Un pont entre les étoiles - Actualité manga
Dossier manga - Un pont entre les étoiles

Et à la fin, quelle issue, quels messages ?


Parlons maintenant plus spécifiquement du quatrième et dernier volume d'Un pont entre les étoiles, de la façon dont il est mené, des choses qu'il véhicule pour conclure comme il se doit la série.

Du temps est alors passé depuis que, dans le tome 3 Haru a dû quitter précipitamment Shanghai, mais la voici enfin de retour dans la ville chinoise. Désormais lycéenne, elle a retrouvé sa chère Chii et, en cours, fait même la connaissance de Miyoko Mori, adolescente qui, malgré son caractère au premier abord hostile, deviendra son amie. Pendant que tout le monde s'active dans l'intensification des tensions entre Chine et Japon et que le patriotisme se fait plus fort, notre héroïne, elle, continue pourtant de rêver de retrouver Xing, celui qui est si cher à ses yeux... mais elle n'a alors aucune idée de ce que le jeune chinois a traversé, la mort tragique de son père abattu par les Japonais ayant brisé quelque chose en lui. A présent, c'est sous le nom de Junk qu'il opère dans la résistance anti-japonaise, et quand Haru le recroise enfin ses yeux n'ont absolument plus la même lumière qu'autrefois... Leur amitié autrefois si forte pourra-t-elle renaître et survivre face à la haine engendrée par la guerre ?





Kyukkyupon offre un dernier volume captivant sur plusieurs points, à commencer par la vision de la guerre que la mangaka nous offre. Après trois premiers volumes où les tensions et les drames entre Chinois et Japonais n'ont cessé de s'accroître, les choses passent encore un cap. Terrorisme anti-japonais des chinois au sein de Shanghai, résistance, entrée en guerre des USA contre le Japon suite à Pearl Harbor, issue fatale à partir du drame atomique de Hiroshima et de Nagasaki... L'autrice n'a aucune difficulté à dégager certaines grandes étapes de la guerre pour nous en faire ressentir toute la tension et tout le drame humain que celle-ci provoque, en s'intéressant ici plus spécifiquement à Shanghai bien sûr, où la ville chinoise est occupée par les Japonais dans un climat chaotique.

"Aux réunions, à la radio, ils font tous de beaux discours mais à nous... on nous interdit tout, jusqu'au moindre petit plaisir... C'est ça, le grand Japon ?"

Kyukkyupon joue vraiment bien son coup dès qu'elle s'intéresse de plus près à toutes les conséquences sur le peuple. Dans ce contexte, elle sait glisser diverses petites choses d'époque: le statut particulier de l'actrice Li Xianglan, la recrudescence des fumeries d'opium, l'interdiction de petits plaisirs tout simples comme les illustrations de Junichi Nakahara (un artiste qui est parfois considéré comme l'un des fondateurs du style avec de grands yeux dans les manga shôjo), la place de ceux qui sont appelés les coolies... Egalement, dans tout ça les élans patriotiques prennent bien des formes. Certains partent se battre avec fierté à l'image du garnement qui martyrisait Xing autrefois, d'autres comme Chii souhaitent devenir infirmières, chacun est actif à sa façon pour sa patrie ou pour les siens, tandis que dans un premier temps Haru, elle, s'interroge, se demande ce qu'elle doit faire, prise entre l'influence de son entourage ou du conflit d'un côté, et de l'autre côté son désir profond de retrouver son si précieux ami chinois tel qu'elle l'a connu autrefois.

Kyukkyupon parvient vraiment à véhiculer beaucoup de choses à travers son héroïne, qui reste ballottée par les événements ou qui se retrouve conditionnée par ce contexte de guerre où elle est poussée à faire des choix, tout comme ses amies Chii et Miyoko. Il y a forcément des drames, des morts, des événements historiques tragiques, et, à chaque fois derrière, des sentiments d'incompréhension ou d'injustice traduisant surtout une chose une fois la défaite japonaise déclarée: pourquoi tout ça ?





Dans ce climat haineux, pourtant, ce que dégage Haru avant tout, c'est bien de l'espoir, de la lumière. On le ressent dès la petite scène avec Chii quand celle-ci doit repartir à Nagasaki: les quelques mots de Haru à son amie lui sauveront la vie, littéralement. De simples mots ayant pour qualité de rester bons et bienveillants dans ce contexte. Mais il y a aussi, et surtout, bien sûr, toute la symbolique que revêt sa forte amitié (et plus encore) avec Xing, la place que prend son chien Biscuit dans cette amitié au final, ce que ces deux jeunes ayant connu tant de drames déclenchent tout autour d'eux entre des japonais et des chinois qui ne se haïssaient pas tous...

La conclusion est sans doute assez attendue, mais résolument belle dans ses valeurs de pacifisme, d'humanisme et de compréhension.

"Ces gens rayonnent... comme des étoiles porteuses d'espoir."


La patte visuelle de Kyukkyupon, et le rendu accessible à tout public


Sur le plan visuel, ce qui frappe en premier lieu dans le style de Kyukkyupon est sûrement le souci du détail que la mangaka veut offrir à son oeuvre. Les vêtements d'époque sont très soignés, tout comme les décors du Shanghai des années 1930 qui sont omniprésents et assez riches et profonds sans être surchargés.

A cela, Kyukkyupon ajoute des designs de personnages parfois légèrement caricaturaux mais très expressifs, où brillent surtout les visages tout en rondeur et en douceur de Haru et du petit garçon chinois.





Il s'agit d'un style doux et presque mignon qui a régulièrement des allures de livre pour enfants... ce qui est peut-être un choix volontaire, tant, ce récit, dans ses visuels et dans son ton un peu enfantin (vu qu'on vit l'essentiel à travers Haru), pourrait aussi toucher facilement un jeune public.

Dès lors, Un pont entre les étoiles apparaît véritablement intéressant car il s'agit non seulement d'un joli récit pour les lecteurs plus âgés, mais également d'un manga sur la tolérance, la paix et l'ouverture plutôt accessible aux plus jeunes et donc essentiel. Il y a bien quelques moments durs dans la série, certes, notamment dans la dernière partie du volume 3, mais ils ne sont pas brutaux ou sanglants plus que de raison, et cherchent simplement à être marquants, car il s'agit des instants les plus rudes pour ces jeunes personnages pris dans une guerre dont ils sont d'innocentes victimes collatérales.

Il y a juste de quoi souligner avec force toute l'horreur de la guerre et de la haine auprès d'un public jeune, et sans doute est-ce pour ça que la série a été publiée dans un magazine Shônen (le Gessan étant estampillé ainsi). Auprès d'enfants/adolescents, l'oeuvre aurait donc presque des vertus éducatives !
  
  


© by KYUKKYUPON / Shôgakukan

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