La politique, un sujet trop sensible ? - Actualité manga
Dossier manga - La politique, un sujet trop sensible ?
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18/20

« Les Héros de la galaxie », ou la transposition dans le futur de la Seconde Guerre Mondiale


Non, non, je vous assure que je n'ai rien fumé de bizarre, et que je ne sort pas ça de mon chapeau. Je pense d'ailleurs que les noms de nos protagonistes de l'Empire galactique sont assez évocateurs. Après, plus qu'une transposition, je pense que pour Les Héros de la Galaxie Yoshiki Tanaka est parti du postulat que le troisième Reich aurait perduré, et ce serait son évolution des centaines, milliers d'années plus tard, une fois la conquête de l'espace réalisée. De l'autre côté, nous avons les Nations Libres, que je pense être une évolution de l'alliance France/Royaume-Uni/Etats-Unis/Russie (une sorte d'ONU si on veut). On se retrouve avec de grandes différences idéologiques, et surtout de grandes différences de régimes. D'un côté nous avons un empire régi par un Kaiser qui s'amuse à prendre des concubines dès qu'il en a envie, mais surtout qui régit seul son armée. Sous le Kaiser, se trouve une armée de nobles, qui ont les postes de commandement, et qui envoient le petit peuple au front pour les protéger. De l'autre côté nous avons une démocratie représentative, où quelques personnes vont prendre des décisions pour ces nations dites « libres ». L'armée est néanmoins le jouet de guéguerres politiciennes, souvent entre le ministre de la défense et le commandant en chef de l'armée.
Ces présentations sont très sommaires et assez caricaturales, j'en conviens, mais ce sont les grands enjeux politiques sous-jacents de cette série.





On appréciera que les auteurs n'aient pas choisi de prendre parti, comme dans l’œuvre précédemment présentée. Si l’empire est présenté comme une entité archaïque, Reinhard et Kircheis sont une sorte d'espoir qui pourrait amener un renouveau et qui profitera très certainement au petit peuple. D'ailleurs, tous les personnages qui les entoureront, renforceront ce renouveau possible. Tout n'est pas forcément à jeter, mais disons plutôt que l'Empire Galactique a besoin d'un bon coup de nettoyage par le haut.

De l'autre côté, ces nations libres qui semblait représenter le bien ne sont pas forcément immaculées. Les logiques politiciennes gouvernent le pays et l'armée, et notre cher Yang Weng-Li, notre second héros flemmard, serait bien attristé de voir ses tentatives de freiner les batailles se solder par d'incessants échecs.

On aura quelques petits clins d’œil sur les travers du Troisième Reich du côté de l'Empire, notamment avec la loi d'exclusion des génomes inférieurs, qui rappelle beaucoup cette théorie du sang pur que prêchaient Hitler et les nazis. On se doute que les nobles doivent être les descendants de cette idée que se faisait le Führer.
Là, contrairement à Magi, on va avoir le droit à une vision un peu plus poussée de la politique. Le tout est quand même assez édulcoré, et un peu enrobé dans de l'épique très shônenesque. Mais les enjeux sont plus importants, plus différenciés entre les deux grandes forces. Et si l'Empire galactique est assez critiqué, la situation n'est pas forcément plus favorable du côté des Nations Libres. Car la liberté y est finalement assez illusoire, les gens ne pensant pas comme la doxa étant sévèrement réprimés, que ce soit par les autorités, mais aussi par les autres compatriotes. Cette scène réunissant les familles de soldats décédés au combat est particulièrement saisissante. Alors qu'une jeune femme tente à peine d'émettre une critique, tout de suite, d'autres familles vont la reprendre et lui asséner sans vergogne qu'elle devrait avoir honte de regretter d'avoir laissé son époux partir à la guerre. Et le pire, c'est quand on apprendra que cette jeune femme s'est suicidée, et qu'elle sera condamnée pour son geste, soi disant « non-patriotique ». Là, j'en serais presque à qualifier ce genre de comportement de fanatisme. Un fanatisme qu'on retrouve aujourd'hui chez ceux qui défendent l'économie actuelle, le capitalisme... Un fanatisme qui est dangereux, car si l'on veut toujours avoir les yeux bien ouverts sur notre monde, il faut un minimum d'esprit critique, or quand on n'arrive déjà pas à se remettre un minimum en question, sinon... Et bien la frontière peut-être très mince pour se retrouver dans un régime totalitaire.

Là où cela devient vraiment intéressant, c'est quand on se penche sur la place qu'ont nos héros dans ces deux sociétés sclérosées. Les deux sont considérés comme des génies de la guerre, pourtant aucun des deux ne prend à la légère les combats. L'un s'en sert pour grimper les échelons de la hiérarchie, pour se venger de son ennemi et essayer de remettre de l'ordre parmi les hauts gradés. Le deuxième s'est servi de l'armée pour faire des études, et s'il espérait pouvoir la quitter assez rapidement, pas de chance pour lui, il se retrouvera malgré lui victime de son succès. Il tentera pourtant d'apporter quelques années de paix, mais malheureusement, le patriotisme aveugle de certains, l'ambition et la jalousie d'autres, le mèneront au départ d'une tentative de conquête de l'Empire totalement invraisemblable. Nos deux héros sont des situations similaires, leur popularité auprès de la population, de leurs sous-fifres les rend particulièrement hostiles à la hiérarchie. De plus, le fait qu'ils soient tous les deux monté en grade de façon spectaculaire n'a aidé en rien. On aurait pu croire que se retrouver propulsés à de tels rangs aurait pu leur permettre de changer les choses, mais c'est faux. Il est difficile, même pour les plus hauts gradés, d'avoir son mot à dire. Soit parce qu'on est de mauvaise naissance, soit parce qu'on a perdu au « jeu démocratique ». Et oui, quand on a pas les bonnes règles du jeu dès le départ, il est difficile de pouvoir se rattraper. Mais ce n'est pas impossible pour l'instant.





Il y aura encore de nombreuses choses à dire sur cette série à l'avenir. Le dernier tome sorti semble nous présenter une troisième force qui pourrait surgir et bouleverser cette rivalité qui s'annonce déjà légendaire. Cette force viendrait-t-elle des Nations libres, de l'Empire ou bien d'un troisième opposant, l'avenir seul nous le dira...
   
  


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Hurleguerre

De Hurleguerre, le 09 Avril 2020 à 17h10

18/20

Il y a une chose que je souhaiterai voir dans un dossier sur la politique dans les mangas, car il y a une tendance que j'ai remarquer dans beaucoup d'œuvres issues du Japon, tout supports confondus : une apologie très prononcée,  parfois excessive, de la magnanimité.
J'ai plusieurs exemples à citer, avec bien entendu beaucoup de spoilers.

Le premier, et le plus caractéristique puisqu'il met en scène le Japon contemporain «réel». C'est «Gate-Au-delà de la porte», manga issue d'un light novel ou une mystérieuse porte magique surgie au cœur de Tokyo pour déversé une armée d'envahisseurs d'héroic fantasy. La série est si populaire qu'elle a inspirée deux autres light novel, de qualité bien moindre, mais présentant un point commun : la réticence des japonais à utiliser la force armée face à leurs ennemis, qu'ils surclassent complétement, pour des raisons éthiques... alors même qu'ils sont confronté à une situation de légitime défense ou n'importe qui jugerait normal de se battre, aussi bien d'un point de vue moral que politique ou logique.
Dans Gate, les japonais sont étrangement bien disposé envers l'empire qui a tenté de les envahir, et pas simplement envers les civiles mais aussi les dirigeants. Que ce soit les soldats, les citoyens, ou même le gouvernement japonais, lequel n'envisage que de demander des réparations financières alors même que l'attaque de Ginza a causée des milliers de morts. Dans la réalité, après une agression pareil n'importe quel pays du monde viserai au minimum le renversement du gouvernement ennemi et le passage en jugement de ses membres, à juste titre d'ailleurs.
Le cas le plus révélateur est Tyuule, ancienne reine des guerrières-lapine devenue esclave sexuelle du prince Zorzal pour protéger son royaume vaincu, promesse que ce dernier n'a bien sur pas tenue, la quasi-totalité de son peuple ayant été réduit en esclavage. En apparence brisée et soumise, Tyuule ne vit plus que pour la vengeance, qu'elle exercera en manipulant Zorzal pour déclencher une guerre civile qui l'empire au bord de la destruction, car le responsable de ses malheurs n'est pas juste un homme mais la nation entière. Sa haine est présentée comme quelque chose de négatif, alors que même sans tenir compte de l'aspect émotionnel, l'empire est un ennemi mortel pour elle et les siens, et chercher à l'abattre à tout prix est la réponse la plus logique. Le contre-exemple présenté par l'auteur, placer au pouvoirs des dirigeants modérés et pacifiques ne discriminant pas les non-humains, est une fausse bonne solution car même traité en citoyens, les peuples conquis resterons des minorités ethnique noyées dans une société humaine et dépendant du bon vouloir de la classe dominante, comme les noirs aux États-Unis après l'abolition de l'esclavage.

Pour rebondir sur les compensations accordées aux vaincus, celles-ci aussi peuvent paradoxalement être un moyen d'oppression. Sun Tzu disait que laisser une porte de sortie a son ennemi est un moyen de le vaincre, et la série «Code Geass» l'illustre parfaitement.
Pour ceux qui ne connaissent pas, celle-ci met en scène un Japon conquis par l'empire fictif de Britania, sorte d'États-Unis monarchistes et totalitaires. Le héros, Lelouch, est un ancien prince trahis par sa famille qui tente de se venger de l'empire avec un pouvoir mystérieux, le geass, mais aussi en instrumentalisant la résistance japonaise pour en faire son armée personnelle, les chevaliers noirs. Or, la princesse Euphémia, placée à la tête du Japon, est pleine de bonnes intentions et déclare la création d'une zone spéciale ou les japonais retrouverons leurs droits. Elle le fait sans arrière-pensé, mais pour Lelouch, c'est de son aveux la pire manœuvre possible contre lui, car cela sapera la résistance bien plus efficacement que n'importe quel politique oppressive. D'ailleurs, si les autres britaniens désapprouvent cette initiative, le prince Schneizel, le membre le plus brillant de la famille impériale, s'en réjouit car tout comme le héros il y voit un coup mortel porté aux chevaliers noirs. En cela Code Geass change de la norme des stéréotypes du manga et de l'animation.

J'ai d'autres exemples, mais mon commentaire devient déjà trop long alors ce sera peut-être pour une seconde partie de ce dossier que j'ai adoré. 

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