L’univers Dieselpunk utile à l’intrigue
A côté de l’immersion purement contemplative on peut aussi cerner certains moments d’une série par le prisme Dieselpunk grâce à l’utilisation d’éléments matériels qui se rattache au courant. En vérité cela tient davantage du fusil de Tchekhov pour certains d’entre eux du fait qu’en ressent l’arrivée soudaine de cet événement comme la tragique manifestation d’une mort annoncée pour la résolution d’une intrigue.

Pourtant dans d’autres cas l’utilisation d’un élément Dieselpunk ne bouscule en rien l’intrigue, ou bien dans le meilleur des cas il permet à un personnage d’extirper ses compagnons d’un danger plus grand, notamment dans le volume 3 de City Hall où Amélia utilise le jet-pack de Rocketeer pour sauver Arthur du combat avec Black Fowl. Et que dire de Winged Mermaids qui pour le coup nous donnent des sueurs froides par l’abondance des ses combats aériens. Vu qu’à chaque affrontement Ishito ou un autre protagoniste affronte un appareil sensiblement différent de l’autre on est dans une stratégie d’acrobaties et de pilotage précis afin de défaire l’adversaire qui dispose d’un appareil plutôt agile ou plutôt fragile. Les personnages connaissent les limites de leurs appareils et utilisent avec parcimonie celles-ci pour prendre l’avantage dans le combat qui s’en suit.

De la même manière l’utilisation de l’Elenium 95 par Tanya, instrument divin/maudit qui lui permet de sauver une situation en anéantissant une division entière résout seulement une intrigue en lien avec l’arc narratif correspondant, dans son quotidien elle se limite même l’utilisation de cette relique qui corrompt son âme après chaque utilisation. D’autant que cet Elenium 95 est une nette référence aux Wunderwaffen, cette panoplie d’armes du Troisième Reich toutes plus farfelues les unes que les autres et qui étaient censées apportées une victoire inespérée aux nazis. On attend encore dans la version française l’utilisation des fusées V1 à un moment précis de la série, autre invention du Docteur Shugel mais qui pour le coup se réfère implicitement aux mêmes fusées conçues par Wernher von Braun. C’est d’avantage l’adaptation animée de Youjo Senki qui donne un rendu Dieselpunk autrement plus significatif par les extensions physiques des mages-volants de l’Empire ; l’ajout d’une botte-booster reliée à la réserve de cristaux magiques apporte le réalisme technologique qui manque au manga qui se contente des longs manteaux de soldats, tout le pouvoir magique résidant dans l’Elenium. A sa décharge le manga présente une conception graphique originale de l’instrument divin/maudit par sa combinaison d’engrenages.

Par contre là où l’utilisation d’éléments est beaucoup plus agressive, Wizard of the battlefield remporte tous les honneurs. Du fait que chacune de ses sous-intrigues militaires correspondant à un équipement précis, l’un avec la Grosse Bertha, un autre avec l’automitrailleuse et un dernier avec le char d’assaut, on est confronté à la puissance de chaque machinerie. On se doute bien alors que sans le talent d’Haru pour le tir de précision, toute sa nouvelle escouade ne ferait pas le poids face aux nombreux ennemis qu’elle va rencontrer. L’automitrailleuse donnera du fil à retorde au groupe, l’empêchant de mener à bien sa mission à divers moments du récit. Mais c’est surtout l’arrivée du char d’assaut qui marque dans la conclusion du volume 4 de la série. Non pas en anéantissant nos protagonistes, mais en anéantissant un antagoniste par la puissance de l’obus tiré par le canon de cette nouvelle arme des temps moderne. L’animosité entre plusieurs antagonistes quant à la tournure des expériences menées par l’un d’eux et l’annonce du développement de ce fameux char d’assaut a annoncée l’arrivée de ce deus ex machina et permettre à nos protagonistes de mener à bien leur mission initiale.

De chevaliershakka [215 Pts], le 28 Janvier 2019 à 15h50
D'un autre côté, pour avoir un débat il faut bien commencer par en parler ! Donc ton dossier est en soi une première pierre à peut-être un plus grand édifice ! En tout cas ça m'a permis de découvrir un genre que je ne connaissais pas.
Après recherche j'ai vu que c'était effectivement considéré comme un sous-genre du Steampunk, mais je ne comprends franchement pas pourquoi. Certes les deux périodes son proches, ce qui explique un cousinage au niveau esthétique (là ou le cyberpunk est clairement plus détaché), mais ça ne se nourrit pas du tout des mêmes éléments et ne couvre pas la même époque.
En tout cas merci pour toutes ces réponses fort intéressantes. Je pense me pencher sérieusement sur sur Wizard of the Battlefield. Winged Mermaids m'inspire moins. Mais l'illustration Lolis en maillot le graphisme me donne envie d'y jeter un oeil !
De SerGalaad, le 28 Janvier 2019 à 15h22
Il est vrai que la plupart du temps c'est un hasard heureux de pondre une oeuvre qui embrasse des codes d'un mouvement précis. Les auteurs ont seulement dessinés un sujet qui leur tenaient à coeur et le hasard fait que ce soit la période clé du mouvement Dieselpunk.
Bien sûr que les séries citées ne se renvendiquent pas du courant, peu de personnes, et en particulier les grands pontes du mouvement ne débatent pas des mangas/animés. Le mouvement reste ancré sur le cinéma et les comics américains. Pourtant, comme je l'ai présenté dans mon dossier, les mangas et animés offrent des similitudes au cahier des charges Dieselpunk. Personnellement je considère tout ce que j'ai cité comme appartenant au Dieselpunk grâce à l'esthétisme, le cadre spatio-temporel et à leurs intrigues.
Mais objectivement, je ne fais qu'analyser les oeuvres par le prisme du courant, sur ce plan elles apparaisent comme Dieselpunk mais je suis certain que ce n'était pas le choix directeur de Daisuke HIYAMA ou de Shino ETOROUJI dans la création de leurs mangas. Le duo LAPEYRE-GUERIN en revanche qui ont baignés dans le Steampunk ont une connaissance du mouvement j'imagine au vu des easter-eggs tel celui sur Rocketeer. Pour Carlo ZEN c'est très ambigu, je doute qu'il connaisse le mouvement mais il rassemble beaucoup d'éléments véhiculés par le mouvement.
En clair, visuellement c'est Dieselpunk, mais dans l'esprit de l'auteur, c'est uniquement un hasard de circonstance qui fait que l'oeuvre s'est imprégnée de l'époque clée. Si un jour le mouvement s'ancre davantage en France et qu'il y a un réel débat sur telle ou telle oeuvre pour lui donner le label Dieselpunk alors se sera réglé. Mais bien évidemment, le mouvement est encore inconnu en France, relégué en tant que 'sous-courant' du Steampunk ; dans ce cas précis on ne peut que faire des analyses et prétendre d'avoir sous les yeux un manga Dieselpunk par la présence d'éléments qui fait l'essence du mouvement.
De chevaliershakka [215 Pts], le 28 Janvier 2019 à 14h48
Oula ! je crois qu'on diverge dangereusement, car je n'ai pas dit ça non plus !
Tu as dit, je cite : « D'ailleurs s'agissant de Tanya, il n'y a pas de Dieselpunk technologique mais bien un Dieselpunk uchronique car Dieselpunk ne veut pas forcément dire Technologie ».
Ce à quoi j'ai répondu que je n'arrivais pas à concevoir qu'on puisse cataloguer une œuvre comme du Dieselpunk si on se contente d'appliquer l'aspect sociologique (ou politique) du genre et qu'on lui retire l'aspect technologique et donc l'esthétique qui va avec. Sans ça, on peut commencer à y mettre tout et n'importe-quoi.
D'autant qu'à fortiori, Tanya a effectivement des attraits visuellement communs avec le genre.
Après je pense que la phrase citée était involontairement catégorique de ta part, puisque dans ton dossier tu abordes bel et bien les aspects esthétique « Diesel » de l’œuvre.
Je pense que tu voulais dire que le Dieselpunk était ici d'abord sociopolitique avant d'être esthétique. Point sur lequel je suis assez d'accord puisqu'à mon sens, l'esthétique commune avec le genre est surtout dû au choix de la période dont s'inspire la série, qui se veut assez proche de la réalité. Il n'y a rien de vraiment fantaisiste d'un point de vue technologique dans l’œuvre (plus dans le Manga et l'Anime cela-dit). Même la magie se fait plutôt sobre et discrète, ne nourrissant pas vraiment d'inventions visuelle farfelues. Elle est uniquement là pour justifier certains éléments narratifs.
Mais je digresse !
Mon interrogation était surtout que bien qu'effectivement on ne peut pas nier un attrait social et esthétique communs avec le genre Dieselpunk, est-ce que l'addition des deux suffit vraiment à classer l’œuvre en tant que telle ? Car en dehors de City Hall qui semble effectivement embrasser le genre sans qu'on ait trop à en douter, le reste de ta sélection semble plus dû au hasard qu'à un vrai choix de s'inscrire dans le genre.
Néanmoins en disant cela, j'ai conscience également que la naissance d'un courant Artistique passe aussi par une part de hasard. Et que c'est seulement à posteriori qu'on intégrera certaines œuvres dedans, que ce fût volontaire de la part de l'Artiste/Auteur ou non. D'où l'aspect personnel que tu abordes dans ta conclusion.
Voilà ! En espérant avoir été un peu plus clair dans mon propos ! Je confirme être parfaitement néophyte dans le genre, n'ayant jamais entendu parler du terme avant de lire ton dossier (ou alors sans le retenir). Je m'interroge donc plus que je ne cherche à affirmer quoique ce soit.
De SerGalaad, le 28 Janvier 2019 à 12h56
Je ne dis pas que Youjo Senki n'est pas associé au Dieselpunk! Esthétiquement c'est bien du Dieselpunk par la période et l'équipement militaire ainsi que les sujets abordés, mais il propose aussi une lecture sociopolitique en phase avec les problèmes de la période comme l'hypernationalisme, le zèle religieux et l'expansionisme.
Mais oui je t'avoue que pour un néophyte du courant ça peut être dur à digérer..
De chevaliershakka [215 Pts], le 28 Janvier 2019 à 11h48
Haha ! Je crois que je comprends encore moins !
Pour moi les termes Steampunk; Cyberpunk; Dieselpunk; Whateverpunk... sont d'abord associés à des ères technologiques, donc avec un parti pris esthétique.
Que ce soit technologiquement uchronique (je mets des guillemets, car on travestit un peu le terme ici) me semble globalement compréhensible. Mais si l'on y rajoute une couche de sociopolitique... ça commence à faire un brin fourre-tout, non ? Tout du moins si derrière on retire l'attrait esthétique.
Du Dieselpunk uchronique sans l'aspect graphique.... je pige pas. Surtout que la période dans laquelle s'inscrit le mouvement est quand même plutôt large.
Une oeuvre Dieselpunk ET uchronique, là je comprendrai un peu mieux !
Pour trois des oeuvres que tu cites par exemple, c'est vraiment l'aspect visuel qui m'apparaissait commun : récits militaires; technologie et univers fortement inspirés par les deux grandes guerres...
Du coup si tu me dis que Youjo Senki n'est pas associé au genre Dieselpunk par son approche graphique mais pour son aspect social, j'avoue planer un peu.
Bref ! Comme tu le conclues, le mouvement est sans doute encore trop jeune pour être proprement défini. D'où la part de ressenti personnel j'imagine.
En tout cas merci beaucoup pour ta réponse !
De SerGalaad, le 27 Janvier 2019 à 16h41
A moins de demander directement à M. Carlo Zen l'origine de ses références pour la création de l'univers de Tanya, nous ne serons pas si oui ou non il a voulu en faire une oeuvre Dieselpunk mais au vue de ses goûts historiques et de ses récits uchroniques, Baikoku Kikan notamment, on peut sérieusement penser qu'il a eu vent de l'existention de ce courant.
Mais à part quelques oeuvres qui se revendiquent clairement du Dieselpunk, le cas de Captaine Sky ou de The Rocketeer, il n'y a pas un réel consensus dans la communauté Dieselpunk sur le label des oeuvres qui prennent leurs sources dans la période du courant, raison pour laquelle je parle d'expérience personnelle; chacun peut se forger sa propre idée de ce qu'il considère comme Dieselpunk.
J'ai choisi de parler de ces quatre séries par leur ressemblance en terme d'uchronie et d'époque technologique. D'ailleurs s'agissant de Tanya, il n'y a pas de Dieselpunk technologique mais bien un Dieselpunk uchronique car Dieselpunk ne veut pas forcément dire Technologie, un terme polysémique qui regroupe certes la Technologie mais aussi le Politique, le Social, l'Uchronie ou tout simplement l'Esthétisme de l'époque du courant. C'est à cause de cette polysémie du courant qui empêche un consensus général chez les Dieselpunker ; le courant est encore jeune et moins bien connu que son grand-frère Steampunk.
De chevaliershakka [215 Pts], le 27 Janvier 2019 à 11h27
Durant toute la lecture il y a un point sur lequel je me suis retenu de commenter avant d'avoir terminé l'intégralité du dossier.
Et lorsque j'allais bondir sur mon clavier pour en parler, la conclusion a pris un malin plaisir de balayer ça d'un revers de main. Du coup, était un véritable coup de maitre ou juste grosse roublardise ?
Car le point qui m'a taraudé le plus tandis que je parcourais cet très bon papier virtuel, c'est à quel point le genre Dieselpunk paraissait flou, voire un peu fourre-tout. Du moins dans le choix des œuvres choisies ici.
Entre City Hall qui a l'air de manger un peu à toutes les gamelles (Steam et Diesel) ; Youjo Senki qui est d'abord une uchronie ; Wizard of the Battlefield et Winged Mermaids qui s'apparentent à de la Fantasy... on à l'impression qu'en dehors du premier titre, on a juste à prendre quelques choix esthétique communs pour estampiller ça Dieselpunk.
A l'origine, j'avais pour idée que le genre « Steampunk » - et donc par association « Dieselpunk » - signifiait « Et si notre monde avait évolué avec telle technologie plutôt que celle-là ? ». Or dans le cas de Youjo Senki (vu que c'est le titre que je connais le mieux des quatre, on ne va pas bluffer), nous sommes dans un monde parallèle époque 1ere guerre Mondiale. La vraie différence technologique se situe dans l'usage de la magie, pas la révolution industrielle, puisque nous l'avons également vécu. Esthétiquement ça colle grandement à la réalité Historique.
Wizard of the Battlefield me donne un peu la même impression, voire pire vu qu'il s'agit d'un monde totalement Fantastique.
Je ne dis pas que c'est absurde de mettre ces titres en parallèle. Ce dossier met clairement en lumière une inspiration commune. Mais s'agit-il d'une volonté de s'inscrire dans un véritable courant esthétique ou d'une simple coïncidence dûe aux thématiques respectives desdites œuvres ? Esthetique à laquelle on aurait collé une jolie étiquette « Dieselpunk » qui n'existe pas vraiment. Le fait que la conclusion soit « le Dieselpunk c'est d'abord une expérience personnelle », me fait me poser la question.
A moins que tout simplement ce genre soit encore trop jeune pour se voir clairement défini ?
En tous les cas ce fut une lecture passionnante et incroyablement bien documentée, me faisant au passage découvrir des titres qui ne m'auraient pas tenté de prime-abord.
Un dossier extrêmement bien foutu. Chapeau.