différence avec les otakus reclus, c'est qu'ils ne se définissent pas sous une seule bannière monomaniaque. Ils considèrent cette passion comme une part de leur personnalité, sans vouloir lui coller une étiquette à tout prix qui les réduirait à cela, de nouveau en règle général.

De plus, est-ce que les gens qui lisent du manga ou sont fans d'une série sont réellement des "passionnés" ? Est-ce que ces activités les poussent en avant, les soutiennent dans leur vie de tous les jours, élèvent leur esprit, leur ouvre des perspectives d'avenir ? Si oui, alors pourquoi cette mentalité de renfermé et d'incompris ?

Est-ce que cette passion nécessite des connaissances et de la réflexion, de la patience et/ou du talent pour l'acquérir, ou est-ce qu'ils se contentent d'absorber ce qu'on leur propose, sans même se donner la peine parfois de le digérer ? Je dis ça parce que je n'ai pas l'impression que dans la grande majorité des cas, les "otakus" soient capables d'articuler un discours motivé ou argumenté pour défendre leur préférence, parce qu'ils manquent souvent de références extérieures pour y parvenir. Un manque de lien avec la réalité de tous les jours pour que leurs lectures aient un réel impact dans leurs vies. 

 

Personnellement, je sourcille toujours un peu quand quelqu'un s'auto-proclame "otaku", parce que par les comportements et les écrits sur le net de cette communauté, j'y associe l'immaturité, la peur de grandir, le consummérisme à outrance, et une forme d'étroitesse d'esprit (qui rejaillit un peu dans cette première page). Est-ce que ce sont des préjugés de ma part ? En partie, mais aussi motivés par une visite à la Japan Expo par curiosité ainsi que la lecture de forums et de sites de news comme celui-ci, donc pas totalement infondés, même si évidemment il y a des exceptions. Tant mieux si certains sont heureux au sein de cette communauté et s'ils s'y sentent acceptés, mais je n'y vois pas un réel épanouissement ou d'acceptation de soi et de ce qu'on apprécie, mais plutôt un renfermement sur soi et une victimisation qui renforcent les préjugés, d'un côté de la barrière comme de l'autre. Les torts sont partagés, mais vu le peu de conséquences et la particularité de cette communauté, je pense qu'il y a bien pire comme situation aussi, et que les otakus s'en accomodent très bien au final, même si je suis persuadée que la plupart rêvent d'une vie avec un peu plus de sens que l'univers de la japanimation/manga au fond d'eux-mêmes. 

KisaChan

De KisaChan [529 Pts], le 22 Septembre 2013 à 18h22

20/20

très bpn dossier! bien étoffé, on voit que vous savez de quoi vous parlez! les images aussi sont bien choisies.

j'ai vraiment envie de savoir comment ça va avancer!

Katia71

De Katia71 [1 Pts], le 22 Septembre 2013 à 13h53

20/20

Ce manga a l'air vraiment super =) Je serrais très prèssée de le lire si je l'avais en main ^^

Tsukinohime

De Tsukinohime [1101 Pts], le 20 Septembre 2013 à 17h04

20/20

Magnfique dossier ! Merci :) 

Un des mes manga coup de coeur et l'anime est également de très bonne qualité ^^ 

Je n'ai pas vraiment été trop choquée ou exaspérée par les réactions exagérées de Tsukimi vis à vis de l'amour et de sa relation avec le frère de Kuranosuke, j'ai bien aimé cet humour :) 

Le tome 9 fait bien avancer les choses et j'ai hâte d'en lire la suite, je le conseille à tous ! 

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