La politique, un sujet trop sensible ? - Actualité manga
Dossier manga - La politique, un sujet trop sensible ?
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18/20

« Magi the Labyrinth of Magic », ou comment parler de la Guerre Froide dans un univers des Milles et une nuits...


Vous ai-je déjà dit que j'adorais cette série ? Oui ?
Non, je ne radote pas du tout, roh...

Trêve de plaisanteries, et parlons de l'aspect politique de « Magi, the labyrinth of Magic », la série qui a fait exploser la talentueuse Shinobu Ohtaka. Et cet aspect n'arrive pas tout de suite dans la série. Il faudra attendre trois/quatre tomes pour arriver dans le vif du sujet, avec des jeux de pouvoirs au sein du royaume de Balbad. Mais ce dont je vais vous parler, ce n'est pas la conquête de l'empire Kô, ce n'est pas la diplomatie à la Sinbad. Non, ce dont on va parler, c'est ce qui arrive une fois arrivée la « mort » de Ali Baba, après les deux ans de blanc dans l'histoire, qui va passer d'un univers de fantasy un peu moyenâgeuse à un monde presque de science-fiction.


  


Ce qui est vraiment intéressant, c'est la comparaison que va faire Budel. A ce moment-là, Shinobu Ohtaka met très clairement en opposition deux idéologies : le capitalisme pour Sinbad, et le communisme pour Koen. Enfin, disons plutôt qu'elle oppose les grands fondements de ces deux idéologies, de manière assez simpliste, mais tout de même efficace.

Ce que j'aime aussi dans cette présentation, c'est que Shinobu Ohtaka ne met aucune idéologie sur un piédestal, et n'en condamne aucune. Les deux sont présentées avec des avantages, et des défauts. Pour l'empire Kô, si on peut louer le désir de répartir les biens de manière égale, et d'offrir une place pour chaque personne, on se souvient aussi de la manière dont ils ont envahi tous ces pays, et que l'esclavage avait encore cours, même si c'était temporaire. Leur objectif était d'unifier le monde, pour que les différences entre les pays et les gens disparaissent et que les possibilités et envies de conflits disparaissent.

De l'autre côté, nous avons la vision de Sinbad, où le commerce doit primer sur les rixes entres les pays. Il espère que le marché qui reliera tous les pays les empêchera d'entrer en guerre, car ils seront tous interdépendants. Dans ce monde, la liberté individuelle prime, chacun peut entreprendre comme il le souhaite, mais la réussite se fait au détriment de l'échec des autres. C'est un monde où la violence est plus insidieuse, et plus cruelle envers ceux qui n'arrivent pas à s'adapter aux règles du jeu.

Petit rappel historique : il y a plus de cinquante ans, alors que nous sortions de la Seconde Guerre Mondiale, une nouvelle guerre s'est mise en place entre deux grandes entités : les États-Unis et le bloc soviétique communiste. Et si cette guerre a mené le monde à vivre une trentaine d'années avec une épée de Damoclès sur la tête, cette Guerre Froide s'est terminée sur la défaite idéologique de l'URSS. Et c'est assez triste de voir qu'à cause des erreurs de l'URSS (et ce ne sont pas de petites erreurs, il y a quand même eu de nombreux, très nombreux morts), toute l'idéologie communiste est quasi morte avec elle. Je tiens à le dire ici : le communisme ce n'est pas que l'URSS, ce n'est pas que la République Populaire de Chine, ce n'est pas que la Corée du Nord. Le communisme c'est aussi la Sécurité Sociale, ce sont des syndicats forts qui ont arraché la semaine à 40h, une semaine de congés payés, les retraites... C'est aussi une vision plus solidaire de la vie. Et au lieu de rejeter en bloc ce passé, nous ferions mieux de le regarder directement en face, de voir ce qui a marché et ce qui n'a pas marché dans ces régimes et en tirer des leçons. Car oui, on peut parler de l'URSS et de ces millions de morts, mais dois-je vous rappeler que le capitalisme est aujourd'hui incapable de nourrir le monde entier ? Qu'il détruit notre éco-système ? Qu'il a rendu nos États complètement impuissants ? (sachez qu'un Etat peut être condamné par des tribunaux internationaux s'il met en place des politiques qui vont nuire au profit de grandes entreprises... Chouette.)

Soyons clair : je ne dis pas ici que le communisme est mieux que le capitalisme, ni l'inverse d'ailleurs. Ce seront des choix que chacun fera en son âme et conscience. Pour ma part, j'ai fait le mien. En revanche, je refuse de vivre dans un monde où parler de communisme est presque un gros mot, un scandale à cause de l'URSS. Je refuse de vivre dans un monde où on me dit que le capitalisme est la seule route à suivre, et qu'on ne peut plus rien y faire. Non, désolée, mais je ne peux pas me résoudre à ça. Au contraire, il faut savoir faire face aux avantages et inconvénients de chaque idéologie, savoir les remettre en question, et la solution se trouvera sans doute dans un juste milieu des deux... ou peut-être dans une alternative totalement différente, seul l'avenir nous le dira !


  


Et c'est pour ça que des séries comme « Magi, the Labyrinth of Magic » sont nécessaires. Parce qu'elles vont en parler de manière simplifiée, nous montrer les deux côtés de chaque pièce, et surtout ne pas condamner l'une ou l'autre. Alors oui, ce ne sont pas des réflexions hyper poussées, je le reconnais, mais cela reste une bonne porte d'entrée pour aborder ces thématiques. Surtout pour un public jeune qui n'en a quasiment jamais entendu parler, ou en tout cas qui n'a jamais vraiment réfléchi à la question.
  
  


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Hurleguerre

De Hurleguerre, le 09 Avril 2020 à 17h10

18/20

Il y a une chose que je souhaiterai voir dans un dossier sur la politique dans les mangas, car il y a une tendance que j'ai remarquer dans beaucoup d'œuvres issues du Japon, tout supports confondus : une apologie très prononcée,  parfois excessive, de la magnanimité.
J'ai plusieurs exemples à citer, avec bien entendu beaucoup de spoilers.

Le premier, et le plus caractéristique puisqu'il met en scène le Japon contemporain «réel». C'est «Gate-Au-delà de la porte», manga issue d'un light novel ou une mystérieuse porte magique surgie au cœur de Tokyo pour déversé une armée d'envahisseurs d'héroic fantasy. La série est si populaire qu'elle a inspirée deux autres light novel, de qualité bien moindre, mais présentant un point commun : la réticence des japonais à utiliser la force armée face à leurs ennemis, qu'ils surclassent complétement, pour des raisons éthiques... alors même qu'ils sont confronté à une situation de légitime défense ou n'importe qui jugerait normal de se battre, aussi bien d'un point de vue moral que politique ou logique.
Dans Gate, les japonais sont étrangement bien disposé envers l'empire qui a tenté de les envahir, et pas simplement envers les civiles mais aussi les dirigeants. Que ce soit les soldats, les citoyens, ou même le gouvernement japonais, lequel n'envisage que de demander des réparations financières alors même que l'attaque de Ginza a causée des milliers de morts. Dans la réalité, après une agression pareil n'importe quel pays du monde viserai au minimum le renversement du gouvernement ennemi et le passage en jugement de ses membres, à juste titre d'ailleurs.
Le cas le plus révélateur est Tyuule, ancienne reine des guerrières-lapine devenue esclave sexuelle du prince Zorzal pour protéger son royaume vaincu, promesse que ce dernier n'a bien sur pas tenue, la quasi-totalité de son peuple ayant été réduit en esclavage. En apparence brisée et soumise, Tyuule ne vit plus que pour la vengeance, qu'elle exercera en manipulant Zorzal pour déclencher une guerre civile qui l'empire au bord de la destruction, car le responsable de ses malheurs n'est pas juste un homme mais la nation entière. Sa haine est présentée comme quelque chose de négatif, alors que même sans tenir compte de l'aspect émotionnel, l'empire est un ennemi mortel pour elle et les siens, et chercher à l'abattre à tout prix est la réponse la plus logique. Le contre-exemple présenté par l'auteur, placer au pouvoirs des dirigeants modérés et pacifiques ne discriminant pas les non-humains, est une fausse bonne solution car même traité en citoyens, les peuples conquis resterons des minorités ethnique noyées dans une société humaine et dépendant du bon vouloir de la classe dominante, comme les noirs aux États-Unis après l'abolition de l'esclavage.

Pour rebondir sur les compensations accordées aux vaincus, celles-ci aussi peuvent paradoxalement être un moyen d'oppression. Sun Tzu disait que laisser une porte de sortie a son ennemi est un moyen de le vaincre, et la série «Code Geass» l'illustre parfaitement.
Pour ceux qui ne connaissent pas, celle-ci met en scène un Japon conquis par l'empire fictif de Britania, sorte d'États-Unis monarchistes et totalitaires. Le héros, Lelouch, est un ancien prince trahis par sa famille qui tente de se venger de l'empire avec un pouvoir mystérieux, le geass, mais aussi en instrumentalisant la résistance japonaise pour en faire son armée personnelle, les chevaliers noirs. Or, la princesse Euphémia, placée à la tête du Japon, est pleine de bonnes intentions et déclare la création d'une zone spéciale ou les japonais retrouverons leurs droits. Elle le fait sans arrière-pensé, mais pour Lelouch, c'est de son aveux la pire manœuvre possible contre lui, car cela sapera la résistance bien plus efficacement que n'importe quel politique oppressive. D'ailleurs, si les autres britaniens désapprouvent cette initiative, le prince Schneizel, le membre le plus brillant de la famille impériale, s'en réjouit car tout comme le héros il y voit un coup mortel porté aux chevaliers noirs. En cela Code Geass change de la norme des stéréotypes du manga et de l'animation.

J'ai d'autres exemples, mais mon commentaire devient déjà trop long alors ce sera peut-être pour une seconde partie de ce dossier que j'ai adoré. 

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