Un pont entre les étoiles - Actualité manga
Dossier manga - Un pont entre les étoiles

Quand l'ombre de la guerre plane et que les tensions entre Japonais et Chinois se montrent


Le cas familial


Mais en toile de fond, on le comprend surtout dès la dernière partie du volume 1, l'amitié entre Haru et Xing risque forcément et malheureusement de rapidement être mise à mal à cause du climat de l'époque. Kyukkyupon, au départ, se contente vraiment très brièvement d'évoquer le contexte de l'époque entre la Chine et le Japon qui sont proches de la guerre, mais déjà on ressent la tension qui s'installe, à travers le racisme ambiant, les brimades de certains garnements japonais envers le garçon chinois, ou les regards mauvais d'autres enfants chinois envers Haru. Et les choses commencent à prendre une tournure plus dure à partir du volume 2.

Un jour où elle traîne trop à rentrer, Haru est surprise par son père, qui ne lui pardonne pas son comportement loin d'être celui d'une « famille japonaise huppée », et il se montre même particulièrement odieux envers Xing qu'il chasse en le traitant de « sale mendiant de chinois » ! Alors, Haru se désespère, car il devient pour elle beaucoup plus difficile de revoir son cher ami.





C'est toutefois dans le troisième volume d'Un pont entre les étoiles que les questions familiales prennent vraiment des tournure de premier plan. Alors qu'elle est désormais bien intégrée à la ville chinoise qu'elle a appris à aimer, Haru voit arriver devant elle d'autres étapes essentielles, qui ont toutes un point en commun: elles évoquent les rapports entre les enfants et leurs parents dans ce contexte de tension (et, on le sait, bientôt de guerre) entre Chine et Japon. Contrairement au tyrannique père de la fillette, la maman de Haru se montre bienveillante et attentive, soutient réellement sa fille au quotidien, et finit même par vite proposer une étonnante chose au Docteur: qu'il lui donne des cours de dessin. Quant au père de la fillette, que l'on a vu si tyrannique jusqu'à présent, quelle sera sa réaction en découvrant tout ça ? En constatant que Haru fréquente encore le petit Xing ? En voyant que sa fille suit des cours avec des "mendiants" chinois ? En voyant la nature de ces cours ? Quelque chose boue toujours en lui, il affirme refuser d'admettre ça... Et pourtant, il ne peut constater qu'une seule chose avant tout: le sourire que son enfant affiche à Xing ou au Docteur, un sourire qu'elle ne lui a jamais adressé. On sent alors le papa de la petite fille s'adoucir très légèrement, lui aussi, conserver son ton agressif mais montrer aussi un petit peu plus de compréhension.

Et enfin, il y a le cas du Docteur, qui, lui aussi, montre d'autres facettes de lui-même, dès le départ en acceptant de donner des cours à Haru. Bien sûr, cet homme reste toujours assez froid voire brutal, surtout quand Haru a le malheur de faire une certaine bêtise en pensant bien faire, mais derrière cette façade on devine largement un homme endolori par les épreuves passé et, surtout, un père très aimant. Ce dernier point ne manque pas de se confirmer, avec émotion, quand il finit par avouer à Haru la vérité sur le passé de Xing, et ce qui se cache réellement derrière le si beau sourire du petit garçon. Et cet amour parental, le Docteur le prouvera encore plus fortement par la suite, dès lors que l'inévitable horreur de la guerre arrivera...

La question familiale est alors superbement traitée dans Un pont entre les étoiles. Au-delà de la haine entre les deux civilisations due au contexte de tension et à un rejet bête et primaire de cette culture différente, les parents, portés par leur amour pour leur enfant, peuvent aussi avoir des remises en questions, savent faire un peu plus la part des choses pour le bien de leur progéniture, ce qui peut les pousser aussi à montrer eux-mêmes un petit peu plus de tolérance. Car après tout, quel que soit le pays, la culture des parents sont des parents. Avec ce qu'ils peuvent aussi avoir de prise sur eux voire de sacrifices parfois tragiques, la guerre et la haine aveugle n'étant malheureusement jamais loin pour tout briser...


Le cas scolaire


Abordons désormais une autre étape essentielle de la nouvelle vie chinoise de Haru, à savoir son entrée et son acclimatation dans sa nouvelle école primaire.

Sur un plan positif, elle y retrouve Chitose, alias Chii, une petite fille qui était son amie chère au Japon à Nagasaki, et qu'elle retrouve sous des jours un peu différents. Un personnage supplémentaire que l'autrice n'a pas de difficultés à rendre assez attachante elle aussi, de par son amitié et ses différences de comportement avec une Haru peut-être plus courageuse qu'elle ne le croit.





Plus courageuse, car dans cette école c'est aussi une autre cruelle réalité qui attend notre jeune héroïne: le profond mépris de classe des Japonais les plus aisés, dont elle fait partie, envers les Japonais les plus pauvres.

Un fait que Haru découvre avec un certain choc, et dont elle tire certaines leçons avec maturité, comprenant que les plus pauvres des enfants japonais évacuent les brimades qu'ils endurent en s'en prenant eux-mêmes aux enfants chinois.

Triste et bête cercle vicieux où la haine et la violence ne font qu'entraîner toujours plus de haine et de violence...


Le cas de la guerre


Enfin, c'est à partir de la deuxième moitié du volume 3 que s'intensifie réellement la dure réalité de la guerre. L'heure est alors venue pour le conflit sino-japonais d'imprégner plus que jamais les pages.

Là où la première moitié de ce troisième tome se veut assez belle, douce et chaleureuse sur plusieurs points, la deuxième moitié dudit volume apporte d'emblée un contraste saisissant, avec une Haru emportée soudainement hors de chez elle, avec uniquement ses parents, sans Ama et Xinlin, avec la peur de ne pas pouvoir revoir Xing et le Docteur... Tout ce passage est très bien rendu car, vécu du point de vue de Haru, il nous transmet toute l'incompréhension que peut avoir la petite fille dans cette situation d'urgence qui la dépasse complètement et face à laquelle elle ne peut absolument rien faire. Ce n'est pas nouveau: depuis le début, en nous faisant toujours vivre les choses du point de vue l'enfant, Kyukkyupon a effectué quelques merveilles aux tonalités faites de pacifisme et de compréhension d'une autre culture.





Cela dit, l'autrice choisit immédiatement après, au bon moment, de s'écarter de cette narration afin de nous plonger, le temps du passage le plus tragique du tome, dans les pensées d'un homme, d'un père prêt à tout pour protéger son enfant face à l'horreur... Dans la façon dont il est amené et est mis en scène, ce passage frappe fort, et on a bien conscience que l'horreur de la haine a encore frappé, et qu'après ça plus rien ne sera comme avant.
  
  


© by KYUKKYUPON / Shôgakukan

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