La politique, un sujet trop sensible ? - Actualité manga
Dossier manga - La politique, un sujet trop sensible ?
Lecteurs
18/20

« King's Maker » ou comment parler de la décadence d'un royaume


Depuis le temps... Depuis le temps que je voulais parler de cette série!!! Je peux vous dire que quand je l'ai vu débarquer sur le catalogue Delitoon, j'ai sauté de joie, car voilà un webtoon qui sort un peu des codes auquel Delitoon nous a habitué avec sa sélection. Je ne vais pas dire que c'est de leur faute, car clairement, je pense qu'ils suivent les tendances, et qu'ils continuent de licencier ce qu'il se vend (donc du BL et de l'« isekai à la coréenne »). Mais King's Maker sort de ces carcans, sans trop en sortir. En effet, nous avons affaire à un webtoon qui se passe dans un monde de fantasy (genre ultra présent dans les « isekais à la coréenne »), et c'est un BL. Mais les similitudes s'arrêtent là, car tout de suite, l'histoire va nous plonger dans quelque chose de bien plus profond, sordide.

Attention, alerte spoilers : à partir de maintenant, je vais parler de toute la partie 1 de ce webtoon, qui est sorti il y a plusieurs années de cela en anglais sur le site Lezhin. Je vais me baser sur la version anglaise, plus avancé d'une dizaine de chapitres que la version française. Je vous conseille soit de lire la version anglaise avant de lire cette partie, soit de la lire dans quelques semaines, soit... De vous faire spoiler allégrement. A vous de choisir, mais en tout cas vous voilà prévenu !


  


« King's Maker » nous raconte l'histoire d'un royaume qui se délite de l'intérieur. Nous suivons deux jeunes garçons, Wolfgang Goldenleonard, la quatrième prince du du roi qui a vu sa mère mourir dans un incendie et qui n'a qu'un objectif : se venger de son « père ». Le deuxième est un des « favoris » du roi, Soohyuk, fils d'un ministre et pourtant choisi pour être une des possessions de Sa Majesté . Le premier va rencontrer le second un peu par hasard, il va être irrémédiablement attiré par lui et va chercher inlassablement son amitié. Soohyuk va finir par l'accepter, voyant en lui une manière de se libérer de sa condition. Au fur et à mesure, un lien très fort va se nouer entre les deux garçons et les amener à se battre contre leur destin respectifs...

Bon, je pense que vous vous doutez de ce dont on va parler aujourd'hui. Je pense que ceux qui auront lu ne serait-ce que les chapitres gratuits en français auront compris quel va être le sous texte absolument dégoûtant de cette série. Et oui, on va parler de pédophilie et de meurtre à tout va. Préparez les bassines, car je pense que vous aurez quelques hauts le cœur.

Je vous rassure néanmoins : tout est sous-entendu, surtout visuellement. Vous n'aurez aucune scène explicite de viol, ni de meurtre. Mais les sous-entendus sont quand même assez explicites pour que vous ayez, à chaque chapitre, envie de mettre quelques pains à ce roi. Si je devais comparé, je dirais que j'ai eu cette même sensation de dégoût en regardant le film coréen « Silenced » avec Gong Yoo, une adaptation d'un roman écrit par Gong Ji Yong, mais surtout l'histoire vraie d'une école de campagne pour les enfants sourds dans laquelle les directeurs et professeurs abusaient des enfants. Là encore, dans ce film, rien n'était montré de manière explicite, mais quelques scènes étaient malgré tout très fortes, au point que j'ai du m'y reprendre à deux fois pour le voir. Et la fin est révoltante, heureusement que le film a permis de rouvrir cette affaire.

Car notre bon roi est un homme qui aime coucher avec tout le monde. Et l'âge n'est pas une barrière, au contraire. Après avoir causé la mort d'un jeune garçon avec ses pratiques sexuelles déviantes, il va en venir à se constituer un harem dit « intouchable » de jeunes garçons, orphelins pour la plupart. Mais des fois, il en picore quelques uns parmi les enfants de la noblesse. Sa règle est de ne pas les toucher avant leur quinze ans.

On parle ici d'un roi qui a toujours vu tous ses désirs exaucés. De plus, il était quasiment intouchables grâce à sa protection divine, représenté par sa chevelure dorée. En effet, si quelqu'un essaye de l'empoisonner, la protection s'active et le soigne, et ses cheveux reprennent alors une couleur plus sombre, le temps que celle-ci revienne. De ce fait, son rapport à la réalité s'est de plus en plus délité, il a fini par sombrer dans une simple vie où il assouvit ses désirs les plus vils. Le pire étant que la noblesse entourant ce roi continue de le « soutenir », se satisfaisant que les « jouets » du roi ne concernent pas leurs enfants, ou simplement qu'ils soient protégés jusqu'à leur quinze ans. Enfin, jusqu'au meurtre qui marque le basculement à la fin de la saison 1. Nos deux personnages principaux sont maintenant quasiment adultes. Le royaume accueille des princes qui viennent d'autres contrées, notamment le cinquième prince. Un jeune prince très innocent, qui idolâtre son père et ses frères, et qui va rapidement s'amouracher de Wolfgang. Sauf que son serviteur  va vouloir le protéger de la noirceur du royaume, et venger les enfants qui ont été victimes des caprices tordus du roi. Il tentera de le tuer, et c'est lui qui finira avec la tête au bout d'une pique. Le cinquième prince, un peu perdu, tentera d'aller voir son père, se cachera dans sa chambre, et il assistera à une scène d'horreur. Son père est avachi avec un verre à la main, et il assiste à la mort d'un de ses « garçons », qui est attaqué par un de ses chiens. Le roi surprendra son fils dans le placard et sera pris d'un accès de colère. Terrorisé, le cinquième prince voudra s'enfuir, et il tombera malheureusement par la fenêtre. Ce jeune prince était un fils du roi, son sang de son sang, normalement intouchable. Et il avait moins de quinze ans. Il deviendra le symbole d'un point de rupture, d'une prise de conscience des nobles. Ce roi qui se permettait tout, avait tout de même quelques règles « étiques ». Et il venait de les transgresser devant tout le monde.





Cette série, en tout cas la première saison, est l'exemple parfait d'une société décadente, à bout de souffle. D'une société où la communication est rompue entre les puissants et ceux d'en dessous, où la société entre en crise et il suffit d'une étincelle pour que tout flambe. On a connu ça pour la révolution de 1789, et tant d'autres depuis... Reste juste à savoir si la crise amènera à un renouveau meilleur, ou pire. Et ça, ce sera à ceux qui ont allumer la mèche de le décider, et la frontière est bien mince entre les deux. Car en temps d'instabilité politique, tout peut arriver...
  
  


Commentaires

DONNER VOTRE AVIS
Hurleguerre

De Hurleguerre, le 09 Avril 2020 à 17h10

18/20

Il y a une chose que je souhaiterai voir dans un dossier sur la politique dans les mangas, car il y a une tendance que j'ai remarquer dans beaucoup d'œuvres issues du Japon, tout supports confondus : une apologie très prononcée,  parfois excessive, de la magnanimité.
J'ai plusieurs exemples à citer, avec bien entendu beaucoup de spoilers.

Le premier, et le plus caractéristique puisqu'il met en scène le Japon contemporain «réel». C'est «Gate-Au-delà de la porte», manga issue d'un light novel ou une mystérieuse porte magique surgie au cœur de Tokyo pour déversé une armée d'envahisseurs d'héroic fantasy. La série est si populaire qu'elle a inspirée deux autres light novel, de qualité bien moindre, mais présentant un point commun : la réticence des japonais à utiliser la force armée face à leurs ennemis, qu'ils surclassent complétement, pour des raisons éthiques... alors même qu'ils sont confronté à une situation de légitime défense ou n'importe qui jugerait normal de se battre, aussi bien d'un point de vue moral que politique ou logique.
Dans Gate, les japonais sont étrangement bien disposé envers l'empire qui a tenté de les envahir, et pas simplement envers les civiles mais aussi les dirigeants. Que ce soit les soldats, les citoyens, ou même le gouvernement japonais, lequel n'envisage que de demander des réparations financières alors même que l'attaque de Ginza a causée des milliers de morts. Dans la réalité, après une agression pareil n'importe quel pays du monde viserai au minimum le renversement du gouvernement ennemi et le passage en jugement de ses membres, à juste titre d'ailleurs.
Le cas le plus révélateur est Tyuule, ancienne reine des guerrières-lapine devenue esclave sexuelle du prince Zorzal pour protéger son royaume vaincu, promesse que ce dernier n'a bien sur pas tenue, la quasi-totalité de son peuple ayant été réduit en esclavage. En apparence brisée et soumise, Tyuule ne vit plus que pour la vengeance, qu'elle exercera en manipulant Zorzal pour déclencher une guerre civile qui l'empire au bord de la destruction, car le responsable de ses malheurs n'est pas juste un homme mais la nation entière. Sa haine est présentée comme quelque chose de négatif, alors que même sans tenir compte de l'aspect émotionnel, l'empire est un ennemi mortel pour elle et les siens, et chercher à l'abattre à tout prix est la réponse la plus logique. Le contre-exemple présenté par l'auteur, placer au pouvoirs des dirigeants modérés et pacifiques ne discriminant pas les non-humains, est une fausse bonne solution car même traité en citoyens, les peuples conquis resterons des minorités ethnique noyées dans une société humaine et dépendant du bon vouloir de la classe dominante, comme les noirs aux États-Unis après l'abolition de l'esclavage.

Pour rebondir sur les compensations accordées aux vaincus, celles-ci aussi peuvent paradoxalement être un moyen d'oppression. Sun Tzu disait que laisser une porte de sortie a son ennemi est un moyen de le vaincre, et la série «Code Geass» l'illustre parfaitement.
Pour ceux qui ne connaissent pas, celle-ci met en scène un Japon conquis par l'empire fictif de Britania, sorte d'États-Unis monarchistes et totalitaires. Le héros, Lelouch, est un ancien prince trahis par sa famille qui tente de se venger de l'empire avec un pouvoir mystérieux, le geass, mais aussi en instrumentalisant la résistance japonaise pour en faire son armée personnelle, les chevaliers noirs. Or, la princesse Euphémia, placée à la tête du Japon, est pleine de bonnes intentions et déclare la création d'une zone spéciale ou les japonais retrouverons leurs droits. Elle le fait sans arrière-pensé, mais pour Lelouch, c'est de son aveux la pire manœuvre possible contre lui, car cela sapera la résistance bien plus efficacement que n'importe quel politique oppressive. D'ailleurs, si les autres britaniens désapprouvent cette initiative, le prince Schneizel, le membre le plus brillant de la famille impériale, s'en réjouit car tout comme le héros il y voit un coup mortel porté aux chevaliers noirs. En cela Code Geass change de la norme des stéréotypes du manga et de l'animation.

J'ai d'autres exemples, mais mon commentaire devient déjà trop long alors ce sera peut-être pour une seconde partie de ce dossier que j'ai adoré. 

VOTRE AVIS



Si vous voulez créer un compte, c'est ICI et c'est gratuit!

> Conditions d'utilisation