Amnesia - Actualité manga
Dossier manga - Amnesia

Une lecture de pur divertissement


Il y a de quoi être frileux lorsque l’on se trouve face à une série d’action longue de trois volumes uniquement. Le système de publication japonais étant ce qu’il est, une série peut s’arrêter à tout moment à cause d’un manque de succès, obligeant son auteur à conclure son récit au plus vite. C’est pourquoi nombre de titre à potentiel font finalement l’objet d’un court format et déçoivent sur leur finalité. C’est pour ces raisons qu’il y a de quoi être craintif face à Amnesia, série courte de trois volumes qui donne dans l’action ainsi que dans les joutes psychologiques. Pourtant, la trilogie de Toichiro Ono fait figure d’exception dans ce paysage. Bien que succincte, la série jouit d’un format entièrement assumé qui lui octroie un rythme effréné à travers un scénario particulièrement compilant qui sait tenir la courte durée tout en proposant l’intégralité de ses développements et rebondissements scénaristiques. Amnesia n’est donc pas à sous-estimer et le mangaka offre un pur divertissement qui n’a qu’un seul objectif : Proposer une lecture sans temps mort et efficace.

Pour parvenir à un tel résultat, la série se concentre sur une seule et unique chose : son histoire. Celle-ci est le parcours de Noa, un KID’z qui a donc perdu la mémoire. Au départ, on ne trouve pas d’enjeux à la série puisque ce héros ne présente pas immédiatement ses objectifs, c’est donc l’avancée de l’histoire de son point de vue qui donne les clefs nécessaires pour comprendre le combat du personnage et la manière donc il va chercher à y parvenir, et le plus rapidement possible. Tout repose ainsi sur Noa et si la série parvient à présenter des personnages secondaires plus ou moins importants, la question n’est pas de les développer. Les traits de caractère de chacun sont certes mis en avant, mais leur background n’est jamais la préoccupation première de l’auteur, l’épopée de Noa accomplissant ce rôle. On comprend alors comment l’œuvre parvient à garder son rythme incessant : les évènements principaux s’enchaînent sans jamais laisser de répit au lecteur, la situation se développe progressivement jusqu’à la confrontation finale et le mangaka n’use jamais de remplissage pour construire ses tomes, de même que la vie quotidienne des personnages n’est que rarement présentée. A la place, le combat de Noa contre le système « anti KID’z » est clairement le point central du récit, et surtout l’unique enjeu de l’œuvre.

Les trois tomes ne laissent donc pas le temps au lecteur de souffler. En ce sens, la publication très rapide des trois opus en France est légitime et Glénat a parfaitement cerné sa série. La lecture se fait aussi vite que le récit avance et il ne fallait pas laisser au lecteur le temps d’oublier la moindre parcelle de l’histoire afin de bien la comprendre. C’est pourquoi, à l’heure où les trois tomes sont disponibles, il est important de considérer les trois opus comme un tout à lire en une seule fois plutôt qu’un récit épisodique qu’on peut mettre en pause à tout moment. Le scénario étant prévu pour aller vite et se savourer d’une traite, il est fortement déconseillé de s’octroyer une pause prolongée au cours de la découverte de l’œuvre. On peut ainsi voir une des raisons qui ont poussé Glénat à supprimer le chapitrage initial de chaque volume : La lecture se doit d’être continue, et elle le mérite amplement tant ses qualités scénaristiques imposent qu’on ne doit pas oublier le moindre petit élément de l’intrigue pour saisir toute sa richesse et sa complexité.





Les ingrédients pour créer une telle histoire proviennent du mélange des genres opérés par Yoichiro Ono pour élaborer sa série. Ses inspirations sont diverses, nous reviendrons d’ailleurs dessus ultérieurement, et on retient surtout que tel un Death Note, Amnesia s’ancre dans la droite lignée des shônen psychologiques, ces récits où les combats mettent surtout à l’épreuve les méninges des protagonistes, mêlé à un récit d’anticipation qui développe le thème du terrorisme.

Les « combats » de la série se forment autour de complots et dessins en tout genre, chaque personnage tendant des pièges à ses adversaires pour parvenir à ses fins. Sur trois volumes seulement, cela explique le nombre important de pirouettes scénaristiques qui ne manqueront pas de surprendre le lecteur tant elles sont présentes et surtout bien amenées. On comparera sans mal les exploits de Noa à ceux de Light de Death Note, sauf que les longs temps de parlotte sont remplacés ici par une action incessante étant donné que notre héros se trouve en permanence au cœur de l’action. Et comme dit précédemment, cette lutte psychologique se base sur le sujet du terrorisme mais un terrorisme différent de ce que l’on peut voir, celui qui cherche à ne pas faire de victime mais surtout secouer la société. La manière dont le sujet est développé est novateur car crédible en plus de prendre à contrepied la triste réalité où imposer ses idéaux revient à accumuler les cadavres. Sur un temps très restreint, Amnesia nous pose donc quelques questions, notamment la manière de chambouler notre monde de manière radicale sans pour autant avoir à assassiner des innocents. Forcément, sur un plus grand nombre de tomes le sujet aurait pu se révéler encore plus pertinent, mais l’approche du mangaka se montre quand même intrigante.

Que les plus grands amoureux du shônen classique et de ses codes standards se rassurent toutefois, Amnesia ne prend pas énormément de risques quant aux ficelles utilisées pour constituer la forme de l’œuvre. A la place du héros possédant un incroyable pouvoir, prenez plutôt un protagoniste doté d’une grande intelligence et vous obtenez Noa. Face à lui, l’agent de police Shunsuke Tokiwa forme un rival aussi bien esthétique qu’en termes de manière de faire malgré des idéaux globalement semblables. On n’oublie pas non la camarade naïve et amoureux du héros, l’antagoniste au même niveau que ce dernier, et surtout la manière dont l’œuvre tisse le portrait d’une figure centrale qui n’est pas là par hasard et qui forme le fil conducteur de tous les événements de l’histoire. Oui, en replaçant chaque personnage et chaque élément à sa place, on est sûrs d’être face à un shônen de combat, mais de combats psychologiques, ce que Bakuman appellerait volontiers de la « baston marginale ».
  
  
  

© 2009 by Yoichiro ONO / SHINCHOSHA Publishing Co.

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