Zero pour l'éternité - Actualité manga
Dossier manga - Zero pour l'éternité
Lecteurs
20/20

Derrière le combattant, l'humain

  
Derrière les questions historiques ou idéologiques, on se rend surtout compte que Zéro pour l'éternité offre sa principale richesse dans l'humanisme que la série dégage. En s'intéressant aux années de guerre de Kyôzô Miyabe, Kentarô et Keiko retrace quelques années de vie de cet homme auquel ils ne s'étaient jamais intéressés, et ils découvrent peu à peu l'homme qui se cachait derrière celui qui a fini en kamikaze.

Véritable personnage central de l'oeuvre, Kyûzô Miyabe est celui qui amène l'essentiel des focus humains et des interrogations qui entretiennent le dynamisme de la série. Très vite, les questions affluent autour de lui : dans quel état d'esprit s'est-il sacrifié ? Etait-il seulement le héros que tout le monde prétend, ou était-il le lâche que d'autres décrivent ? Etait-il vraiment prêt à mourir, ou s'accrochait-il à la vie ? Dès le prmeier récit, celui du du vieil Ishioka, on commence à découvrir le parcours d'un homme peut-être très différent de son image, qui enclenche une vision à des années-lumière de celles que l'on a habituellement des kamikaze, et qui donne envie de connaître au plus vite la suite, de découvrir plus en profondeur la mentalité qui était celle de Kyûzô Miyabe.

Si l'on se fie à Ishioka, il semblerait que Kyûzô, accroché à la vie, ait été le plus grand des lâches, et c'est avec cette pensée en tête que Kentarô doit partir à la rencontre du deuxième témoin, Itô. Et quand la grande Histoire se mêle à la petite, le récit se fait d'autant plus captivant, car peu à peu, avec ce nouveau témoignage, Kentarô continue de mieux cerner l'homme qu'était son grand-père, qui n'était pas forcément lâche, était même un pilote exceptionnel, mais était tout simplement inadapté à son époque, car il accordait trop d'importance à la vie, aussi bien à la sienne qu'à celle de ses camarades qu'il voyait tomber au combat.
Au fil des deux premiers témoignages qu'il a pu recueillir, Kentarô a vu son avis sur son grand-père changer petit à petit, et le jeune homme commence alors à se faire une vision plus optimiste de son ancêtre, vu tantôt comme un lâche, tantôt comme un homme qui connaissait la valeur de la vie. En compagnie de la mignonne Kaïha, il achève de façon positive sa rencontre avec Mr Ito, en ayant en tête l'image d'un aïeul également soucieux des siens.

Mais après sa première confrontation avec le journaliste Ryûji Takayama, une nouvelle question vient alors tarauder Kentarô : pourquoi Kyûzô, qui connaissait tant la valeur de la vie, s'est-il engagé dans l'armée ? Kentarô et Keiko entreverront la réponse à travers les témoignages suivants.
Le troisième témoignage est celui de Genjirô Izaki. Ce vétéran de Rabaul séjournant désormais à l'hôpital va offrir aux deux jeunes adultes une vision toujours plus claire de Kyûzo... avant que la réponse, simple et humaine, n'arrive avec le quatrième témoignage, celui d'un mécanicien ayant fréquenté Miyabe.

Le portrait de Kyûzô se précise, sa vie se retrace en même temps que ses petits-enfants découvrent l'humanité qui l'habitait. C'est à ce moment précis qu'arrive alors un nouveau témoignage percutant, celui d'un homme qui semble avoir haï Miyabe au point d'avoir envie de le tuer : Mr Kageura, ancien yakuza, qui, pendant longtemps, a haï du plus profond de son être Kyûzô Miyabe, un rival qu'il a sans cesse provoqué en duel, dans des combats aériens que Miyabe refusait inlassablement... jusqu'à une expérience qui a changé la donne. L'entretien amène une nouvelle énigme. Juste avant son ultime décollage pour la mission kamikaze qui lui coûta la vie, pourquoi Miyabe avait-t-il l'air si proche du désespoir, et pourquoi a-t-il échangé au dernier moment son avion ?
  
  
  
  
  
Ces deux énigmes constituent la dernière ligne droite de la série, qui se poursuit autour d'un nouveau témoignage assez court mais riche en émotion et en humanité, car il dévoile les origines très humaines de la détresse de Miyabe, et lève brillamment le voile sur la raison de l'échange d'avion. Une raison qui enclenche pour Kentarô une dernière visite où la grande Histoire rejoint entièrement la plus petite, la plus personnelle. Car au-delà de ces kamikaze qui ont collectivement laissé leur nom dans l'Histoire, il y a définitivement des hommes, avec leurs tourments, leurs doutes, leur volonté de rédemption. Kenzô Miyabe ne fut que l'un d'eux, et son ultime décision, ses ultimes paroles pour celui qu'il a sauvé en changeant d'avion ont abouti sur la plus émouvante des conséquences, s'étirant sur plusieurs décennies, pour un habile rapprochement entre les générations passées et présentes, et une concrétisation parfaite du parcours que Kentarô et sa soeur se sont appliqués à retracer.

Des interrogations, des informations apportées par les témoins, de nouvelles interrogations, et ainsi de suite, pour un résultat qui approfondit toujours plus l'homme que fut Kyûzô Miyabe. La recette est simple, mais utilisée brillamment pour portraire Kyûzô... qui n'es toutefois pas le seul personnage à révéler toute son humanité. Les témoins, loin de n'être que des faire-valoir, ont aussi leur propre histoire, ont eu des vies très différentes après la guère (heureuse sou malheureuses, pauvres ou riches, légales ou moins légales). Ils possèdent tous leur propre background, leurs doutes, leurs regrets, leurs défauts et leurs qualités qui en font des hommes. Et bien souvent, l'impact que Kyûzô a eu sur eux est loin d'être négligeable. Car pour comprendre Kyûzô, il convient également de comprendre chacun des hommes qui l'ont fréquenté.

Le premier tome, le petit tour de force des auteurs est de révéler par petites doses le parcours de Kyûzô à travers Ishioka. Quelle vision avait-il du grand-père de Kentarô et Keiko ? Au fil de son récit, le vieil homme, mine renfrognée et désabusée, un bras en moins à cause de la guerre, voit ressurgir en lui nombre de souvenirs de cette époque, et c'est alors lui-même que l'on découvre le plus, dans les souvenirs de sa relation conflictuelle avec Kyûzô. C'est  avec un certain intérêt que l'on découvre la jeunesse de cet homme qui n'a jamais été gâté par la vie. Une jeunesse qui l'a beaucoup conditionné jusqu'à son arrivée auprès de Kyûzô, où l'admiration qu'il voue à ce dernier va vite se transformer en dégoût pour diverses raisons. Avec habileté, les auteurs opposent deux visions différentes des pilotes de Zéro, mettent joliment en face deux visions intéressantes de la vie et de la mort, sans jamais pencher d'un côté ou de l'autre. Si Kyûzô peut paraître lâche, on a aussi le sentiment de pouvoir comprendre son attachement à la vie.

Bien sûr, il y a d'autres exemples forts.
Celui de Genjiro Izaki, le troisième témoin, qui séjourne à l'hôpital. En côtoyant Miyabe au fil des missions entre Rabaul et Guadalcanal, Izaki a appris à chérir sa propre vie.
Celui de Kageura, aussi. Tout en nous laissant entrevoir la raison qui poussait l'orgueilleux et virulent Kageura à détester Miyabe au point de vouloir le tuer, le récit laisse surtout apparaître les faiblesses d'un homme qui n'a pu que regretter sa lâcheté, camouflée derrière Miyabe. Au bout du compte, le récit de Kageura permet de cerner encore un peu plus l'aïeul de Kentarô, et laisse voir une belle forme de rédemption chez Kageura.

Au bout du compte, la boucle est bouclée, le parcours de Kenzô Miyabe s'est révélé, a su toucher d'un bout à l'autre en révélant les forces et les faiblesses du principal concerné et des nombreux témoins. La série aura alors à coeur de se terminer sur un ultime chapitre où le dernier témoignage arrive directement du passé, du principal concerné, comme une sorte d'épilogue poignant apportant avec force un point final à la série. Mais ça, si vous n'avez pas encore lu la série, nous vous laissons le découvrir.
  
  
  
   
  

Devoir de mémoire

  
L'habileté de Zéro pour l'éternité tient aussi dans le choc qu'il crée entre deux générations séparées par plusieurs décennies. Car si Keiko écoute attentivement le récit du vieil homme, au début on ne peut pas en dire autant de Kentarô, jeune homme de notre génération, qui semble se ficher royalement du passé au point de risquer de vexer par moments le premier témoin.

C'est là l'autre grand axe de la série : en confrontant des générations qui n'ont pas connu les mêmes conditions de vie, les auteurs les rapprochent, et nous poussent à ne pas oublier d'effectuer le devoir de mémoire qui est le nôtre.

Ainsi, dès le deuxième volume, le souci du devoir de mémoire s'immisce petit à petit en Kentarô. Lui qui au début se fichait royalement du passé, se prend de plus en plus d'intérêt pour celui-ci, bien aidé dans ce volume par Kaïha, jolie jeune femme qui, de son côté, a déjà pleinement conscience qu'il ne faut pas oublier tout ce que les générations passées ont pu apporter, et va lui ouvrir encore un peu plus les yeux.

La fin de la rencontre avec Izaki possède aussi une grande force, grâce à une belle mise en avant de l'impact qu'a eu Miyabe sur lui, mais aussi parce que le récit de ce vieil homme parvient à toucher jusqu'à son petit-fils, qui n'avait jamais réellement prêté attention aux histoires du passé de son grand-père.

Au fil des rencontres, les auteurs continuent d'offrir une conscience du passé à Kentarô, tandis qu'il découvre toujours plus en profondeur l'humanité qui se cachait derrière son grand-père combattant ou derrière les kamikaze. Au bout du chemin, l'essentiel est passé : n'oublions pas de nous retourner parfois sur le passé, ne serait-ce que par respect pour celles et ceux qui ont parfois conditionné nos vie et ont donné leur vie pour nous.



  
  

Trouver sa voie

  
Cette prise de conscience se répercute évidemment sur Kentarô, et, lui qui est le classique anti-héros faible et se jugeant sans qualités, va, au fil de la série, se reforger un objectif et une condition.

Ainsi le loser du début, qui est en perte de repères, vient tout juste de se faire larguer, n'a plus la motivation pour ses études et se fiche un peu de tout, se prend-il peu à peu de passion pour les recherches sur son grand-père, passion réveillée dans un premier temps par quelques éléments rapides de facture classique. Quand son ancienne petite amie lui téléphone, le voici heureux de constater qu'elle trouve important ce qu'il est en train de faire. De son côté, son grand-père adoptif le soutient ausis dans cette démarche, en espérant qu'au bout du chemin il se rendra compte de ses qualités. Le coup de boost continue avec l'arrivée de Kaïha, une jeune fille qu'il trouve décidément très mignonne...

Ces petits éléments, bien que finalement peu exploités, le remettent sur la bonne voie. Ainsi, Tout en en apprenant plus sur la Guerre du Pacifique et en se retrouvant un objectif professionnel, Kentarô parvient à se redonner des intérêts dans la vie, et est finalement décidé, en quelque sorte, à faire bonne figure face au fantôme de son aïeul.

Il faut tout de même dire que ce focus sur Kentarô reste discret et basique, qu'il n'est pas spécialement mis en avant, mais néanmoins il existe et possède sa place et son importance.
   
   

EIEN NO ZERO © 2010 by Naoki Hyakuta / Souichi Sumoto / FUTABASHA PUBLISHERS LTD.

Commentaires

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Karakuri

De Karakuri [3196 Pts], le 10 Janvier 2015 à 15h39

20/20

Dossier impeccable pour une série d'une grande puissance ! Bravo pour avoir mis en avant les problèmes d'idéologie qui peuvent éventuellement être liés à cette série au Japon. Il n'en reste pas moins qu'en France une série de ce type a une autre portée bien éloignée de ce type de considérations idéologiques proprement japonaises. C'est la preuve qu'une série peut être perçue un peu différemment selon les pays. Bref bravo pour le travail de recherche !

Skanzaki68

De Skanzaki68 [560 Pts], le 28 Avril 2014 à 16h24

20/20

Super dossier sur un manga magnifique, historiquement et humainement de grande valeur. De plus d'une objectivité à relever, sachant que ce thème est encore sensible au Japon.

Dim12

De Dim12 [4930 Pts], le 27 Avril 2014 à 23h03

20/20

Un très très bon dossier merci !

Cid44

De Cid44, le 25 Avril 2014 à 22h31

19/20

Un dossier de grande valeur pour cette oeuvre qui m'aura happé du début à la fin. Bon boulot de la rédac' !

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