Ses influences. Construction d’une personnalité artistique décalée
Il est amateur de Henry Darger (1892-1973), un artiste " brut" (entendez par là qu’il n’a jamais reçu de formation artistique ou d’influence de style dans son art) auteur d’un manuscrit de 15000 pages avec plusieurs centaines d’illustrations très étranges. Voici un échantillon de cet ouvrage:

L’essentiel de l’histoire de son manuscrit décrit un monde d’enfants attaqué par de glandulaires et atroces créatures ainsi qu’un bestiaire fantastique très original. La vie même de Darger, plutôt calme de caractère, est émaillée de drames: orphelin très tôt et marqué par l’ouragan qui détruit tout son village en 1913, il est diagnostiqué faible d’esprit et séjourne un temps en hôpital psychiatrique. Il vit reclus et avec un emploi du temps immuable durant la majeur partie de sa vie. Ses œuvres ne sont découvertes qu’à sa mort en 1973.
Mohiro Kitoh apprécie également Hans Bellmer (artiste complet surréaliste 1902-1975) et Amano Katan (sculpteur et photographe né en 1953) pour leurs poupées très réalistes de l’un et distordues de l’autre. Ça éclaire peut être un peu le fond de violence qui imprègne ses œuvres et il ne faut pas chercher beaucoup plus loin pour trouver l’origine visuelle de Vendémiaire.
Hans Bellemer est l’auteur de plusieurs poupées articulées aux éléments interchangeables et modulables à souhait jusque dans des formes monstrueuses ou grotesques. Les photos qu’il en prenait lui servaient de support à ses gravures et ses écrits surréalistes.

Amano Katan est un sculpteur et photographe japonais spécialisé dans les poupées très réalistes d’inspiration classique. Son œuvre renvoie une idée de fragilité un peu morbide à mon sens. Les poupées sont souvent très frêles et dotées de grands yeux sombres très profonds et mélancoliques.
Gage du succès s’il en est, Amano est l’auteur de la photo de couverture de l'album Point de suture de Mylène Farmer.

Kitoh a été très influencé par un livre illustré d'Astrid Lindgren, Les frères cœur de lion, dont il qualifie le dessin de "style européen". Je n’ai pas pu vérifier si ce sont les illustrations ou le contenu littéraire lui-même qui l’ont emballé mais pour rappel, Fifi Brindacier est l’évocation impertinente de la vie d'un groupe d'enfants dans la Suède rurale.
Son film préféré, dont il parle déjà dans plusieurs interviews, est un film espagnol: L’esprit de la ruche.
Il cite aussi L'étoffe des héros; un film mettant en scène des avions prototypes et des pilotes d’essai; American graffiti, La kermesse des aigles ou encore Ganbatte ikimasshoi, qui raconte l'histoire d'une jeune étudiante marginale qui; exclue de l’équipe d'aviron masculine; décide de former sa propre équipe féminine.
Dans les œuvres japonaise, il se revendique davantage de l’animation que du manga en citant 3000 Leagues in Search of Mother, créé par le studio Ghibli et Isao Takahata, qui est l’histoire du jeune Marco traversant le monde de Gênes en Italie jusqu’en Argentine pour retrouver sa mère. Preuve encore une fois d’une attirance pour les histoires mettant en scène des héros enfants ou adolescents. Il parle également de Graine de champion et Fuli culi, une œuvre remarquablement déjantée qui est également une de mes favorites.

Parmi les premiers mangas qu’il a lus il cite aussi une version papier de Time bokan, série parodiant les héros de la Tatsunoko (studio qui a produit Gatchaman et Speed racer), Yume no kayoui, Blue submariner 6 ou encore Sumire no hana saku koro, l’histoire d’une jeune fille quittant sa campagne pour essayer de rentrer chez un grand éditeur de Tokyo.
Un de ses romans préférés est Sa majesté des mouches, ce qui me paraît tout à fait symptomatique de son style: des enfants livrés à eux même se révèlent d'une profonde cruauté. Il cite également La foire des ténébres de Bradbury, qui a pu l’influencer, à mon avis, pour Vendémiaire.
Sa motivation dans ses œuvres est d’aller chercher les travers hérités de nos origines bestiales cachées sous le verni de notre civilisation. C’est un point de vue en opposition avec l’organisation même de la société japonaise très hiérarchisée et ritualisée. C’est un thème récurrent dans son œuvre et qu’il veut continuer à explorer pendant encore un moment.

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De Lighthalzen [67 Pts], le 07 Septembre 2016 à 23h48
Un génie
De jojo81 [7400 Pts], le 01 Septembre 2010 à 00h35
J'aime ce monsieur ^^
De le gritche, le 28 Octobre 2009 à 17h54
Merci pour ce dossier de ce mangaka qui m'intrigue sacrément !
De néun11/9, le 08 Février 2009 à 11h44
Je suis content de pouvoir attirer l'attention de nouveaux lecteurs sur cet auteur trés original.
Cela vaut reellement la peine de faire le tour de ses oeuvres. La toute dernière, owari to mairusu est en rupture avec la cruauté des titres precedants mais on y retrouve tout les autres themes favoris de Kitoh (des batailles aériennes avec de vieux coucous et du SEXE... (arf! ^^).
De otcho, le 28 Janvier 2009 à 11h50
Excellent dossier sur Mohiro Kitoh avec plein de détails que je vais me faire un plaisir de relire, il a des méthodes assez fascinantes...je ne connaissais que Hallucination From the Womb...vous m'avez donné envie d'en lire davantage.
De Ryuurei, le 27 Janvier 2009 à 12h33
Merci pour cet article, j'en sais enfin un peu plus sur cet auteur étrange qu'est Mohiro Kitoh que j'ai découvert grâce à la version animé de Naru Taru, puis ensuite par le biai du manga que j'ai trouvé en occasion. Son goût pour la cruauté est tout simplement incroyable, il le pousse jusqu'a son paroxysme, tout comme dans Bokurano ou on comprend rapidement qu'il ne faut en aucun cas s'attacher aux personnages. Je suis impatient d'acheter les versions originales de Naru Taru dès mon arrivé au Japon. Je vais m'intéresser à chacune des oeuvres cités en espérant en découvrir un peu plus encore sur son travail :)