Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 04 Août 2025
Mangaka parmi les plus populaires et emblématiques du catalogue de Taifu Comics ces dernières années, Scarlet Beriko a fait son retour chez l'éditeur en automne de l'année dernière avec la publication simultanée des deux volumes de Hosaka & Miyoshi. Même si elle peut être lue de manière indépendante, cette oeuvre est présentée comme un spin-off de Jackass! (one-shot paru en France en 2018), et a été prépubliée au Japon dans le magazine Cheri+ des éditions Shinshokan à partir du 30 juillet 2021, pour trouver sa conclusion en automne 2022.
On suit ici l'histoire d'amour contrariée de Haruomi Miyoshi, jeune étudiant de 19 ans qui peine encore à assumer son homosexualité, et Kôjirô Hosaka, créateur de mode de 39 ans qui s'est entiché de lui. Hosaka, très doux, patient et attentionné malgré ses élans taquins, a beau sembler très sérieux et sincère dans ce qu'il ressent, Miyoshi peine beaucoup à faire le point sur ce début de relation, et cela pour plusieurs raisons: il se demande comment un beau et célèbre homme quasiment quarantenaire pourrait s'intéresser réellement à un "insignifiant" gamin de 20 ans de moins que lui, ne parvient pas à bien exprimer ses sentiments, et souffre encore du buzz qu'il a fait au lycée dans une vidéo où il a poussé celui qu'il aimait dans les bras d'un autre. Face à ce surplus de tourments et d'émotions, Miyoshi a alors fini par ghoster Hosaka... avant de retomber par hasard sur lui quelques mois plus tard. Toujours aussi doux, Hosaka ne semble aucunement lui en vouloir, mais lui fait quand même une petite blague devant ses employés, blague que l'étudiant vit mal au point de vouloir se venger d'une manière somme toute un peu extrême: après avoir pénétré chez Hosaka avec la clé qu'il lui a autrefois donnée pour pirater son ordinateur, il peut voir et entendre tout ce que le quasi quarantenaire fait chez lui... et ce que Miyoshi va observer pourrait parfois dépasser l'entendement !
Alors que la situation de départ est naturellement peu morale (on parle d'espionnage d'un des deux héros par l'autre et donc de viol de la vie privée, après tout) et aurait pu s"orienter vers une ambiance malaisante voire trop malsaine, Scarlet Beriko adopte bien vite une tonalité résolument différente, ne serait-ce que par son humour régulièrement présent pouvant passer autant par le côté encore un peu naïf et gamin de Miyoshi (il faut le voir discuter avec son éléphant en peluche, ou se prendre la tête avec sa mère qui le couve encore un peu trop) que par les quelques élans taquins de Hosaka et par certains secrets de ce dernier que l'étudiant va découvrir à travers son écran (eh oui, même les beaux gosses doux et célèbres pètent), ou encore par la présence de Riku et Mio, les deux employés de Hosaka qui semblent adoooorer les ragots.
Mais surtout, au-delà de la part d'érotisme et d'interdit qu'amène la situation (parce que, entre autres, Hosaka adore se promener dans le plus simple appareil chez lui, et que la mangaka se fait un plaisir de mettre son physique en valeur grâce à son dessin fin et précis), tout ce que Miyoshi a l'occasion d'observer risque d'éveiller de plus belle ses sentiments: alors qu'il veut initialement percer à jour les secrets et les faiblesses de Hosaka, il voit surtout chez cet homme quelqu'un qui semble vraiment être gaga de lui et qui, même s'il s'interroge un peu sur ce que l'étudiant veut exactement en revenant dans son quotidien comme si de rien n'était, souhaite se montrer très patient et ne mettre aucune pression sur le jeune garçon.
La question au fil de tout ça est, alors, de savoir si, de son côté, Miyoshi saura évoluer, gagner la maturité qui lui manque encore, affronter ses fantômes du passé, mieux assumer qui il est, et tout simplement gagner plus confiance en lui pour être réellement acteur de sa vie. Et mine de rien, tout cela permet alors à l'autrice d'évoquer, avec une certaine légèreté de ton agréable, des sujets comme la confiance en soi, les difficultés du coming out ou encore, bien sûr, la différence d'âge.
Il ne reste alors plus qu'à avoir comment cette histoire tournera dans le deuxième et dernier tome, mais dans l'immédiat Scarlet Beriko propose un premier opus très convaincant, en sachant malicieusement utiliser son idée de départ pour aller plus loin que ça dans ses sujets et pour croquer, dans une ambiance réussie, un duo très plaisant à suivre.
Côté édition française, enfin, il n'y a rien à redire: la jaquette est soigneusement adaptée de l'originale nippone, la première page en couleurs sur papier glacé nous gratifie d'une jolie illustration, le papier est souple et assez opaque, l'impression effectuée en France chez Dupliprint est de fort bonne facture, la traduction assurée par Nicolas Pujol est très claire, et le travail de lettrage et d'adaptation graphique par Jef.Mod est soigné.