Marion - Actualité manga
Dossier manga - Marion

Un récit qui ne prend pas assez son temps

  
Sur deux tomes, Marion propose un scénario finalement dense et qui aborde bon nombre de possibilités. Le cœur de l'intrigue est la place de l'héroïne dans la comédie musicale Jeanne d'Arc qui se prépare au Doelion, tandis que le music-hall devient la cible d'un sinistre complot. En soit, le destin de Mario aurait pu être développé au-delà, comme nous l'avons vu précédemment, mais c'est bien cet arc narratif du Doelion qui forge l'essentiel du récit, et c'est ce qui intéresse Yû Hikasa dans son histoire.

En deux tomes seulement, bien des péripéties marquent le quotidien de Marion. Sa rencontre avec Aaron, le véritable entraînement dans lequel elle se lance pour pouvoir fouler les planches, l'obligeant à prendre des habitudes « féminines » dont elle se passait bien jusque là, et certaines rencontres qui auront surtout lieu dans le second opus. Beaucoup d'éléments scénaristiques donc... qui manque d'exploitation dans la globalité de la série. En effet, certains événements voient leur impacte minimisés par leur absence de répercussion sur la conclusion. Par l'épilogue proposé par l'auteur, Marion aurait finalement pu se passer de certaines rencontres... qu-ont-elles alors amené, si ce n'est quelques échanges parfois marquants ? S'il est toujours délicat de savoir si la conclusion d'un manga est voulue par l'auteur ou si elle est imposée par l'éditeur, il est indéniable que des éléments scénaristiques manquent dans la fin de Marion. On aurait aimé en savoir plus sur le devenir de Jules et celui du Doelion, cette pistes scénaristique restant ainsi largement ouverte, et même sur l'accomplissement des rêves de l'héroïne. Sur sa fin, le récit ne dit que l'essentiel et ne conclut que la situation préparée en fin de premier opus, sans trop chercher à aller au-delà. Bien que cela n'affecte pas la belle expérience vécue sur ces deux tomes, cela laisse un petit goût amer en bouche tant on aurait aimé voir les enjeux humains portés jusqu'au bout.


Et ce constat mitigé, en ce qui concerne la fin, est renforcé par quelques grands hasards scénaristiques qui surviennent surtout dans le second opus. Par besoin d'amener son intrigue à l'essentiel en toutes circonstances, Yû Hikasa met toujours les bonnes personnages sur la route de Marion, celle qui la feront réfléchir et lui permettront de faire les choix décisifs sans trop perdre de temps en réflexion. C'est un peu facile, et cela semble montrer que l'auteur n'avait pas vraiment de temps à perdre. C'est assez dommage car malgré la qualité globale de l’œuvre, celle-ci en subis un peu les conséquences, quelques défauts d'écriture étant bien présents.

Une histoire de rêve à travers deux personnages opposés

En ce qui concerne ses thématiques, Marion nous parle de la notion de rêve, et plus précisément ce que chacun est prêt à accomplir pour atteindre ses objectifs. Pour cela, il se base sur deux personnages, peut-être même trois si on prend le cas de Jules Lion en compte. L'auteur opposé alors une vision noble avec le personnage de Marion, un autre plus maladroite avec Aaron, quand Jules incarne la désillusion envers notre monde et notre société.

Parlons alors de Marion, l'héroïne de la série. Dotée d'un fort tempérament, elle incarne l'image de la femme forte mais aussi de la femme noble d'âme, un contraste assez classique avec sa condition d'enfant des rues. Elle rêve de gloire et plus précisément de pousser la chansonnette, chose qui n'est d'ailleurs pas dite explicitement mais qui se remarque par son amour de la chanson, et sa joie quand on complimente ses prestations artistiques. Mais accomplir ce rêve est synonyme d'effort, et Marion cherche à l'atteindre de la manière la plus digne qui soit, à base d'efforts, et sans jamais nuire à autrui dans son accomplissement. Contraindre Marion à devenir une femme du peuple ordinaire, noyée dans des formalités sociétales, aurait pu entrer en totale opposition avec le personnage si elle ne le faisait pas pour elle-même. Dans la série, l'héroïne s'attire l'admiration des lectrices et lecteurs par son sens du sacrifice : pour montrer au monde qui elle est vraiment, elle endure des répétitions aux allure d'entraînement, et dont elle se passerait bien. En somme, Marion incarne l'archétype du protagoniste de la quête initiatique, brillant d'une certaine candeur, mais montrant une détermination sans faille pour s'épanouir.


Si Aaron incarne le mentor naïf et gentillet, il est aussi la vision plus sombre dans l'idée de l'accomplissement des rêves. Au contraire de Marion, il est prêt à tromper et sacrifier autrui. Une opposition classique mais qui présente un intérêt par rapport aux doutes d'Aaron, aussi le personnage pousse toujours le lecteur à se questionner sur sa possible rédemption, avant le moment fatidique de la série. Le sort du personnage, sur le tout dernier chapitre, est assez lourd de sens. Sa vision était erronée, il rejoint donc la cause de Marion. Car après tout, que serait un rêve s'il était accompli par sacrifice du bien-être d'autrui ?

Vient enfin Jules qui est intéressant par le personnage qu'il incarne. Il souhaite faire du Doelion un théâtre de propagande ayant le soutien de l'armée, dans le but d'être couvert dans le trafic de drogue qu'il prépare. Une bien belle ordure à première vue mais qui est habilement nuancé au fil du récit, et par ses rencontres avec Marion. Il se dégage chez le jeune homme une sorte de désillusion sociétale, mais aussi une désillusion du milieu de l'art... et du rêve. A ses yeux, la chute est inévitable dans ce genre d'objectif, et il semble plus simple de se conformer et de choisir un chemin plus simple pour espérer vivre sereinement. Les pensées du personnage n'évolueront jamais vraiment, ce qui rejoint nos propos précédents sur la fin un peu abrupte de Marion, et son absence d'accomplissement en ce qui concerne les personnages secondaires. En finalement peu de temps, le dyptique de Yû Hikasa parvient à aborder la question du rêve de manière complète, par différentes visions qui s'opposent habilement à l'idéal incarné par Marion. Car c'est bien la noblesse de l'idéal qui l'emporte sur la fin, une vision un peu utopique mais qui met du beaume au cœur, contrastant avec les ténèbres qui s'approchent de plus en plus de la France, en ce début d'années 40. C'est peut-être bien là que la symbolique de la conclusion de la série est la plus forte.
  
  

© 2016 by YUU HIKASA / NSP Approved Number ZCW-90F

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