Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 29 Décembre 2025

Sorti en langue française aux éditions Taifu Comics à la fin du mois de septembre dernier, Cure Blood fut le tout premier manga de la carrière d'Arata Togaya. Les six chapitres (en comptant le court épilogue) qui composent ce récit ont initialement été prépubliés au Japon en 2022 dans les pages du magazine onBLUE des éditions Shôdensha avant d'être regroupés, en octobre de cette même année, en un unique volume broché totalisant environ 160 pages.

Cette histoire nous invite à suivre deux jeunes médecins, à savoir Takeru Jûji et Tadayuki Kamikawa, qui ont respectivement 33 ans et 28 ans au début. En plus d'être collègues, les deux hommes sont également devenus facilement de très bons amis, et Takeru est même le médecin attitré de Tadayuki. Bref, tout va bien, jusqu'au jour où une maladie étrange touche Tadayuki: il a parfois des vertiges, il devient plus palot qu'avant, ses blessures se referment immédiatement, il ne peut plus entrer chez les gens sans y être invité, et il n'a plus le moindre appétit... sauf pour le sang. Ce qui, un soir où Takeru, très inquiet pour lui, l'invite à dîner, le pousse à attaquer son ami pour lui sucer le sang, avant de s'enfuir sans plus donner de nouvelles. Cela n'empêche pas Takeru de rester inquiet, au point de tout faire pour le retrouver, avec succès. Là, Tadayuki lui avoue qu'il a essayé par tous les moyens de se suicider, en vain. Takeru lui affirme alors qu'il restera autant de temps qu'il le faudra à ses côtés, même toute sa vie s'il le faut, et qu'il l'examinera et lui donnera son sang aussi longtemps qu'il le faudra.

Vous l'aurez largement déjà compris: avec cette première oeuvre de sa carrière, Arata Togaya se réapproprier le mythe du vampire, qui plus est dans tout son classicisme au vu des différentes restrictions qui touchent Tadayuki dès le début avant qu'il comprenne la maladie qui le touche, puis de celles qui vont encore s'ajouter au fil des pages, parmi lesquelles l'impossibilité pour lui de continuer à s'exposer à la lumière du jour, et plus encore le fait qu'il vieillisse désormais beaucoup moins vite que son entourage.

La recette n'a donc pas la prétention de renouveler quoi que ce soit dans le mythe vampirique, et le dépoussiérer n'est donc clairement pas le but de l'autrice. Ce qui l'intéresse plutôt, c'est d'aborder dans les grandes lignes tout ce que peut impliquer l'état de Tadayuki, à savoir ce mal dont on ne saura jamais comment il l'a contracté mais avec lequel il doit désormais vivre. Et bien que tout aille vraiment très vite puisque Arata Togaya couvre plusieurs décennies en à peine 160 pages et avec de grosses ellipses, la mangaka parvient sans difficulté à faire ressortir l'essentiel, non sans certaines séquences teintées de nostalgie et de douleur quand Tadayuki doit se confronter à des choses qu'il ne pourra plus jamais faire, comme profiter des bons petits plats de sa mère. L'autrice soigne également tout le ressenti que peut avoir le vampire en voyant Takeru sacrifier certaines possibilités de sa vie pour rester à ses côtés, ce à quoi Takeru saura lui répondre en lui montrant bien que c'est son choix et qu'il lui convient parfaitement... quand bien même, au bout du chemin, il y aura une inévitable séparation douloureuse entre un vampire qui ne vieillit quasiment plus et un humain classique qui, en comparaison, prend bien trop vite de l'âge. C'est sans doute sur ce dernier point que la mangaka touche le plus facilement: forcément très présente, la thématique de l'immortalité souligne avec une pointe d'émotion la brièveté de la vie humaine, mais aussi sa préciosité puisque, quoi qu'il arrive, malgré la douleur des séparations, les êtres chéris par Tadayuki et mourant avant lui continueront de vivre dans son coeur et ses souvenirs: pour celui qui n'est plus vraiment humain, ces vies resteront gravées comme autant de lumières qui ont bel et bien existé.

Sur le pur plan visuel, enfin, Arata Togaya livre un rendu propre et clair. Ses designs paraissent parfois un peu trop relâchés ou pas suffisamment expressifs, mais dans l'ensemble l'artiste livre une copie plaisante et assez convaincante pour une toute première oeuvre professionnelle. Surtout, sa narration et ses découpages sont toujours limpides, faisant notamment qu'on n'est pas choqués par certaines très grosses ellipses. Et à certaines occasions, l'autrice sait aussi son niveau pour proposer quelques très belles et poignantes envolées en terme de mise en scène, notamment lors des assez déchirantes dernières pages du cinquième chapitre, juste avant l'épilogue.

A l'arrivée, on a droit ici à un drame tout ce qu'il y a de plus classique dans l'exploitation du mythe du vampire, mais qui est suffisamment soignée dans ses sujets, dans son déroulement et dans la mise en valeur de l'indéfectible lien unissant les deux personnages principaux. Pour une oeuvre de tout début de carrière, voila qui donne facilement envie de voir ce dont cette mangaka assez prometteuse sera capable dans ses travaux suivants.

Enfin, du côté de l'édition française, même s'il faudra accepter de débourser 9,35€ pour seulement 160 pages sans la moindre page en couleurs (il n'y en a pas non plus dans l'édition japonaise d'origine, précisons-le), on a une copie soignée: la sobre jaquette reste très fidèle à la version nippone, la traduction d'Isabelle Eloy est très claire, l'adaptation graphique ainsi que le lettrage de Jef.Mod sont propres, le papier allie souplesse et opacité, et l'impression effectuée en France chez Dupliprint est très convaincante.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.5 20
Note de la rédaction