L’homosexualité dans le manga, partie 1

Du non-dit à la fan fiction

Du fanart au manga amateur (dôjinshi), de nombreuses œuvres sont parodiées, prêtant ainsi des relations homosexuelles à des personnages qui ne le sont pas dans les mangas d’origine, ou du moins de manière explicite. Parmi les séries les plus détournées, on trouve des mangas de sport populaires comme Kuroko’s Basket ou Haikyû. Un phénomène qui n’est pas seulement actuel puisque dans les années 90, un manga comme Slam Dunk a aussi eu droit à son lot de dôjinshi. Une autrice aussi acclamée que Chica Umino, connue pour ses séries Honey and Clover et March comes in like a Lion, a d’ailleurs dessiné des histoires amatrices avec les personnages de ce manga de basket avant de connaître le succès dans le monde professionnel. Si les shônen mangas sportifs sont autant détournés, par et pour un public essentiellement féminin, c’est parce qu’ils abordent des thèmes allant de l’amitié à la rivalité dans le cadre d’une tension sportive pouvant être perçue comme homo-érotique. L’envie se fait donc sentir de développer des relations jugées implicites ou même de fantasmer sur des représentations sexuelles entre son couple de personnages fétiche, et la création amatrice est le terreau idéal pour cela.

"Blue on Blue", l'un des dôjinshi de Chica Umino sur Slam Dunk.

Si tout est sujet au détournement, certaines œuvres le sont plus que d’autres puisqu’il émane d’elles une tension gay ou lesbienne, qu’elle soit voulue ou non par le mangaka d’origine. Ce n’est donc pas un hasard que des séries comme Berserk, JoJo’s Bizarre Adventure ou encore Sailor Moon soient régulièrement détournées en dôjinshi alors que ce n’est pas forcément le cas d’autres œuvres de la même envergure, comme Akira ou 20th Century Boys.

Le cas de Berserk est particulièrement intéressant car Kentarô Miura y dessine une relation ambigüe entre Guts et Griffith. Lorsqu’ils se rencontrent durant la période de L’âge d’or de la série, les deux personnages se combattent en duel, et Guts perd. Une défaite lourde de sens pour qu’elle signifie que le protagoniste appartient désormais à Griffith, qu’il lui confie sa vie. Mais Guts ne devient pas seulement le bras armé de Griffith, il tombe aussi sous son emprise, à tel point qu’il n’arrive pas à le considérer comme son égal. Cela instaure une tension homo-érotique entre les deux personnages, accentuée par des scènes où ils se confient dans le plus simple appareil ou encore des répliques à base de « tu m’appartiens ». Et ce n’est un hasard si une aura gay se reflète du manga de Kentarô Miura puisque cela provient de ses influences directes pour la relation entre Guts et Griffith, des mangas qui parlaient déjà d’homosexualité dans les années 70, à savoir Kaze to Ki no Uta de Keiko Takemiya et aussi Devilman de Gô Nagai

Berserk.