La Colline aux coquelicots - Actualité manga
Dossier manga - La Colline aux coquelicots
Lecteurs
14.50/20

La cohésion homme - femme

 
 
La démarcation entre hommes et femmes se fait de manière très claire dans ce film. C’est pourtant un message aux antipodes du style de Miyazaki père, qui s’emploie à faire des héroïnes fortes, aussi fortes que les hommes. Ses héros et leurs pendants féminins ne se différencient pas vraiment, et ce sont plus des entités qu’un garçon ou une fille. Ici il n’en est rien, et la différence se fait clairement sentir. Déjà, géographiquement. Les deux endroits les plus emblématiques du film font déjà cette scission. En effet, à la villa des coquelicots dans laquelle habite Umi, on ne trouve que des femmes. Toutes les pensionnaires sont des femmes de différents horizons et métiers. Elles vivent en cohésion et avec cette décontraction et cette sécurité qui caractérise un environnement féminin. Alors qu’au Quartier Latin, on ne trouve que des étudiants de sexe masculin. Ils vivent presque en autarcie, leurs clubs se superposant. La poussière, les documents, les vieilleries s’entassent de partout mais ils y vivotent tranquillement, exposant leurs passions et vivant leurs ardeurs avec fierté. Dans le lieu neutre qu’est l’école, le tout est nettement moins rigide. Lycéens et lycéennes se mélangent, mangent ensemble … mais, au final, ils restent quand même bien entre eux. On le voit bien quand Shun saute dans la piscine, entouré de garçons tandis que les filles restent à admirer, en groupe. C’est donc une fausse mixité, puisqu’à cette époque la séparation est encore assez franche de par les préoccupations de ces jeunes gens.
 
 
  
  
 
C’est l’époque après-guerre, et les idées, les valeurs ont enfin la possibilité d’exploser. La paix est revenue, et c’est le temps des rêves, de la progression, de l’évolution industrielle comme on l’a déjà vu. Mais la révolution estudiantine est surtout basée sur les mouvements de pensées. Les changements de l’environnement vont provoquer des réflexions chez les jeunes gens, et vont les amener à se recentrer sur les grandes lignes de leur époque. Les jeunes hommes sont donc très rêveurs, mais surtout vindicatifs et brouillons. Shun et ses amis se réunissent, se lancent dans de grands discours, crient au scandale et à l’injustice. Devant la menace de démolition du Quartier Latin, ils se lancent dans des projets d’action, mais au final ils ne font rien. Ils sont ancrés dans la réflexion, mais bien loin de l’action. Au contraire, les femmes du film le sont totalement. Puisque les garçons veulent sauver leur Quartier Latin, symbole de l’époque étudiante et lieu primordial de leur vie de jeunes adultes, les filles ont décidé de les aider. Après tout, ils sont incapables de penser à des actions réelles pour redorer leur image et mettre en avant leur Quartier Latin. Ce sont elles qui décident de se lancer dans un nettoyage radical et de fond en comble. En effet, le bâtiment fait grise mine et l’intérieur est dépouillé de tout rangement, de tout ordre. Motivés par les lycéennes qui viennent aider en force, les étudiants se lancent et vont changer leur si précieux repaire en un endroit agréable à vivre et sans danger. Ils vont alors enfin pouvoir inviter les décisionnaires à visiter leur temple de la culture et du savoir, mais encore une fois ce sont les filles guidées par Umi qui vont pousser tout ce petit monde à voir plus haut, jusqu’à Tokyo pour protéger ce qui a tant d’importance à leurs yeux.
 
 
  
 
 
Cela donne d’ailleurs une vision un peu ancienne et archaïque de la femme, comme quoi elles sont dans l’action et ne réfléchissent pas. Cette vision peut se défendre puisque les jeunes hommes sont bien plus concernés par le Quartier Latin et son devenir, et ce sont donc eux qui réfléchissent. Mais, justement, l’absence de femmes dans cette bâtisse d’un autre âge, leur accès plus que limités aux clubs culturels de l’école renvoie cette image vieillotte. Ce tableau s’inscrit parfaitement dans les années 60 au Japon, laissant la femme dans un rôle traditionnel qui lui convient bien, et lorsqu’elles interviennent pour une cause importante c’est dans le ménage et le rangement. C’est donc un beau témoignage de la différence entre les aspirations des deux sexes à cette époque. Ils se remettent différemment de la guerre et de ses conséquences. En cela, Umi est un témoignage idéal des jeunes femmes de son époque. La fille de bonne famille enchaîne les tâches ménagères, fait attention à son logis et à la tenue de ses comptes, des courses, du ménage et de la préparation des repas. Elle s’occupe en parallèle de sa famille, notamment de sa grand-mère pour la soulager en refoulant son ambition secrète de de devenir médecin comme son grand-père. Cette volonté est née des tragiques conséquences des batailles passées, et la jeune fille se sent investie de cette responsabilité d’aider les autres. Pleine de respect et de politesse surtout envers ses aînés, Umi veille sur les plus jeunes pour participer à leur éducation, mais surtout elle fréquente le même style de jeunes filles. Là où sa petite sœur représente la modernité, la génération suivante qui se détache de la vision ancestrale de la femme, Umi y reste encore profondément ancrée. Sous sa timidité, elle se révèle pourtant être le moteur de bien des décisions et des retournements de situation, au départ poussée par sa petite sœur, puis motivée par les découvertes qu’elle peut faire.

Mais c’est cette différence qui permet de marquer de manière aussi réussie la solidarité dans ce film. C’est un témoignage de la foi du réalisateur en l’homme, et en des capacités humaines à se dépasser pour une cause juste et commune. Les étudiants et les étudiantes s’allient sous un même but pour faire perdurer un centre névralgique de culture et d’histoire.
 
 

© 2011 Chizuru Takahashi · Tetsuro Sayama · GNDHDDT

Commentaires

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Karakuri

De Karakuri [3196 Pts], le 27 Décembre 2013 à 23h05

Ah oui et personnellement j'ai un souvenir mitigé de ce film, Goro Miyazaki n'a pas encore pu prendre à 100% son envol à cause de son père mais c'est sur la bonne voie (c'était déjà mieux que terremer).

Karakuri

De Karakuri [3196 Pts], le 27 Décembre 2013 à 23h04

16/20

J'ai lu le dossier hier, merci à Nidnim car on sent qu'elle s'est impliquée, même si je ressens aussi quelques interprétations sujettes à discussion, mais justement que serait un dossier sans interprétations personnelles !

Tehanu

De Tehanu [205 Pts], le 23 Décembre 2013 à 23h11

11/20

J'ai un peu de mal à la lecture de ce dossier, considérant que je suis en désaccord avec nombre de points et que j'ai du mal à cerner son propos et sa structure.

Je vois notamment un problème de focus dans les paragraphes, qui rendent la lecture confuse, principalement à cause d'interprétations qui ne trouvent pas réellement d'appui dans le film à son seul visionnage. J'ai particulièrement du mal avec la première partie du dossier, qui me laisse particulièrement dubitative dans son raisonnement. À moins que Nidnim, la chroniqueuse, ne soit d'origine japonaise (peut-être, je ne sais pas), je la trouve mal placée pour parler de l'aspect nostalgique du film sur ce ton assez affirmatif, comme si elle avait vécu cette époque ou cette ville, comme si elle avait visité Yokohama, comme si ces changements lui évoquaient réellement quelque chose de concret. Ce dont je doute à nouveau, surtout considérant son âge et le ton qu'elle emploie, et la sensation générale que son texte renvoie. Un ton plus neutre ou interrogatif aurait mieux fait passer cette partie. 

 

Dans cette même partie, je ne comprends pas le raisonnement concernant l'histoire d'amour, et j'avoue qu'il m'apparaît même dérangeant dans la façon dont il présenté. Dès que Shun apprend que lui et Umi sont liés par le sang, il met un terme immédiatement à toute relation possible, en avouant directement à Umi ce qu'il a découvert. J'apprécie d'ailleurs énormément ce passage, qui évite tous les clichés où Shun garderait le secret et tenterait d'éloigner Umi en se montrant désagréable ou odieux avec elle (même si cela commence un peu comme cela), mais au contraire se montre très honnête envers elle rapidement et lui avoue sans détour la raison qui fait qu'ils ne seront jamais ensemble.

L'inceste frère/soeur - demi-frère/demi-soeur reste un tabou (et tout à fait à raison), quelque soit les époques et les cultures, même si il existe des exceptions, bien entendu, mais cela n'a rien de glorieux ou de vraiment recommandable, et marque surtout une forme d'archaïsme ou de décadence. Ce ne serait en rien une marque de modernité, bien au contraire. Oui, ils s'aiment toujours, même après avoir appris cette nouvelle (ce qui est logique, puisqu'ils ne se sont jamais connus comme frères et soeurs), mais ce n'est en aucun cas à cause des traditions qu'ils décident que leur histoire est impossible, mais à cause d'une règle de base primordiale dans les sociétés humaines. Donc cette phrase du dossier : 

 Dommage que le tabou ne soit pas maintenu jusqu’au bout, pour vraiment faire exploser les anciens mœurs mais … le public visé n’aurait sans doute pas supporté cette ultime provocation. 


M'apparaît plus que déplacé dans le contexte, tant briser l'interdit n'aurait été en aucun cas une victoire, mais une défaite, renvoyant les deux jeunes vers une situation qui n'a rien de moderne, mais vraiment pas du tout.


La deuxième partie semble se contredire aussi dans plusieurs passages sur le rôle de la femme, et je me sens incapable de bien cerner la thèse de la chroniqueuse à nouveau. L'encart des commentaires est peu pratique pour ce genre de conversations, donc je m'abstiendrai de souligner les passages qui m'interpellent, mais je m'interroge tout de même.

Dans la troisième partie, de même, j'ai l'impression de voir beaucoup d'extrapolation de la part de Nidnim, sans base solide pour appuier ses dires.

Et en ça, on voit que Goro décide de se réconcilier avec son père. Il ne rejette plus son passé et l’œuvre de son père, comme il le faisait auparavant pour tenter de le surpasser et de le remplacer.


Source ? Je n'ai jamais entendu parler d'une telle rivalité de la part de Goro Miyazaki par rapport à son père. Les tensions entre eux sont connues et reconnues (notamment à travers un documentaire) mais je n'ai jamais lu ou vu que Goro souhaitait remplacer Hiyao comme figure majeure du studio. Cela me semble une affirmation bien exagérée et sans base aucune. Mais je peux me tromper.


En effet, son père a toujours su détacher des moments inoubliables, des épisodes clés dans chacun de ses films. Ici, il manque cet aspect-là, ce moment unique qui nous aurait fait nous souvenir à jamais du film.


C'est à nouveau un avis très personnel. J'imagine que la chroniqueuse est une fan absolue de Miyazaki père. Pourtant, le film de Goro ne manque pas de passages-clés très fort visuellement à mon sens. Cela fait un moment que je n'ai pas visionné le film, mais de tête, L'introduction sur la musique "Lever du jour, Chanson du petit déjeuner" m'apparaît excellente dans son exécution, son rythme et ses visuels ; Le nettoyage du quartier latin donne une petite touche de féérie également, façon Le Voyage de Chihiro à mon sens ; Et la dernière scène sur le bateau qui retourne au port avec les deux jeunes qui regardent tout deux vers l'avenir avec la chanson "Sayonara No Natsu" me donne à chaque visionnage l'envie de sourire et de pleurer à la fois. 

Je trouve aussi le personnage d'Umi bien plus intéressant dans le film que dans le manga, où dans ce dernier, elle fait un peu cruche basique très romantique, dans un style propre avec le manga de cette époque pour sa défense. Umi dans le film fait bien plus mature et sensible, et se révèle plus attachante à mon sens, dans tous son cheminement vers ses sentiments amoureux pour Shun, de la découverte, jusqu'à la confirmation, puis l'anéantissement, avant que la lumière ne revienne. 

Je ne vois pas non plus le problème avec le focus sur les deux personnages principaux, car il s'agit d'une constante dans les Ghibli de ne pas s'éparpiller et de conserver un focus bien défini sur les héros désignés. 


Je m'arrête là, mais je suis un peu déçue du traitement du film par la chroniqueuse, et j'ai du mal à saisir le message qu'elle a voulu faire passer en fin de compte. 

letty

De letty [623 Pts], le 06 Décembre 2013 à 11h30

16/20

jaime bien se film mais jai une préférence pour les films de Miyazaki un peu plus fantastique et qui "bouge" plus !!

Merci pour le dossier !! <3

 

 

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