Lady Snowblood - Actualité manga
Dossier manga - Lady Snowblood

Femme fatale



Ballet violent


Lady Snowblood est une œuvre à la violence visuelle forte. Le profil de Yuki, alias Lady Snowblood, qui est une tueuse professionnelle dans le Japon des années 1890, permet aux auteurs d’aller très loin dans la représentation de la violence. Yuki élimine tous ses adversaires, hommes et femmes, dès qu’ils lui barrent la route. Le ton est donné très vite dans le manga, dès les premiers chapitres, pour que le lecteur puissance saisir à quoi il a affaire : une œuvre de vengeance sans limite. Dans le domaine de la fiction, la vengeance est un sujet porteur d’intérêt, puisqu’il est vu par le personnage comme un but ultime dans un rapport de force (ne pas laisser impuni quelqu’un qui vous a fait du mal). Le petit plus dans le manga Lady Snowblood, c’est l’image de la femme guerrière, de la dame japonaise qui utilise des tenues et des armes traditionnelles, et qui danse dans le sang et les coups de lame. On a là l’image d’une femme puissante, dominante, furieuse, aussi belle qu’effrayante, en bref, une icône fascinante de la violence.





Sexualité libérée


Lady Snowblood présente une extrême violence visuelle, mais montre aussi une sexualité extrêmement crue. Rappelons que la série est parue dans le Playboy japonais, il n’est donc pas étonnant que le manga ait une facette érotique. Il serait par contre malvenu de réduire Lady Snowblood à une œuvre érotique. En tout cas, Yuki use de ces charmes pour parvenir à ses fins, aussi bien auprès des hommes que des femmes. La sexualité dans le manga a un vrai rôle dans la constitution de la psychologie de l’héroïne. Le sexe cru est tout d’abord à l’origine de sa naissance : par haine de ses violeurs, sa mère s’est volontairement montrée « entreprenante » afin de mettre au monde l’instrument de sa vengeance. Toute sa vie Yuki, n’aura aucune honte à avoir des rapports pour toucher à son but. Il semble en revanche qu’elle ne le fasse jamais par amour ou par désir. C’est un point intéressant car cela montre à quel point son histoire terrible pèse sur sa personnalité.


Une œuvre féministe ?


La question fait débat. On a toujours vu dans les œuvres de Kazuo Koike un culte de la masculinité, voire des doses de misogynie. Kamimura fait souvent le portrait de femmes, dans des scénarios crus, se qui ne lui vaut pas toujours d’être taxé de féministe. Pourtant, Kamimura est un auteur qui a beaucoup à cœur de porter les femmes sur le devant de la scène, et de les montrer fortes. Sans débattre du métier de tueuse de Yuki, c’est le cas du manga Lady Snwoblood, où l’héroïne est l’incarnation de la perfection, portée par une esthétique qui lui rend hommage, et surtout, qui agit uniquement selon ses buts et désirs, sans être contraintes par les autres, et surtout pas la société machiste japonaise. D’ailleurs, les hommes sont plutôt décrits comme vils et violents eux-mêmes. Donc, en ce sens, Kamimura a eu un petit ascendant sur Koike, et le manga présente des aspects féministes. Reste que les nombreuses scènes érotiques, l’existence même du manga dans Playboy, si elles ne remettent pas en cause les qualités artistiques du manga, témoignent de la volonté de s’adresser à un public masculin. Finalement, cette hybridation des propos est parfaitement intéressante, puisqu’elle permet de ne pas montrer systématiquement la soumission des femmes dans une telle revue.





Vile masculinité


Si on se questionne encore sur l’aspect féministe de l’œuvre, la gent masculine est globalement mise à mal. La plupart des hommes décrits sont obsédés, vicieux, violents, sexistes. C’est le cas des violeurs de la mère de Yuki, du moins dans la description qui en est faite au début. Cela colle aux scénarios habituels des auteurs, pour des raisons différentes : Kazuo Koike décrit des mondes violents dirigés par des tortionnaires, Kamimura critique la société japonaise conservatrice et viciée. Néanmoins, quelques protagonistes masculins ont les faveurs des auteurs et de l’héroïne, comme l’entraineur de Yuki. Si c’est un tueur, il est décrit comme professionnel et en ce sens, tient à cœur de permettre à Yuki de parvenir à son but, et de s’épanouir. À l’inverse, certaines femmes seront les victimes de Lady Snowblood, et parfois de manière injuste. Les auteurs décrivent une société phallocrate, mais Lady Snowblood n’est pas spécialement valorisée dans sa marginalité : elle est un monstre engendré par cet état fou.
  
  
  


© by KAMIMURA Kazuo

Commentaires

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Forevermanga

De Forevermanga [600 Pts], le 25 Mars 2016 à 21h42

c'est un très bon dossier qui m'a convaincue de commencer Lady Snow Blood

Alphonse

De Alphonse [421 Pts], le 25 Mars 2016 à 18h37

Lady Snow Blood !

 

Je trouve que tu as particulièrement bien mis en exergue le différentiel de sensibilité entre les deux Kazuo : parce que, clairement, de manière générale, et tout d’abord, il convient sans doute de faire une première << summa divisio >> entre les œuvres de Kamimura, ès qualité d’auteur complet, de celles en partenariat.

 

Puis, en ce qui concerne la place de la femme dans l’œuvre de celui-ci – ou comme tu pu l’évoquer par terminologie d’une branche du féminisme – il y a chez lui un relatif paradigme de la femme faisant face à un monde empli de défectuosités sociales, morales voire métaphysiques.

 

Néanmoins, s’il pourra être évoqué un paradoxe entre cette association de la femme-forte (ou surhumain féminin) à un environnement néfaste, hostile et déliquescent ; il est aussi pertinent, à mon sens, d’appuyer une volonté, voire un postulat de l’auteur, à faire un effort quant à traiter le réel dans sa complexité. Et ce prisme qui porte contraste entre le statut de la femme et l’état de la société à un moment donné est bien évidemment empreint du vécu de l’auteur (relation avec sa mère, maturation dans un environnement féminin, son rapport avec les femmes de manière plus générale ou, encore, rejet du père) ; même si, Lady Snow Blood, sera manifestement moins emprunt de cela à raison, d’une part, comme tu pu très justement le soulever, de la collaboration avec Koike et, d’autre part, en ce que cette production est également moindrement autobiographique que d’autres prestations, notamment Kantö Heiya ou Rikon Club.

 

Aussi, à la marge et pour d’autres aspects, il sera toujours difficile de se prononcer sur sa vision exacte de la femme, eu égard au encore trop faible volume d’œuvres de celui-ci éditées en France à ce jour ; j’attend notamment l’édition du sulfureux << Les fleurs du mal >> à cette fin. Cependant, et à ce stade, toujours selon moi, il y a un parti pris de l’auteur à restaurer la condition de la femme et de dresser un portrait acerbe de l’homme, sans pour autant essentialiser ce dernier.

 

Lady Snow Blood, si elle pu être assez populaire comparativement à certaines autres productions de Kamimura, divisera probablement toujours autant son lectorat.

 

Il me semble que tu es parvenu à un bon équilibre entre, d’une part, la canalisation des éléments essentiels – en substance – et, d’autre part, la pédagogie à l’attention d’un lectorat novice, pour ne point trop l’enfumer. Peut-être aurais-je davantage développé les particularités du trait de Kamimura (notamment son évolution ou encore le rapport avec ses assistants) ou approfondi la coloration de sa conception de la femme par son propre vécu, mais cela n’est qu’une différence de point de vue, en sus d’alourdir, sans doute, l’ensemble.


 Super dossier ; merci bien Raimaru. 

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